Question au Gouvernement n° 1680 :
lutte contre l'antisémitisme

15e Législature

Question de : Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 20 février 2019


LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, « […] la "bête immonde" […] guette encore dans l'ombre, sans oser s'affirmer, sans oser se montrer, mais là, vivante, présente et attentive ». Cette phrase de François Mitterrand est vieille de vingt-huit ans mais elle est encore d'actualité. Pourtant, depuis vingt-huit ans, la France ne s'est jamais résignée. Nous avons marché, en 2002 et en 2004, lorsque des synagogues ont été attaquées, nous avons manifesté, en 2006, lorsqu'Ilan Halimi a été assassiné avec la plus grande barbarie. Nous avons manifesté, en 2012 et 2015, contre les attaques terroristes qui ont visé des juifs. Nous étions là, toujours, lorsque Mireille Knoll, rescapée de la Shoah, a été assassinée en 2018. Les mêmes mots, la même colère, la même mobilisation. La France ne se résigne jamais car la passivité serait le signe de l'abandon du pacte républicain. Aussi, je remercie Olivier Faure, premier secrétaire du parti socialiste, et tous les responsables qui s'associent au rassemblement de ce soir, place de la République et partout en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Monsieur le Premier ministre, ces rassemblements ne suffisent pas. Aussi, nous vous formulons trois demandes : d'abord, que les actes antisémites fassent l'objet de poursuites systématiques – c'est seulement le cas de la moitié d'entre eux – et de condamnations exemplaires ; ensuite, qu'il puisse y avoir une mission permanente, au sein de l'Assemblée, avec le groupe d'étude contre l'antisémitisme, pour alerter sur une trop grande absence de poursuites (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC) ; enfin, que notre droit cesse d'être bafoué sur les réseaux sociaux, devenus des réceptacles de haine.

Monsieur le Premier ministre, ce soir, la France se retrouvera place de la République ; demain elle doit se retrouver dans l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce soir, en effet, à l'invitation d'un grand nombre de responsables politiques, les Parisiens et, plus généralement, les Français auront l'occasion de se retrouver pour dénoncer ensemble des propos et des actes inadmissibles, scandaleux, ignobles… la liste des adjectifs pour les qualifier est malheureusement très longue. Nous nous retrouverons pour dire que ce n'est pas acceptable. L'invitation à ce rassemblement, qui sera, et c'est heureux, organisé dans de nombreuses villes de France, doit être sans exclusive : la lutte contre l'antisémitisme exige l'union sacrée des responsables politiques et l'union sacrée de nos concitoyens. (Applaudissements sur de très nombreux bancs de tous les groupes.)

Tous ceux qui, au fond d'eux-mêmes, savent que l'antisémitisme est un danger pour ce que nous sommes, pour ce que nous voulons être, pour la France, sont les bienvenus lorsqu'il s'agit de le dénoncer, de lutter contre lui - je le dis comme je le pense. Mais cette absence d'exclusivité doit nous inviter à une absence d'incohérence. J'ai entendu, en même temps que certains dénonçaient les propos proférés contre Alain Finkielkraut, des : « C'est inadmissible, mais… ». Or, madame la présidente Rabault, il n'y a pas de « mais ». (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM. - Protestations sur les bancs du groupe SOC.)

Mme Sylvie Tolmont. Pourquoi nous regardez-vous ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Mon propos n'est pas davantage polémique que le vôtre ne l'a été et nous sommes d'accord sur ce point : il n'y a pas de « mais ». Nous devons donc être unis dans la lutte contre l'antisémitisme et nous devons être cohérents, cohérents dans nos propos, cohérents dans nos actes - c'est une invitation que je lance à l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Vous avez également raison : dénoncer, se rassembler, marcher ne suffit pas, c'est vrai, c'est l'évidence, et c'est même, à certains égards, un peu désespérant ; et je suis sûr que, comme moi, vous vous demandez si, à certains égards, parfois, ce ne serait pas un peu contre-productif. Mais nous le faisons car nous savons que si nous ne dénonçons pas ces actes, que nous ne disons pas qu'ils sont inacceptables, alors nous perdons quelque chose. Donc nous le faisons et nous le faisons avec conviction. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et SOC.) Nous ne pouvons cependant pas nous arrêter là et nous le savons : il faut agir par le biais de la formation, de sanctions, de modifications des dispositifs juridiques.

Vous formulez trois demandes. Je m'associe pleinement à votre exigence de sévérité. Cette sévérité, elle doit être celle de ceux qui instruisent les procédures, qui identifient les actes antisémites et qui les transmettent à la justice ; elle doit également être celle de la justice dont il ne m'appartient pas de commenter les décisions, vous le savez. Mais comme vous, parce que ces actes sont fondamentalement anti-républicains, j'estime qu'ils doivent être sanctionnés et sanctionnés très sévèrement.

Vous invitez ensuite la représentation nationale, l'ensemble des pouvoirs publics à effectuer un suivi précis des manifestations de l'antisémitisme. Là aussi je vous suis bien volontiers : nous devons savoir, savoir pour dénoncer, savoir pour mesurer et savoir pour agir.

Enfin, vous souhaitez la modification de la législation. En répondant à Mme Avia, la garde des sceaux a indiqué ce sur quoi nous voulons dès à présent nous engager pour pouvoir sanctionner les propos antisémites sur les réseaux sociaux. Nous devons en effet améliorer notre niveau de réaction. Nous devons sanctionner et responsabiliser ceux qui pensent qu'au fond, ce n'est pas si grave. Il n'y a pas, en la matière, de liberté d'expression, il y a l'expression d'un délit, de quelque chose de fondamentalement anti-républicain et qui, pour cette raison, doit être sanctionné et sanctionné sévèrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM et sur de nombreux bancs du groupe SOC.)

Données clés

Auteur : Mme Valérie Rabault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits fondamentaux

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2019

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