Question orale n° 1678 :
Accès à un médecin traitant dans les déserts médicaux et double peine

15e Législature

Question de : Mme Patricia Lemoine
Seine-et-Marne (5e circonscription) - Agir ensemble

Mme Patricia Lemoine interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés rencontrées en zones sous-dotées en médecins pour bénéficier du remboursement normal d'une consultation par l'assurance maladie. La crise sanitaire vécue depuis maintenant près de 2 ans a malheureusement eu pour effet de faire ressurgir les fractures territoriales de la France. Depuis près de 5 ans, le Gouvernement s'est employé à tout mettre en œuvre pour les résorber. Il en demeure cependant une, très importante, qui touche à l'accès au soin et qui frappe particulièrement la Seine-et-Marne, puisqu'elle peut se targuer de figurer à la 97e place des départements les moins bien dotés en médecins généralistes. Les sollicitations des habitants de ce territoire ne cessent d'augmenter à ce sujet et un point, en particulier, revient régulièrement : celui du parcours de soin. Depuis la réforme de 2005, le médecin traitant joue, en effet, un rôle central puisqu'il est quasiment incontournable pour consulter la plupart des spécialistes. Par ailleurs, seule la consultation du médecin traitant permet d'obtenir un remboursement de l'assurance maladie de 70 % du tarif de base. Si l'efficacité de ce dispositif n'est plus à démontrer, il a toutefois pour conséquences d'entraîner des effets particulièrement pervers, surtout lorsqu'on habite dans un désert médical. En effet, pour les habitants de ces territoires qui peinent à trouver des médecins généralistes de proximité, lorsqu'ils y parviennent enfin au prix d'un véritable parcours du combattant, l'assurance maladie ne les rembourse qu'à hauteur de 30 % du tarif de base, puisqu'il ne s'agit pas de leur médecin traitant, soit un surcoût de 10 euros par consultation. C'est donc la double peine pour eux : à la rareté de l'offre médicale vient s'ajouter son surcoût, parfois insupportable pour les familles modestes. Ce mécanisme est donc profondément injuste pour les 5 à 9 millions de Français concernés selon les estimations. Selon les projections de la DREES, les effectifs de médecins généralistes continueront de baisser jusqu'en 2026. Cette problématique de double peine persistera et s'aggravera donc encore pendant plusieurs années. L'assurance maladie a bien mis en place des solutions pour éviter ces situations, en permettant aux personnes concernées de se tourner vers les « organisations coordonnées territoriales » pour être identifiées et accéder plus facilement à une offre de soin, tout en bénéficiant d'un remboursement normal. Toutefois, ce système a ses limites : il est peu connu et les « OCT » sont encore trop peu nombreuses (une trentaine sur tout le territoire national selon le site de l'assurance maladie). La réponse n'est donc pas adaptée. Il est urgent de trouver une solution simple pour aider des millions de concitoyens à accéder à une offre de soin sans pénalités financières. Elle lui demande donc d'exposer l'état de ses réflexions sur ce sujet et si notamment la suppression du système de médecin traitant pour les territoires considérés comme déserts médicaux peut être envisagée, de façon transitoire, afin de ne pas pénaliser davantage les familles.

Réponse en séance, et publiée le 23 février 2022

ACCÈS À UN MÉDECIN TRAITANT DANS LES DÉSERTS MÉDICAUX
M. le président. La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour exposer sa question, n°  1678, relative à l'accès à un médecin traitant dans les déserts médicaux.

Mme Patricia Lemoine. Je souhaiterais vous interpeller, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, sur le sujet de la désertification médicale, que je connais bien puisque mon département a le triste privilège de figurer à la quatre-vingt-dix-septième place des départements, s'agissant du nombre de médecins.

Les sollicitations des habitants de ma circonscription sont nombreuses, notamment dans sa frange la plus rurale. Un point en particulier revient régulièrement : celui du parcours de soins. Depuis la réforme de 2005, le médecin traitant joue en effet un rôle déterminant, puisqu'il est quasiment incontournable pour accéder à la plupart des spécialistes. Par ailleurs, seule la consultation du médecin traitant permet d'obtenir un remboursement de l'assurance maladie à hauteur de 70 % du tarif de base.

