Question orale n° 1684 :
Loi Elan et Mafate (La Réunion) : une nécessaire adaptation

15e Législature

Question de : Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Mme Karine Lebon attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les graves conséquences pour certains territoires des « Hauts de La Réunion » de la loi Elan portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Ainsi dans le cirque de Mafate (1 000 habitants et 100 000 touristes annuels), tout projet d'aménagement, d'extension ou de construction risque de devenir impossible, ce qui suscite une grande inquiétude chez les familles qui y vivent. En effet, cette nouvelle législation est totalement inadaptée aux caractéristiques de ce site qui connaît un phénomène important de glissement de terrains au point de rendre indispensables de nouvelles constructions (habitations et équipements publics). Elle lui demande de bien vouloir mettre en place un cadre réglementaire adapté qui respecte à la fois la richesse du patrimoine écologique, historique et géographique de ce site emblématique situé au cœur du parc national de La Réunion et la nécessité de procéder à des aménagements incontournables.

Réponse en séance, et publiée le 23 février 2022

NÉCESSAIRE ADAPTATION DE LA LOI ELAN AU CIRQUE DE MAFATE
M. le président. La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, n°  1684, relative à la nécessaire adaptation de la loi ELAN au cirque de Mafate.

Mme Karine Lebon. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les graves conséquences de la loi ELAN – portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – pour certains territoires des hauts de La Réunion. Le cirque de Mafate, l'un des sites réunionnais les plus emblématiques, est directement menacé par les nouvelles dispositions en vigueur depuis le 1er janvier 2022, qui rendent quasiment impossible toute nouvelle construction. Situé au cœur du parc national, classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO, Mafate occupe une place particulière dans l'histoire de La Réunion, puisqu'il a été le refuge de ceux qui ont fui l'esclavage colonial – les marrons, comme on dit chez nous. Accessible seulement à pied ou par les airs, ce joyau naturel est aujourd'hui un haut lieu touristique accueillant plus de 100 000 visiteurs chaque année.

Géré par l'ONF – Office national des forêts –, qui accorde notamment à ses 1 000 habitants des concessions non cessibles, ce territoire était régi jusqu'alors par des règles d'urbanisme très strictes et rigoureusement appliquées. Or la loi ELAN est venue bousculer l'arsenal juridique existant, au risque de perturber gravement la poursuite d'un aménagement équilibré et respectueux de l'environnement – bref, d'aller à contresens du but recherché. En effet, la suppression à l'article 42 de la notion de « hameau nouveau intégré » ne permet plus de recourir à un outil du code de l'urbanisme pourtant très approprié, ce qui revient à interdire toute zone urbanisée à Mafate.

Par ailleurs, en réactualisant la loi « littoral » avec un encadrement plus drastique pour les constructions dans les communes ayant un accès maritime, la loi ELAN ignore la topologie des communes réunionnaises qui s'étendent du battant des lames au sommet des montagnes, et complique considérablement la vie des habitants de Mafate. Tous les projets sont aujourd'hui compromis, alors qu'en raison d'importants glissements de terrain il est devenu indispensable non seulement de concentrer les habitations dans les zones dites des îlets, mais encore de construire et de renforcer les écoles et les points de service public.

Je déplore que toutes mes initiatives pour trouver une solution à ce problème soient restées lettre morte malgré la gravité de la situation et l'inquiétude de la population. C'est pourquoi, après le vote de la loi 3DS – relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale – et à la suite d'un courrier cosigné par mes collègues de La Réunion, je profite de cette dernière séance de questions orales sans débat de la législature pour vous demander de mettre en place un cadre réglementaire qui ne tourne plus le dos aux caractéristiques du cirque de Mafate et permette de concilier protection et aménagement, c'est-à-dire d'envisager le développement harmonieux de ce site.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Madame la députée, vous nous interrogez sur les conséquences de la loi ELAN en matière d'aménagement et de constructibilité dans la zone du cirque de Mafate. Ce site, qui constitue une formation géologique remarquable, est inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2010 sous l'appellation « Pitons, cirques et remparts de l'île de La Réunion », ce dont nous sommes très fiers. Cette valeur paysagère et environnementale exceptionnelle du cirque mérite évidemment toute notre vigilance, et justifie que la constructibilité dans cette zone soit particulièrement encadrée et limitée.

Nous avons évidemment bien conscience que ce site est soumis à plusieurs dispositions législatives qui peuvent constituer des freins à certains projets. Il s'agit notamment des dispositions de la loi « littoral » et du principe d'urbanisation en continuité, mais aussi de la suppression de l'urbanisation sous forme de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, introduite par la loi ELAN. Cette suppression est toutefois compensée par de nouvelles souplesses introduites dans le déploiement opérationnel : je pense par exemple à la création des secteurs dits déjà urbanisés, qui est un outil utile dans le cas du cirque de Mafate, car il permet de favoriser la densification de certaines zones et ainsi d'améliorer l'offre de logements ou l'implantation de services publics.

Vous m'interrogez également sur la mise en place d'un cadre réglementaire adapté, spécifique à ce site. Le principe d'urbanisation en continuité étant, tout comme les autres dispositions de la loi « littoral », inscrit dans la loi, il n'est pas possible de procéder à des évolutions réglementaires en la matière. Je veux cependant vous assurer que les services de l'État demeurent mobilisés et disponibles pour faire profiter de leur expertise les collectivités concernées. Des échanges sont ainsi en cours entre les services du ministère du logement et les services locaux pour permettre la mobilisation des outils qui seraient les plus adaptés, en particulier celui des secteurs dits déjà urbanisés.

M. le président. La parole est à Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon. Merci, madame la secrétaire d'État, mais les aménagements que vous évoquez vont prendre plusieurs mois et l'on peut même craindre qu'il faille attendre l'année prochaine. Pourtant il y a urgence, qu'il s'agisse des bâtiments ou de la population. Je ne crois pas que l'on puisse l'ignorer.

Données clés

Auteur : Mme Karine Lebon

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 février 2022

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