Pour un État vraiment « plus fort en Seine-Saint-Denis »
Question de :
M. Éric Coquerel
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - La France insoumise
M. Éric Coquerel interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur le plan « État plus fort en Seine-Saint-Denis ». S'il est vrai que la situation d'inégalité dans laquelle était plongée la Seine-Saint-Denis réclamait une réaction urgente, malheureusement, on est loin du compte à l'arrivée. Ce département le plus pauvre de l'hexagone a vraiment besoin d'un « État plus fort » mais au sens républicain du terme. C'est-à-dire qui veille à faire respecter les principes de la République et l'égalité de toutes et tous sur le territoire. Ce qui commence par l'accès aux services publics. Beaucoup de services publics y restent dysfonctionnels, insuffisants voire absents. Un seul exemple et pas des moindres : l'hôpital public. Actuellement, en Seine-Saint-Denis, entre 20 et 25 % des lits y sont fermés par manque de personnel. Les hôpitaux du CHU ont perdu une centaine de lits en 20 ans, alors que la population augmente et que le covid a causé dans le 93 une surmortalité record de +182 % en 2020. C'est le seul département qui a vu le service pédiatrie de son hôpital, Delafontaine, transformé en service de soins palliatifs pour personnes âgés pendant le covid, service qui par ailleurs est toute l'année débordé et insuffisant. Ce CHU a aussi perdu pas moins qu'un service de chirurgie pédiatrique, un service de néphrologie et un service d'ORL. Et n'a toujours pas ni de service d'urologie, ni de neurochirurgie ni de cardiologie interventionnelle. M. le député demande à M. le ministre : comment prétendre agir pour le 93 sans donner d'abord à ses habitants les moyens de soigner leurs reins, d'opérer leurs enfants ou de pouvoir être sauvés d'une crise cardiaque ? Comment prétendre agir pour le 93 quand ses habitants désespérés sont poussés dans les bras des cliniques privées plutôt que de mettre les moyens dans l'hôpital public ? M. le député demande aussi à M. le ministre : pourquoi vouloir continuer ce projet du grand hôpital nord plutôt que de s'occuper en urgence de re-doter le CHU, rénover Bichat et Beaujon et créer un hôpital à taille raisonnable qui soit complémentaire avec l'offre de soin existante ? Ce projet ne garantit pas que cet hôpital ait une maternité alors que les 2 hôpitaux qu'il va remplacer en ont une chacune. Ce qui s'ajoute au désert médical en matière de médecine de ville et de spécialistes. Ici, il faudrait en urgence un moratoire sur la fermeture des lits. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse en séance, et publiée le 23 février 2022
ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel, pour exposer sa question, n° 1683, relative à l'accès aux services publics en Seine-Saint-Denis.
M. Éric Coquerel. Pour ma dernière question orale de la législature, je voulais moi aussi revenir sur les questions de santé, notamment en Seine-Saint-Denis, où l’exécutif prétend s’être engagé dans le cadre du plan L'État plus fort en Seine-Saint-Denis. Pour moi, un État fort au sens républicain, c'est un État qui veille à faire respecter les principes de la République et l’égalité de toutes et tous. C'est loin d’être le cas dans le 93 en matière de services publics, tout particulièrement d'hôpital et de santé publics.
Actuellement, en Seine-Saint-Denis, entre 20 % et 25 % des lits sont fermés par manque de personnel. Les hôpitaux du CHU – centre hospitalier universitaire – ont perdu une centaine de lits en vingt ans, alors que la population de Seine-Saint-Denis augmente et que le covid-19 y a causé une surmortalité record de 182 % en 2020, malgré une population jeune. Dois-je vous rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que ce département est le seul qui ait vu le service de pédiatrie d’un hôpital, l'hôpital Delafontaine, transformé en service de soins palliatifs pour personnes âgées pendant le covid-19, service qui par ailleurs est débordé toute l’année ? Dois-je vous rappeler que le CHU a aussi perdu un service de chirurgie pédiatrique, un service de néphrologie et un service d’ORL, et qu’il n’a toujours ni service d’urologie, ni de neurochirurgie ni de cardiologie interventionnelle ?
