15ème législature

Question N° 1632
de M. Guillaume Kasbarian (La République en Marche - Eure-et-Loir )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Numérique
Ministère attributaire > Numérique

Rubrique > industrie

Titre > fusion entre Alstom et Siemens

Question publiée au JO le : 07/02/2019
Réponse publiée au JO le : 07/02/2019 page : 886

Texte de la question

Texte de la réponse

FUSION ENTRE ALSTOM ET SIEMENS


M. le président. La parole est à M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et porte sur le projet de mariage entre Alstom et Siemens. J'y associe mes collègues de la commission d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle.

Le 26 septembre 2017, Alstom et Siemens s'accordaient pour fusionner. Notre commission d'enquête relevait alors que la fusion entre Alstom et Siemens permettrait de créer un champion européen du ferroviaire et que l'État avait obtenu des garanties importantes. Ce projet de fusion a été soumis à l'approbation de la Commission européenne. Aujourd'hui, celle-ci vient de balayer d'un revers de main cette fusion en y apposant son veto.

M. Daniel Fasquelle. C'est la faute de Macron !

M. Guillaume Kasbarian. Pourtant, les gouvernements français et allemands étaient pour ; pourtant, Alstom et Siemens ont tout fait pour apporter des garanties à la Commission européenne ; pourtant, cette fusion aurait pu créer un véritable champion européen, à même de faire face à la concurrence mondiale et notamment chinoise. Quelle erreur économique ! Quelle erreur politique !

Pendant que les règles européennes nous enferment dans un dogme concurrentiel dépassé, les Américains et les Chinois, eux, progressent. Ils créent des mastodontes de taille mondiale, sans se poser de questions. Rappelons, d'ailleurs, que le géant CRRC fait deux fois la taille d'Alstom et de Siemens réunies. Ces géants mondiaux viennent affaiblir nos entreprises européennes, qui n'ont pas réussi à s'unir parce que quelques technocrates vivant dans un igloo les ont empêchées de s'allier pour être plus fortes.

Madame la secrétaire d'État, quelles actions le Gouvernement envisage-t-il, avec ses homologues, pour enfin faire changer la doctrine de la Commission européenne, et que puissent être constitués des champions européens, seuls à même de garantir notre souveraineté européenne dans une concurrence mondiale exacerbée ? Quand créera-t-on enfin une politique industrielle européenne conquérante, pleinement mobilisée pour protéger nos intérêts, libérée de ses dogmes technocratiques et qui ne se tire pas une balle dans le pied ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, cette décision, vous l'avez dit, est mauvaise. Elle est mauvaise, car c'est une erreur juridique – je ne reviens pas sur ce point. Elle est mauvaise, car c'est une aberration économique dans le marché mondial où doivent se battre les groupes français et européens. Elle est mauvaise, car c'est une faute politique en ce qu'elle ne protège pas les intérêts européens. De fait, les grands bénéficiaires du rejet de la fusion seront les concurrents d'Alstom et de Siemens, au premier rang desquels l'opérateur chinois CRRC, issu de la fusion de plusieurs opérateurs et qui pèse aujourd'hui 28 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Que pouvons-nous faire dans cette situation ? Le Gouvernement s'est engagé, notamment au travers de la déclaration des Amis de l'industrie, signée le 18 décembre dernier par onze ministres et vingt-trois pays, à fonder une nouvelle politique industrielle reposant sur une nouvelle politique de la concurrence.

À cet égard, la France proposera, d'ici aux élections européennes, des pistes pour rendre le droit européen de la concurrence plus adapté aux nouvelles réalités économiques mondiales, notamment dans le domaine de l'industrie. La concurrence potentielle peut être mieux prise en compte. Ce n'est pas parce que Alstom et Siemens ont des parts de marché très importantes en Europe que les marchés ne sont pas contestés. Dans l'appel d'offres en cours, sur les sept candidats internationaux, deux ont décroché et cinq sont encore en lice.

Les marchés pertinents doivent être appréciés de manière plus cohérente avec l'évolution de la concurrence mondiale ; il faut notamment y incorporer les marchés asiatiques. Les mesures comportementales doivent être ajoutées à l'arsenal de la Commission pour permettre des opérations avec des conditions ajustables dans le temps. Enfin, il ne faut pas se priver de réfléchir à un pouvoir de veto du Conseil européen, comme c'est le cas aujourd'hui en France et en Allemagne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)