affaire Benalla
Question de :
M. Philippe Gosselin
Manche (1re circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 13 février 2019
AFFAIRE BENALLA
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Gosselin. Je préférerais dans le contexte actuel poser une autre question, mais l'affaire Benalla n'en finit plus de rebondir et il s'agit bien d'une affaire d'État, puisqu'elle concerne les autorités les plus éminentes de notre pays.
Hier nous apprenions qu'Ismaël Emelien, conseiller spécial du Président de la République, démissionnait, officiellement pour publier un livre – très bien ! On sait cependant qu'il a été destinataire de vidéos des événements du 1er mai, obtenues illégalement de la police.
Hier encore, le patron de Velours, société quelque peu interlope, révélait que MM. Benalla, Crase et d'autres avaient passé un contrat de deux millions d'euros avec des Russes et, pire, que M. Benalla en avait été l'instigateur alors qu'il était en fonction à l'Élysée. On mesure le mélange des genres, voire l'atteinte à notre souveraineté.
La semaine dernière, monsieur le Premier ministre, c'était la cheffe de votre propre sécurité qui était contrainte de démissionner. Son compagnon était suspendu parce qu'il serait mêlé au fameux contrat que je viens d'évoquer.
Faut-il rappeler les épisodes précédents : les contrats passés ici ou là, les vingt-trois ou vingt-quatre déplacements en Afrique – quel voyageur !–, les passeports diplomatiques, et puis ce coffre-fort qui disparaît de façon tout à fait opportune…
Plusieurs députés du groupe FI . Il est où ? Il est où ?
M. Philippe Gosselin. …et cette commission d'enquête de l'Assemblée qui n'a pas pu auditionner M. Benalla – on comprend pourquoi depuis qu'on sait qu'il s'est parjuré à plusieurs reprises devant la commission d'enquête du Sénat.
Vous-même, monsieur le Premier ministre, étiez à la Maison de la chimie le 21 juillet quand le Président a dit, un peu bravache : « Qu'ils viennent me chercher ! ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Vous étiez là et vous avez applaudi, comme la garde des sceaux d'ailleurs, dont la réponse qu'elle vient de donner n'était pas du tout convaincante.
Monsieur le Premier ministre, alors que vos proches semblent aujourd'hui directement impliqués – attendons ce qu'en dira l'enquête ; en tout cas ils ont démissionné – pouvez-vous nous dire, les yeux dans les yeux, quel est votre niveau d'information sur l'affaire Benalla ? (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député Gosselin, vous m'interrogez sur ce que vous appelez l'affaire Benalla, c'est-à-dire les agissements d'une personne, d'un homme…
M. Thibault Bazin. Qui avait les clés du Touquet…
M. François Ruffin. D'un barbouze !
M. Philippe Gosselin. Qui a travaillé à l'Élysée.
M. Éric Straumann. D'un bagagiste de l'Élysée !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous nous dites que les illégalités éventuelles – car après tout il n'y a pas eu de jugement – qui auraient été commises par cet homme…
M. François Ruffin. …que vous protégez !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …seraient constitutives d'une affaire d'État. Laissez-moi vous dire les choses le plus simplement possible, monsieur Gosselin. Dans ces affaires, la justice s'est saisie plusieurs fois, preuve, vous en conviendrez, qu'elle agit de façon totalement indépendante…
Mme Valérie Boyer. Chez Mediapart ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …et qu'elle veut établir les faits,…
M. Éric Straumann. Où est le coffre-fort ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …pour les sanctionner le cas échéant – le juriste avisé que vous êtes ne l'ignore pas.
M. Ugo Bernalicis. Elle est plus efficace quand il s'agit de traquer du gilet jaune !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous n'avons, monsieur le député, aucun problème avec cela. La justice fait son travail et, si elle détermine que des actes illégaux ont été commis, elle prononcera des sanctions et je n'ai, monsieur le député, aucun problème avec ça.
M. Christian Jacob. Encore heureux ! Vous ne répondez pas à la question !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Jacob, vous semblez vous offusquer de ma réponse alors que la question de M. le député laissait à penser que nous couvririons des choses, que nous cacherions des choses. (« Oui ! Oui ! sur les bancs du groupe FI.)
M. Christian Jacob. C'est ce que vous faites !
M. François Ruffin. Vous avez menti !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Eh bien non monsieur le président Jacob ! Vous pouvez me pointer du doigt : il n'en est rien !
M. Christian Jacob. Vous mentez !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous faisons la transparence ; la justice prononcera le cas échéant les condamnations qui s'imposent, et c'est très bien ainsi, je vous le dis comme je le pense ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Vous m'interrogez sur la situation personnelle d'un certain nombre de fonctionnaires qui travaillent ou qui ont travaillé à mes côtés.
M. Marc Le Fur. Sous votre autorité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Lorsque la presse est venue interroger Matignon sur des allégations – car elles n'étaient pas démontrées – selon lesquelles quelqu'un qui travaillait avec nous se serait rendu coupable de tel acte, nous avons fait immédiatement les diligences qu'imposaient les questionnements de la presse. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Cordier. Merci Edwy Plenel !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'ai parfois l'impression quand je vous réponds qu'au fond la réponse ne vous intéresse pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Cela me désole parce que j'essaie de dire les choses clairement.
M. Thibault Bazin. Vous parlez depuis plus de trois minutes et vous n'avez toujours pas répondu…
M. Patrick Hetzel. Essayez encore !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons donc procédé à toutes les diligences. Quand ces diligences ont été effectuées, nous avons donné les réponses aux journalistes qui nous interrogeaient. Comme ces diligences imposaient que nous effectuions un certain nombre de vérifications et que nous déclassifions un certain nombre de décisions,…
M. Éric Straumann. Qu'est-ce qui était classé ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …nous avons transmis au parquet de Paris les éléments que nous avions communiqués à la presse, pour une raison très simple, monsieur le député : si nous ne l'avions pas fait, vous auriez, à juste titre, dénoncé le fait que nous ne transmettions pas à la justice des éléments que nous avions en notre possession et qui étaient susceptibles d'intéresser le déroulement d'une affaire judiciaire.
Mme Sylvie Tolmont. Vous ne l'avez pas fait pour les vidéos du 1er mai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons fait en la matière toute la transparence. Matignon répondra à toutes les questions en toute transparence, dans le respect de l'indépendance de la justice, je vous le garantis, je vous l'assure !
M. Christian Jacob. Vous ne répondez pas à la question !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . J'y tiens, comme je tiens, monsieur le député, à ne pas accuser ni accabler des fonctionnaires de l'État, qui ont pris la décision, pour éviter la rumeur ou le soupçon, de se mettre en retrait de leur activité. Je pense notamment à la commissaire de police qui dirigeait le service de sécurité de Matignon. Sa décision lui fait honneur.
M. Éric Straumann. Que faisait son mari ? Pourquoi a-t-il été suspendu ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je n'accepte pas qu'on la mette en cause dans cette affaire, ce que vous n'avez d'ailleurs pas fait,…
M. Michel Herbillon. C'est Macron qui est en cause !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …car elle a pris une décision qui honore sa fonction, en considérant que la mise en cause de son conjoint lui interdisait de continuer à exercer ses fonctions.
M. Éric Straumann. C'est la lampiste ! Le fusible !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je crois, monsieur le député, que nous pouvons nous accorder sur le fait que ce faisant elle a fait preuve d'une très grande conscience et d'un très haut niveau d'exigence dans la conception de ses fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Philippe Gosselin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2019