15ème législature

Question N° 1629
de Mme Marietta Karamanli (Socialistes et apparentés - Sarthe )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Situation des agriculteurs sarthois

Question publiée au JO le : 04/01/2022
Réponse publiée au JO le : 12/01/2022 page : 494

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des agriculteurs sarthois. En effet de nombreux exploitants et notamment des éleveurs connaissent de fortes difficultés liées au renchérissement des matières premières. C'est notamment le cas des éleveurs de porcs et de volailles. Les prix de vente des productions ont peu évolué et les coûts de l'alimentation sont eux en hausse. À ces difficultés liées aux marchés s'ajoute une négociation avec la grande distribution. La loi de modernisation de l'économie de 2008 puis la loi dite « EGALIM » ont tenté d'apporter des réponses. Cinq centrales d'achat gèrent près de 80 à 90 % des achats de la grande distribution et s'approvisionnent, directement ou non, auprès des exploitations agricoles, qu'elles contraignent fortement. Dans ces conditions, ce sont les centrales d'achat qui fixent les prix de leurs fournisseurs et certains producteurs agricoles peuvent être conduits à vendre aux distributeurs en dessous de leurs coûts de production, ce qui met en cause la survie même de leur exploitation. Si tout le monde s'accorde pour que les prix soient calculés sur la base des coûts de production des agriculteurs et non plus sur les seules orientations de la très grande distribution, les méthodes divergent. Ni les interprofessions ni l'observatoire des prix et des marges, un organisme indépendant, ne peuvent énoncer d'indicateurs s'imposant à tous. Parallèlement, sur l'ensemble du pays des tensions se font jour sur le marché des terres liées à des achats de natures différentes : spéculations, terres dédiées à des activités d'énergies alternatives, fonds d'investissement rendant difficile l'accès aux terres sauf recours à un endettement important. Récemment, le législateur a entendu lutter contre une forme d'accaparement des terres agricoles par la cession des parts de sociétés, via un nouveau mécanisme de contrôle initié par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), mais la question du grignotage des terres reste posée. La question de Mme la députée est triple. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour faire face aux fluctuations des marchés ? L'État ne doit-il pas privilégier à un moment des prix minimums garantis et des contrats tripartites (producteurs, industriels, distributeurs) où l'industrie agroalimentaire serait contrainte de travailler sur la base du coût de revient des agriculteurs ? Quelle mesures et pistes M. le ministre privilégie-t-il en vue de mieux protéger les terres agricoles en lien peut-être, entre autres, avec les collectivités territoriales ? Elle le remercie de sa réponse qu'elle souhaite détaillée et opérationnelle.

Texte de la réponse

SITUATION DES AGRICULTEURS SARTHOIS


M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour exposer sa question, n°  1629, relative à la situation des agriculteurs sarthois.

Mme Marietta Karamanli. De nombreux exploitants, notamment des éleveurs, connaissent de fortes difficultés liées au renchérissement des matières premières. C'est notamment le cas des éleveurs de porcs et de volailles. Les prix de vente des productions ont peu évolué, alors que les coûts de l'alimentation, eux, sont en hausse.

À ces difficultés liées au marché s'ajoutent les négociations avec la grande distribution. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, puis la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, ont tenté d'apporter des réponses. Cinq centrales d'achat gèrent 80 % à 90 % des achats de la grande distribution et s'approvisionnent, directement ou non, auprès des exploitations agricoles, qu'elles contraignent fortement. Dans ces conditions, ce sont les centrales d'achat qui fixent les prix de leurs fournisseurs. Certains producteurs agricoles sont ainsi conduits à vendre aux distributeurs à un prix inférieur à leurs coûts de production, ce qui met en cause la survie même de leur exploitation.

Si tout le monde s'accorde à dire que les prix doivent être calculés sur la base des coûts de production des agriculteurs et non plus sur les seules orientations de la très grande distribution, les méthodes pour y parvenir divergent. Ni les interprofessions ni l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), un organisme indépendant, ne peuvent définir des indicateurs s'imposant à tous.

Parallèlement, dans l'ensemble du pays, des tensions liées à des achats de natures différentes – spéculation, terres dédiées à la production d'énergies alternatives, fonds d'investissement rendant difficile l'accès aux terres sauf à recourir à un fort endettement – se font jour sur le marché des terres. Récemment, le législateur a d'ailleurs entendu lutter contre une forme d'accaparement des terres agricoles par la cession de parts de sociétés, en créant un nouveau mécanisme de contrôle déclenché par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), mais la question du grignotage des terres reste posée.

Ma question est donc triple. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour faire face aux fluctuations des marchés ? L'État ne doit-il pas privilégier des prix minimums garantis et des contrats tripartites contraignant l'industrie agroalimentaire à travailler sur la base du coût de revient des agriculteurs ? Enfin, quelles mesures et pistes de réflexion privilégiez-vous en vue de mieux protéger les terres agricoles, peut-être en lien avec, parmi d'autres acteurs, les collectivités territoriales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Le premier point que vous soulevez renvoie au débat qui nous a occupés lors de l'examen de la loi EGALIM 2, qui encourage la contractualisation que vous appelez de vos vœux. Cette loi, adoptée il y a maintenant trois mois, est appliquée avec beaucoup de force et de détermination.

Comme vous le savez, la spécificité du monde agroalimentaire réside dans les négociations commerciales annuelles, qui se déroulent en ce moment même et jusqu'à la fin du mois de février. L'application de la loi EGALIM 2 permettra de favoriser la contractualisation, que nous avons généralisée et qui me paraît essentielle, parce qu'elle donne de la visibilité aux producteurs, garantit la transparence et permet de lutter contre les comportements que vous avez dénoncés.

Mais le texte va plus loin, puisqu'il dispose que les prix doivent être fixés en prenant pour socle les coûts de production. Mieux encore, la loi crée des indicateurs d'indexation automatique revus année après année – ce qui constitue un point capital – et impose la non-négociabilité du prix des matières premières agricoles. En revanche, elle n'a pu aller – ne serait-ce que parce que le texte aurait probablement été censuré – jusqu'à prévoir l'établissement de prix fixés par la loi, car cela aurait contrevenu aux principes de libre commercialisation et de libre entreprise.

La loi EGALIM 2 va donc aussi loin que possible dans la régulation. La même détermination qui a animé le député Grégory Besson-Moreau et la majorité pour défendre ce texte sera consacrée à en assurer l'application. Nous prévoyons notamment de quadrupler le nombre de contrôles effectués par les organismes de contrôle, au premier rang desquels figure la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour s'assurer du respect de la loi.

Vous m'interrogez sur une autre question très importante, à savoir celle du foncier. Cet actif représente ce que l'agriculteur a de plus précieux : il s'agit non seulement de son outil de production, mais surtout du sol, que tous les acteurs du monde agricole chérissent.

Sur ce volet, l'Assemblée nationale a réalisé il y a peu une très grande avancée en adoptant la proposition de loi de Jean-Bernard Sempastous portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, votée ensuite par le Sénat et validée en commission mixte paritaire (CMP) à l'unanimité des deux assemblées.

Cette loi permettra de traiter un point spécifique qui, s'il peut paraître technique, n'en est pas moins essentiel. Jusqu'à présent, en effet, le contrôle du foncier ne s'étendait pas aux parts sociétaires. On pouvait ainsi l'exercer pour les structures – les exploitations agricoles –, mais pas quand les terres étaient détenues par des entreprises sous diverses formes sociétaires, ce qui donnait lieu à des détournements massifs. Le texte récemment adopté a apporté des éléments de réponse que nous nous emploierons à déployer.