Si ce dispositif présente des avantages certains, il a néanmoins des effets particulièrement pervers, surtout lorsqu'on habite dans un désert médical. En effet, à la difficulté pour les habitants de ce territoire de trouver des médecins généralistes de proximité, qui s'apparente à un véritable parcours du combattant, vient s'ajouter une sanction financière, puisque l'assurance maladie ne les rembourse qu'à hauteur de 30 % du tarif de base parce qu'ils n'ont pas la possibilité d'avoir un médecin traitant, soit un surcoût de 10 euros par consultation. C'est donc la double peine pour eux : à la rareté de l'offre médicale vient s'ajouter un surcoût souvent insupportable pour les familles les plus modestes, dont on sait que le pouvoir d'achat reste la priorité absolue. Ce mécanisme est donc profondément injuste pour les 5 à 9 millions de Français concernés.

Nous savons que les effectifs continueront de baisser jusqu'en 2026. L'assurance maladie a bien mis en place un mécanisme pour éviter ces situations, en permettant aux personnes concernées de se tourner vers les organisations coordonnées territoriales (OCT) pour être identifiées et accéder plus facilement à une offre de soin, tout en bénéficiant d'un remboursement normal. Mais ce système a ses limites : il est encore peu connu et les OCT sont encore trop peu nombreuses : une trentaine sur tout le territoire national selon le site de l'assurance maladie. La réponse n'est donc pas adaptée.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous exposer l'état de vos réflexions sur cette problématique ? Ne pourrait-on pas envisager de façon transitoire la suppression dans les déserts médicaux du système du médecin traitant afin que les familles ne soient plus pénalisées financièrement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Mise en place en 2004, l'application d'un taux majoré de participation de l'assuré en cas de consultation d'un médecin en dehors du parcours de soins a pour objectif d'inciter les assurés à s'inscrire dans un suivi médical coordonné par leur médecin traitant. La convention médicale de 2016 a renforcé la valorisation de la fonction de médecin traitant au regard de son rôle clé dans le suivi au long cours des patients, de coordination et de synthèse pour éviter le recours aux hospitalisations inutiles et faciliter le retour à domicile des patients en sortie d'hospitalisation.

Néanmoins, comme vous le soulignez, la démographie médicale conduit à des situations complexes, l'assuré n'ayant parfois pas d'autre choix que de consulter en dehors du parcours de soins, notamment dans les territoires ruraux. De nombreux cas de dérogation à cette majoration de taux sont donc prévus : urgence médicale, éloignement géographique de son lieu de résidence, affection de longue durée (ALD), patient suivi par un spécialiste dans le cadre d'une maladie chronique ou encore indisponibilité du médecin traitant. Aujourd'hui seuls 9 % des assurés de plus de 16 ans n'ont pas déclaré de médecin traitant. En cas de recherches infructueuses, les assurés peuvent solliciter l'aide du médiateur de leur caisse d'affiliation pour les aider à trouver un médecin traitant. Pendant ce temps, leurs soins sont remboursés au taux habituel.

Garantir la possibilité pour chaque Français d'avoir un médecin traitant est, vous le savez, un objectif important du plan Ma santé 2022. Par ailleurs, le Président de la République a souhaité mobiliser les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sur cette mission prioritaire – je ne sais pas si dans votre territoire les CPTS sont actives et donnent des résultats. Vous le savez, ces organisations permettent aux divers acteurs de santé de s'organiser et de se coordonner pour prendre en charge la population de leur territoire.

Enfin l'objectif de déploiement de 4 000 assistants médicaux pour libérer du temps médical et ainsi faciliter l'accès à un médecin traitant devrait être atteint d'ici le courant de l'année 2022, notamment grâce à l'instauration d'une aide financière par l'assurance maladie pour faciliter leur recrutement.

Tel est, madame la députée, l'ensemble des dispositifs que nous mettons en œuvre afin d'assurer le recours aux soins de l'ensemble de nos concitoyens, où qu'ils se trouvent sur le territoire.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État. Je sais que le Gouvernement déploie tous les efforts possibles pour rectifier le tir mais, pour le moment, les difficultés demeurent dans ces territoires qui manquent vraiment de médecins. Cependant je veux rester confiante au regard des éléments que vous venez de nous apporter.

Données clés

Auteur : Mme Patricia Lemoine

Type de question : Question orale

Rubrique : Assurance maladie maternité

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 février 2022

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