Application du principe de précaution pour suspendre les pesticides SDHI
Question de :
M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise
M. Loïc Prud'homme alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la dangerosité des pesticides de la famille des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), largement utilisés par l'agriculture française comme fongicides. Suite à l'alerte lancée en avril 2018 par plusieurs chercheurs sur les dangers sanitaires et environnementaux des SDHI, l'ANSES s'est saisi de la question et a rendu son avis début 2019. Ce dernier conclut que les recherches menées « n'apporte[nt] pas d'éléments en faveur de l'existence d'une alerte pour la santé humaine et l'environnement en lien avec les usages agricoles de ces fongicides ». Selon l'agence, les résidus des onze molécules appartenant à la classe des SDHI ne se retrouvent pas de manière excessive dans l'alimentation, la population ne serait ainsi exposée qu'à des niveaux très inférieurs aux seuils de sécurité fixés par les autorités sanitaires européennes. Or, cet avis, sans apporter de preuve quant à la non toxicité des SDHI, ni aucun élément nouveau, comporte un très haut degré d'incertitude sur de nombreux points soulevés par les chercheurs. Les recherches menées par ces lanceurs d'alerte mettent en lumière l'action de ces pesticides qui ciblent le blocage de l'enzyme SDH pouvant entraîner chez l'homme de graves pathologies (maladie de Parkinson, apparition d'encéphalopathies sévères et de certains cancers). Les chercheurs ont réalisés des tests in vitro prouvant que les cellules humaines meurent quand elles sont exposées dans certaines conditions aux SDHI. Or ces travaux ont été écartés par l'ANSES qui n'en a pas tenu compte dans son avis. Actuellement, les tests de toxicité, réalisés par les industriels eux-mêmes, lors de l'autorisation de mise sur le marché ne permettent pas de détecter la dangerosité des SDHI pour les personnes exposées. Quand l'ANSES met en avant l'absence de conséquences sanitaires des SDHI aujourd'hui, les chercheurs soulignent que ces pesticides ne sont utilisés à grande échelle que depuis la fin des années 2000, soit un manque de recul, le scandale sanitaire est en devenir. Ces éléments sont d'autant plus alarmants que l'association Générations Futures a déjà signalé à son prédécesseur la présence massive des SDHI dans l'agriculture et l'alimentation, en France plus de 70 % des surfaces de blé sont traitées avec ces produits, le fongicide SDHI le plus utilisé, le boscalide, est massivement présent dans les assiettes. C'est le résidu de pesticides le plus fréquemment quantifié dans les échantillons d'aliments testés en Europe, la population y est donc largement exposée. Dans l'attente de nouvelles études complètes et indépendantes, la France doit, dans l'urgence, faire usage de la clause de sauvegarde prévue au niveau européen pour empêcher l'entrée d'aliments traités avec des substances actives SDHI. Au regard des éléments présentés ci-dessus qui, loin d'être de nature à rassurer la population, laissent planer l'incertitude sur la toxicité des SDHI, il demande au regard du principe de précaution de suspendre immédiatement les autorisations de mise sur le marché des produits contenant des SDHI, à titre conservatoire.
Réponse publiée le 5 mars 2019
Le 15 avril 2018, un collectif de chercheurs a lancé une alerte concernant les risques pour la santé humaine que pourrait présenter l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une substance active de la famille des SDHI. Cette famille chimique tire son nom de la capacité des substances la composant à bloquer la respiration cellulaire en agissant sur une enzyme, la succinate déshydrogénase, qui est par ailleurs impliquée dans le métabolisme d'un grand nombre d'organismes vivants dont l'homme (SDHI pour succinate dehydrogenase inhibitors). À ce jour, onze substances actives de la famille des SDHI entrent dans la composition de produits phytopharmaceutiques autorisés en France. Ils sont utilisés depuis une vingtaine d'années pour le traitement des maladies fongiques des céréales, de la vigne, des vergers, des légumes et des plantes ornementales. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) s'est saisie de la question soulevée par le collectif le 18 avril 2018 et a publié son avis le 15 janvier 2019 (avis et rapport de l'Anses du 15 janvier 2019 relatif à « l'évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI) ) ». L'agence a considéré les données de la littérature scientifique, des évaluations européennes des substances concernées et les données issues de la phytopharmacovigilance. Elle relève que le niveau d'exposition par voie alimentaire est faible, avec des dépassements de limites maximales de résidus exceptionnels selon les données de surveillance, et que ces substances sont rapidement éliminées de l'organisme. L'Anses conclut que les informations et hypothèses évoquées n'apportent pas d'éléments en faveur d'une alerte sanitaire pour la santé humaine et l'environnement en lien avec l'usage agricole des SDHI, qui pourrait justifier la modification ou le retrait des autorisations de mise sur le marché en vigueur. Pour autant, l'Anses va s'attacher à approfondir les connaissances sur les dangers et les expositions liés à ces substances. De plus, la surveillance des substances SDHI est renforcée dans le programme de surveillance et de contrôle des résidus de pesticides conduit en 2019. L'avis de l'Anses va être transmis à la Commission, aux autres États membres et à l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Auteur : M. Loïc Prud'homme
Type de question : Question écrite
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 29 janvier 2019
Réponse publiée le 5 mars 2019