Comment prétendre agir pour la Seine-Saint-Denis sans donner à ses habitants les moyens de soigner leurs reins, d’opérer leurs enfants ou d'être sauvés d'une crise cardiaque ? Comment prétendre agir pour la Seine-Saint-Denis en continuant à pousser ses habitants désespérés dans les bras des cliniques privées au lieu de doter l'hôpital public des moyens nécessaires ? Comment prétendre agir pour la Seine-Saint-Denis sans s’attaquer au problème de désert médical en matière de médecine de ville et de spécialistes ? Comment prétendre agir pour la Seine-Saint-Denis, tandis que l'hôpital Grand Paris-Nord à Saint-Ouen dont vous projetez la création n’aura peut-être pas de maternité, alors que les deux hôpitaux qu'il remplacera en ont chacun une et que le ministre des solidarités et de la santé nie les centaines de fermetures de lits que cette fusion causera au prétexte qu'un hôtel hospitalier sera créé ? Comme si des hébergements non médicalisés à l’hôtel pouvaient remplacer des places à l'hôpital !
Il est temps d’arrêter ce grand projet raté, de rénover Bichat et Beaujon, de doter le CHU de moyens supplémentaires et de mettre le paquet en matière de santé publique pour les habitants, les patients et les soignants de Seine-Saint-Denis.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Depuis de nombreuses années, monsieur le député, le département de Seine-Saint-Denis fait face à d'importants retards en matière d'accès aux soins : sous-équipement et vétusté des hôpitaux publics, inégalités sociales et territoriales, notamment lors de la crise du covid-19, faible densité médicale. Cette situation appelle une mobilisation démultipliée de l'État. C'est ce que nous avons fait avec le plan L'État plus fort en Seine-Saint-Denis.
Concernant l'hôpital public, des crédits importants ont été débloqués pour sa rénovation dans le cadre du Ségur de la santé. Trois des quatre projets de l'AP-HP – Assistance publique-Hôpitaux de Paris – accompagnés par le Ségur de la santé se situent en Seine-Saint-Denis. Le projet du campus hospitalo-universitaire Grand Paris-Nord à Saint-Ouen, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler dans cet hémicycle permettra de rapprocher l'hôpital des usagers et d'adapter l'offre à la croissance démographique du territoire, qui est importante. Son capacitaire a été augmenté de quatre-vingt-dix lits pour tirer les conséquences de la crise sanitaire et je vous confirme qu'il comprendra bien une maternité. La création du nouvel hôpital Jean-Verdier à Bondy, qui deviendra un site universitaire de proximité, permettra de renforcer l'offre de soins en mettant l'accent sur le décloisonnement entre la ville et l'hôpital. S'ajoute à cela la création d'un pôle mère-enfant à l'hôpital Avicenne, à Bobigny, dont les travaux commenceront en janvier 2023. Par ailleurs, les rénovations des urgences de tous les hôpitaux publics du département se poursuivent. Certaines sont en cours d'achèvement, comme à Montreuil ou Aulnay-sous-Bois. Nous soutenons aussi la reconstruction de l'hôpital Le Raincy-Montfermeil. Enfin, nous déployons de nouveaux équipements lourds, qu'il s'agisse d'IRM, de scanners ou d'imagerie médicale.
Ce ne sont là que quelques-uns des très nombreux projets illustrant l'investissement nécessaire de l'État et des pouvoirs publics en faveur de ce département et de ses habitants.
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. S'agissant du projet d'hôpital Grand Paris-Nord, prétendre qu'il permettra de rapprocher les patients de l'hôpital me semble faire preuve d'un optimisme exagéré. Il vaudrait mieux éviter de fermer deux hôpitaux et en ouvrir un troisième, dont nous ne contestons pas l'utilité, mais de taille plus petite et certainement un peu plus au nord de la Seine-Saint-Denis.
De manière générale, nous vous demandons de prononcer un moratoire immédiat sur toutes les fermetures de lits, alors que les projets que vous évoquez en prévoient malheureusement. Plus globalement, il faut recruter massivement les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les personnels administratifs qui manquent à peu près partout. Il faut des recrutements dans les EHPAD publics : AESH – accompagnants d'élèves en situation de handicap –, corps de médecins fonctionnaires que nous défendons par ailleurs pour faire face aux déserts médicaux, toutes choses qui, pour l'instant ne sont pas au programme du Gouvernement et que nous nous chargerons de mettre en œuvre sous la présidence de Jean-Luc Mélenchon.
Auteur : M. Éric Coquerel
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 février 2022