Situation au sein des instituts médico-éducatifs en Isère
Question de :
Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Marie-Noëlle Battistel attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les risques de suppression de 200 places d'accueil en temps plein au sein des instituts médico-éducatifs (IME) en Isère. L'impact de ces fermetures sur la prise en charge des enfants, sur les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), sur l'éducation nationale et sur l'organisation des familles inquiète particulièrement. Ces fermetures, prévues dans le cadre de la renégociation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), auront pour conséquence de faire peser un peu plus encore sur les familles la lourde charge de l'accompagnement et de la coordination des temps de leurs enfants. L'impact sur celles-ci, connaissant déjà des situations difficiles, risque d'être dramatique en matière de socialisation de l'enfant, d'isolement, de difficultés pour les fratries. Ce constat est partagé par l'ensemble des acteurs concernés. Cette inquiétude est de surcroît renforcée par le sentiment d'un défaut d'information et de concertation. Elle lui demande donc d'indiquer si le Gouvernement entend lever cette forte inquiétude et empêcher la suppression de ces 200 places d'accueil.
Réponse en séance, et publiée le 12 janvier 2022
SITUATION AU SEIN DES INSTITUTS MÉDICO-SOCIAUX EN ISÈRE
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n° 1630, relative à la situation au sein des instituts médico-sociaux en Isère.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, je souhaite également appeler votre attention sur la menace qui plane sur la qualité de l'accueil des enfants en situation de handicap, dont l’État a récemment décidé de changer les modalités. En Isère comme ailleurs, ces modifications suscitent à raison l'inquiétude des familles.
L'Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé la décision de fermer en Isère 200 des 1 200 places en institut médico-éducatif (IME). Ces fermetures visent à transformer les places à temps plein en places à temps partiel afin d'accueillir davantage d'enfants à coûts constants, changement qui va déstabiliser de nombreuses familles.
Il est en effet prévu que les enfants relèvent le reste du temps des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) : ils seront soit accompagnés à domicile, soit en inclusion scolaire, comme le préconise l’ONU. Or il existe d'ores et déjà de très longues listes d’attente pour accéder aux SESSAD. Les familles sont orientées vers des prises en charge libérales qui sont difficiles à coordonner pour l'ensemble de la journée. Le choix du Gouvernement renvoie donc aux familles la charge de l'accompagnement de leurs enfants, de la coordination des interventions des professionnels ou encore de l'organisation des transports. Celles-ci risquent donc de se retrouver encore plus isolées qu'elles ne le sont déjà.
Le recours accru au temps partiel en IME permet certes de prendre en charge d'avantage d'enfants, mais il augmente aussi le risque de désocialisation pour ceux qui passeront le reste du temps à la maison. Quant aux enfants qui seront inclus dans les écoles, ils se heurteront au manque de moyens de l'éducation nationale en matière d'accueil du handicap. Les enseignants redoutent d'ailleurs de ne pas pouvoir accueillir les enfants dans de bonnes conditions face au manque de formation et à la pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Des parents très inquiets pour l'avenir de leurs enfants s'organisent, se mobilisent pour faire entendre leur voix car ces fermetures se font sans concertation : il n'y a de discussion ni avec les familles, ni avec les gestionnaires des établissements qui sont mis en demeure de s'exécuter pour obtenir leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).
Madame la secrétaire d'État, il est nécessaire de renforcer et d'améliorer la prise en charge des enfants en IME et en SESSAD. Pour cela, il faut écouter et entendre les familles et les professionnels du secteur qui ne demandent qu'à être associés aux réflexions pour avancer sur ces sujets.
Comment le Gouvernement entend-il répondre aux inquiétudes fortes que ceux-ci expriment ? Quel est votre plan pour répondre aux besoins des parents pour lesquels le maintien à domicile n'est pas une solution possible, compte tenu du handicap de leur enfant ou simplement parce qu'ils travaillent ? Comment se fera la prise en charge médicale, paramédicale, scolaire et sociale des enfants ? Enfin, quels moyens le Gouvernement compte-t-il donner à l'éducation nationale pour accueillir et répondre aux besoins particuliers des enfants porteurs de handicap à l'école ?
Sans réponse adaptée, la prise en charge « hors les murs », ne pourra se faire qu'au détriment des enfants et de leurs familles.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Madame Battistel, merci pour votre question qui se situe dans la continuité de celle de votre collègue. Nous œuvrons collectivement pour une société toujours plus inclusive, et j'entends le désarroi de ces familles qui ne trouvent pas de solutions pour leurs enfants. Vous excuserez le caractère un peu technique de ma réponse. J'aurais aimé pouvoir manifester plus d'empathie s'agissant d'un enjeu profondément humain.
La transformation de l'offre d'accompagnement en direction des personnes en situation de handicap dans laquelle nous nous sommes engagés se fonde sur la prise en compte des besoins et des attentes des enfants et de leurs familles. Cette politique d'adaptation de l'offre n'est pas une option et nous nous y attelons chaque jour. Partant des besoins des territoires, en concertation avec les associations et avec les ARS, nous mettons au point des solutions en matière d'offre médico-sociale.
Dans ce cadre, il n'a jamais été question de dégrader l'offre d'accueil en supprimant 200 places d'IME en Isère, pas plus qu'il n'a été envisagé de faire reposer le poids de l'accompagnement et de la coordination médico-sociale sur les familles. Il s'agit de réorienter les moyens alloués aujourd'hui de modalités d'accueil peu demandées par les parents et les enfants…
M. André Chassaigne. Qu'en termes élégants, ces choses-là sont dites.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . …vers des dispositifs davantage sollicités. On note, par exemple, une moindre demande des parents pour l'accueil en internats, lesquels, selon les secteurs, affichent des taux d'activité de l'ordre de 60 %. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de places vacantes. C'est pourquoi nous transformons des places d'internat en places d'accueil de jour ou encore de SESSAD. C'est ce que demandent les familles et c'est ce que nous souhaitons leur proposer.
Ainsi près de soixante et une places d'IME vont-elles être réorientées, et non pas supprimées, pour être transformées en places d'accompagnement spécialisé répondant davantage aux besoins exprimés par les familles. Il s'agit d'une transformation inclusive, qui se traduit par la création de 185 places, notamment en SESSAD.
Par ailleurs, les moyens relatifs à l'inclusion sont développés. Le département de l'Isère est entièrement couvert par les équipes mobiles d'appui à la scolarisation, qui ont pour but de renforcer la scolarisation des élèves en situation de handicap, en apportant une expertise et des ressources aux professionnels de l'éducation nationale. Le département possède également deux unités d'enseignement en maternelle autisme (UEM) et une unité d'enseignement en école élémentaire autisme (UEEA), qui viennent compléter les possibilités de scolarisation des jeunes enfants.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la secrétaire d'État, on perçoit, à vous entendre, une motivation forte de votre part, qui traduit votre engagement. Ce que vous dites, c'est très bien sur le papier mais, sur le terrain, il se passe tout autre chose. La réorientation conduit à ne prendre en charge les enfants que sur des durées très limitées. Le reste de la journée, la charge de l'organisation repose sur les parents, ce qui n'est pas du tout acceptable. En Isère, les familles sont en profonde détresse. Je peux vous dire que c'est un sujet de préoccupation majeur. Il faut engager beaucoup plus de moyens et ouvrir davantage de places en IME.
Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel
Type de question : Question orale
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 janvier 2022