15ème législature

Question N° 162
de Mme Sabine Rubin (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > Pollution autour du site Wipilec de Romainville (Seine-Saint-Denis )

Question publiée au JO le : 13/02/2018
Réponse publiée au JO le : 23/02/2018 page : 1444

Texte de la question

Mme Sabine Rubin alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la situation du site Wipilec à Romainville. Il y a une présence attestée sur le site de cyanure, de métaux lourds et de composés organiques volatils, dans les sols et les eaux souterraines, avec une propagation chez les riverains, allant jusqu'à 450 fois le seuil accepté. Depuis 2013, le fond de pension Ginkgo souhaite acquérir le site pour y bâtir des logements. Il en résulte de fortes mobilisations des associations environnementales dont L'Express, Le Canard enchaîné et Envoyé spécial se sont fait l'écho. Les problèmes posés sont les suivants : non-respect des arrêtés préfectoraux, plan de gestion éludant les recommandations d'experts, dévaluation foncière des habitations, proportion anormalement élevée de cancers chez les riverains. Mais il existe également des problèmes d'inégalité territoriale : la même entreprise exploite deux sites à Pomponne et Meaux en Seine-et-Marne. Il y a également eu des arrêtés préfectoraux, des mises en demeure, des astreintes financières pour non-respect des lois environnementales, des visites inopinées chez l'exploitant, deux gardes à vue et une mise en examen du responsable de Wipelec. La Seine-Saint-Denis, territoire délaissé, connaît de nombreux sites à l'environnement pollué insérés dans un tissu d'habitat dense. Elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour faire respecter l'égalité territoriale et garantir le respect des normes environnementales en vigueur, conformément aux engagements du Gouvernement en matière de transition écologique.

Texte de la réponse

SITE WIPELEC À ROMAINVILLE


M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin, pour exposer sa question, n°  162, relative au site Wipelec à Romainville.

Mme Sabine Rubin. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. J'ai été interpellée par des habitants de ma circonscription qui, depuis maintenant des années, sont confrontés au silence et à l'inaction des pouvoirs publics sur un dossier de pollution des sols. Il s'agit de riverains du site pollué « Wipelec » situé à Romainville et où, selon les mesures réalisées par plusieurs agences et organismes, un cocktail des plus détonants gît dans le sous-sol : cyanure, métaux lourds, composés organiques halogènes volatils, hydrocarbures.

En me rendant chez l'une des habitantes, j'ai pu entendre le récit des drames humains que connaît ce quartier : vingt-six décès suite à des cancers, dont six dans une seule famille. J'ai également entendu la détresse de ces citoyens délaissés par les pouvoirs publics, dont les services se renvoient mutuellement la balle. Il n'est pas acceptable que l'État soit à ce point désinvolte et inconséquent en matière de santé publique.

Après maints courriers, un plan de gestion de dépollution a finalement été mis en place. Dès lors, quelle ne fut pas la stupeur des riverains de constater une hausse de la pollution chez certains d'entre eux ! La raison : une dépollution low cost, dont le coût est plafonné à 1,2 million d'euros et qui ne se conforme pas aux recommandations de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME – et du Bureau de recherches géologiques et minières – BRGM. Pourtant, les services de l'État nient tout lien de causalité entre cette hausse de la pollution et l'application du plan de gestion.

On voit là toute la limite du principe du pollueur-payeur. Or ce cas n'est pas isolé : on estime à plus de 200 000 le nombre de sites industriels pollués dans toute la France.

Hier encore, j'assistais à une conférence de presse sur ce sujet qui touche plus particulièrement la Seine-Saint-Denis, ancien territoire industriel devenu, pour les promoteurs, objet de toutes les convoitises.

Comme j'en ai fait la promesse aux riverains concernés, je souhaite donc interroger le ministre d'État : que compte faire le Gouvernement pour que les services déconcentrés du « 93 » répondent enfin aux exigences légitimes des victimes : des prélèvements sur toutes les habitations, la publication des résultats et la mise en place de toutes les mesures nécessaires à une dépollution réelle du site et de ses alentours ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvant être présent, il m'a chargée, madame la députée, de vous répondre.

