Question orale n° 167 :
Conséquences limitation vitesses 80 km/h réseau secondaire

15e Législature

Question de : M. Vincent Descoeur
Cantal (1re circonscription) - Les Républicains

M. Vincent Descoeur appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la vague de protestations que suscite la perspective d'une réduction de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h sur le réseau secondaire. Si l'objectif de réduire l'accidentologie sur le réseau routier français est unanimement partagé, la mesure consistant à réduire la vitesse pose des problèmes spécifiques en zones rurales et de montagne, et plus précisément dans les départements qui n'ont pas la chance de disposer d'un réseau à deux fois deux voies, dont l'enclavement va se trouver encore aggravé par l'allongement des temps de déplacement. Cette décision, si elle venait à être confirmée, porterait un coup fatal à l'attractivité d'un département comme le Cantal et viendrait anéantir les efforts engagés par les collectivités locales pour, justement, diminuer les temps de parcours jusqu'aux autoroutes tout en améliorant les conditions de sécurité des automobilistes. Il en appelle donc au Premier ministre pour lui demander de revenir sur sa décision, injuste et pénalisante pour les territoires ruraux. Il lui paraîtrait nécessaire qu'une mesure aussi lourde de conséquences fasse l'objet d'un débat au Parlement. Il souhaiterait connaître ses intentions sur cette question.

Réponse en séance, et publiée le 23 février 2018

LIMITATION DE LA VITESSE À 80 KM/H SUR LE RÉSEAU SECONDAIRE
M. le président. La parole est à M. Vincent Descoeur, pour exposer sa question, n°  167, relative à la limitation de la vitesse à 80 kilomètres/heure sur le réseau secondaire.

M. Vincent Descoeur. Madame la secrétaire d'État, je souhaite évoquer ce matin la décision de M. le Premier ministre de réduire la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 kilomètres/heure sur les 400 000 kilomètres de routes nationales et départementales.

En préambule, et afin d'éviter tout malentendu, je tiens à réaffirmer que la diminution du nombre de victimes des accidents de la route est un objectif que l'on ne peut que partager. Ce n'est évidemment pas l'objectif visé, mais la pertinence de la réduction de la vitesse maximale qui fait problème, car une telle mesure n'aura pas la même incidence suivant que vous résidez dans un département francilien, à proximité d'une autoroute, ou dans un département rural, comme le Cantal.

La décision de réduire la vitesse maximale autorisée sur le réseau secondaire ignore les difficultés de déplacement dans les territoires ruraux et de montagne, notamment dans le Cantal, qui n'a pas la chance de posséder un réseau de deux fois deux voies et dont la préfecture, Aurillac, se trouve à plus d'une heure de route de la première autoroute. Cette décision viendra par ailleurs anéantir les efforts engagés par le département pour améliorer les infrastructures routières et diminuer les temps de parcours vers les autoroutes, tout en renforçant, je tiens à le souligner, les conditions de sécurité offertes aux automobilistes.

Demain, les automobilistes cantaliens qui souhaiteront rejoindre les autoroutes seront contraints de suivre les poids lourds, puisqu'ils seront dans l'impossibilité de les dépasser : ils rouleront à la même vitesse. Cela ralentira le trafic, augmentera la durée des trajets et portera un coup fatal à l'attractivité d'un département qui se trouve à l'écart des grandes voies de communication et qui, comme tous les départements du Massif central, voit s'éloigner la perspective de bénéficier de lignes ferroviaires à grande vitesse.

Madame la secrétaire d'État, cette mesure est injuste et elle sera pénalisante pour les territoires ruraux ; c'est pourquoi je demande au Gouvernement d'y renoncer ou je lui suggère, tout au moins, de la limiter aux portions jugées accidentogènes, en appliquant le principe de subsidiarité, c'est-à-dire en autorisant les préfets, pour les routes nationales, et les présidents des conseils départementaux, pour les routes départementales, à décider sur quels axes la vitesse maximale autorisée pourrait être maintenue à 90 kilomètres/heure.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, s'agissant de cette question, majeure, de la réduction de la vitesse, je veux d'abord rappeler que de très nombreux travaux scientifiques confirment le bien-fondé de notre politique. Le CNSR – Conseil national de la sécurité routière – avait d'ailleurs adopté, le 16 juin 2014, une recommandation visant à réduire la vitesse à 80 kilomètres/heure sur les routes du réseau secondaire, à double sens, sans séparateur central.

Selon le comité des experts du CNSR, cette réduction de la vitesse serait susceptible d'épargner de 300 à 400 vies par an. L'expérience du déploiement du dispositif de contrôle automatisé en France entre 2002 et 2005 l'a montré : durant ces trois années, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse moyenne a diminué de 7 kilomètres/heure, tandis que la mortalité chutait de 37 %.

Une telle mesure ne présente aucun inconvénient. Le seul qui pourrait être évoqué est la perte de temps durant un trajet. Or toutes les études montrent que cette perte de temps est extrêmement faible, de l'ordre de deux minutes pour une heure de trajet, si l'on fait la comparaison entre un véhicule roulant à 90 kilomètres/heure et un véhicule roulant à 80 kilomètres/heure sur les voies concernées. Les faibles inconvénients de cette mesure, en regard de ses avantages certains, ont conduit le Gouvernement à décider son application à partir du 1er juillet prochain.

S'agissant des zones rurales et de montagne, ce sont précisément ces territoires-là qui seront les premiers bénéficiaires de la décision du Gouvernement, puisque plus de la moitié des accidents mortels – 55 % exactement – ont lieu sur des routes bidirectionnelles hors agglomération, c'est-à-dire majoritairement en zone rurale.

Loin de porter un coup fatal à l'attractivité d'un département comme le Cantal, une telle mesure lui apporte au contraire une valeur ajoutée : avec la réduction de la mortalité escomptée dans ce département, celui-ci pourra se prévaloir d'avoir des routes plus sûres.

La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Je suis au regret de vous dire, madame la secrétaire d’État, que vous ne m'avez pas convaincu sur l'intérêt que pourrait trouver le Cantal dans cette mesure, au lendemain de son application.

M. André Chassaigne. Je n'ai pas été convaincu non plus !

M. Vincent Descoeur. La campagne de communication engagée dans la presse quotidienne régionale laisse à penser que le Gouvernement reste sourd à nos arguments et à l'inquiétude légitime des habitants, à l'heure où la mobilité du quotidien est sur toutes les lèvres et dans tous les discours.

Je le regrette donc, et m'inscris en faux contre vos arguments : sur des routes de montagne sinueuses qui deviennent rectilignes sur de courtes portions, il y a fort à parier que la perte de temps, sur un trajet de plus d'une heure, sera bien supérieure à celle que vous avez dite. Il est dommage que le Gouvernement reste sourd car, s'il ne se résout pas à adapter cette mesure, la « France à deux vitesses », expression jusqu'alors réservée à la fracture territoriale, risque fort de devenir le quotidien des habitants de certains territoires.

Données clés

Auteur : M. Vincent Descoeur

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité routière

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2018

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