15ème législature

Question N° 167
de M. Dominique Potier (Nouvelle Gauche - Meurthe-et-Moselle )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > projet de traité de l'ONU sur les multinationales et les droits humains

Question publiée au JO le : 18/10/2017
Réponse publiée au JO le : 18/10/2017 page : 3102

Texte de la question

Texte de la réponse

PROJET DE TRAITÉ DE L'ONU SUR LES MULTINATIONALES ET LES DROITS HUMAINS


M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe Nouvelle Gauche.

M. Dominique Potier. Monsieur le Premier ministre, depuis soixante ans, les militants et volontaires d'ATD Quart Monde sont, eux aussi, les premiers de cordée de notre société et de notre pays. À Noisy-le-Grand comme à Dacca, ils nous disent qu'il ne s'agit pas seulement de corriger la misère, mais aussi de lutter contre les causes de la pauvreté.

Au XIXe siècle, ce combat a pris la forme de la lutte contre les accidents du travail. À l’époque, les plus conservateurs pensaient que c'était la fin du monde, alors que cela a été l'aube d'un temps nouveau, celui de la prévention et de l'assurance collective visant à réparer les erreurs et éviter les faillites. Cela a surtout été le moment d'un bond technologique pour éviter les accidents eux-mêmes. Au XXIe siècle, nos forges et nos mines sont à l'échelle du monde. Ce sont les fabriques du monde. Or il y a un voile hypocrite qui sépare juridiquement les maisons mères et les donneurs d'ordre de leurs sous-traitants et de leurs filiales au bout du monde.

Aujourd'hui, pour quelques centimes sur un tee-shirt, nous pouvons détruire une rivière, briser des vies ou mettre des enfants au travail. Contre cette situation, contre les écocides et l'esclavage moderne, l'Assemblée nationale, au printemps dernier, a eu l'audace de voter une loi pionnière, la première dans le monde, qui lève ce voile juridique hypocrite, en se fondant sur un simple devoir minimum, celui de la prévention, qui établit une priorité nouvelle dans l'économie-monde et fait désormais école à travers le monde.

Aujourd'hui, 134 pays en voie de développement demandent que la loi française devienne un traité onusien. Ils seront réunis la semaine prochaine à Genève. Nous voudrions que notre pays s'engage clairement dans la lignée du père Wresinski qui, il y a soixante ans, disait : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré. » (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes REM et LC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le député, vous l'avez rappelé, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a mis en œuvre une procédure depuis déjà plusieurs mois. La France y participe de manière très active et assidue. Cette initiative entraînera une réunion de ce groupe de travail des Nations unies à la fin de ce mois, avec l'objectif de déposer un texte qui pourra être partagé et voté par l'ensemble des pays qui soutiendront ce traité.

Je sais que vous y tenez beaucoup, et je sais que c'est une nécessité. Il s'agit en fait d'obliger les entreprises multinationales à respecter partout les droits humains, c'est-à-dire quels que soient le lieu, la juridiction et le droit du pays où elles se trouvent. Je peux vous le dire ici, la France fera preuve, lors de ces discussions, d'une approche constructive et pragmatique. Elle cherchera des solutions qui garantissent une mise en œuvre équitable et universelle des normes au niveau international, afin d'éviter que seules nos entreprises supportent des obligations supplémentaires.

Nous avons de quoi dire puisque, vous l'avez rappelé, la loi du 27 mars 2017, dont vous êtes l'auteur, a permis d'étendre la responsabilité juridique des multinationales aux violations des droits humains sur toute la sphère d'influence, notamment sur les chaînes de sous-traitance des multinationales, que ce soit sur le territoire national ou pas. C'est une référence. La France sera très déterminée à faire que ce projet de traité puisse être activé et retenir l'attention des Nations unies. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et NG.)