La société Wipelec a cessé en 2006 son activité de traitement de surface sur le site de Romainville. La présence d'une pollution par des solvants chlorés dans les sols et les eaux souterraines a été identifiée dès 2009, et ce diagnostic a été complété en 2012 par des analyses dans l'air intérieur d'habitations riveraines. Celles-ci ont mis en évidence des concentrations importantes en composés organiques volatils.

À la suite de ces constatations, plusieurs actions administratives – mise en demeure et consignation de sommes – ont été engagées contre Wipelec, sans que la société ne s'y conforme.

Compte tenu du risque sanitaire dans les lieux environnants, et bien que l'exploitant, toujours existant, soit responsable de la pollution du site, le préfet de Seine-Saint-Denis a donc demandé à l'ADEME, en juillet 2013, d'agir en urgence impérieuse pour pallier l'inaction persistante de Wipelec.

L'ADEME intervient depuis cette date afin d'évaluer la qualité de l'air intérieur des habitations riveraines du site et, quand les seuils de référence sont dépassés, de réaliser des travaux pour améliorer cette qualité. Jusqu'à présent, quatorze habitations ont été concernées. Une famille a également été relogée dans l'attente d'une amélioration pérenne de la situation. L'ADEME a évidemment entamé à l'encontre de Wipelec les procédures permettant de récupérer les fonds engagés.

Parallèlement à ces actions menées par l'Agence pour le compte de l'État, les terrains ont changé de propriétaire : une société filiale du fonds d'investissement Ginkgo les a rachetés en 2014 et s'est engagée à réaménager le site dans le cadre d'un projet immobilier. C'est cette société qui est aujourd'hui, dans les faits, le pilote des travaux de remise en état prescrits par un arrêté de juillet 2017 à l'encontre de Wipelec. Les travaux de dépollution ont démarré en et doivent s'achever au premier semestre de 2018. Leur réalisation a été contrôlée par les services de l'inspection des installations classées, qui ont constaté leur bon avancement et leur conformité à l'arrêté préfectoral de remise en état. Ils contribueront, à terme, à l'amélioration de la qualité de l'air intérieur des habitations riveraines.

Du point de vue sanitaire, Santé publique France a débuté, en 2016, une enquête épidémiologique qui permettra de confirmer ou non s'il existe un regroupement anormal de pathologies autour du site Wipelec et un facteur commun d'exposition à l'origine de ces pathologies.

Wipelec est également exploitant de deux autres sites, à Pomponne et Meaux, en Seine-et-Marne. Celui de Pomponne est en cessation d'activité depuis juillet 2012 et celui de Meaux est toujours en exploitation. De nombreuses non-conformités à la réglementation y ont été observées depuis plusieurs années et, comme vous le soulignez, plusieurs arrêtés préfectoraux de mesures d'urgence, de mise en demeure, d'astreinte, de consignation de sommes ont été pris à l'encontre de l'exploitant entre 2014 et 2017. L'activité du site de Meaux a également été temporairement suspendue en 2017 afin de mettre le site en conformité avec la réglementation.

M. le président. Merci, madame la secrétaire d'État.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . À Pomponne, la préfète a fait évacuer, à la fin de janvier 2018, les déchets les plus dangereux menacés par la crue de la Marne. Cette opération a été financée en procédant à la consignation de la somme nécessaire sur le compte de la société Wipelec. Soyez assurée, madame la députée, que les services de mon ministère suivent la situation de près.

M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin. Soyez brève, chère collègue, car le temps de parole consacré à cette question est écoulé.

Mme Sabine Rubin. Vous avez pris le soin de prendre connaissance du dossier dans le détail, mais vous ne répondez pas à la question qui se pose aujourd'hui : pour quelle raison la politique actuelle de dépollution génère-t-elle plus de pollution ? Les riverains demandent que de nouvelles mesures soient prises pour l'ensemble des habitations situées aux alentours du site.