Question orale n° 1690 :
Désertification médicale - situation dans la Sambre-Avesnois

15e Législature

Question de : M. Christophe Di Pompeo (Hauts-de-France - La République en Marche)

M. Christophe Di Pompeo attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les problématiques d'accès aux soins en France et notamment dans l'Avesnois, territoire de sa circonscription. On observe, en France, de nombreux déserts médicaux. Selon une étude portant sur l'année 2018, près de 7,5 millions de Français vivent dans un désert médical, contre 5,7 millions en 2016. Rien qu'en Sambre-Avesnois, l'Ordre des médecins a comptabilisé une baisse de 11 médecins entre janvier 2017 et janvier 2020. Sur l'arrondissement d'Avesnes-sur-Helpe, on enregistre une moyenne de 62,6 médecins pour 100 000 habitants. En 2019, le seuil critique de médecins généralistes a failli être atteint dans le Sud-Avesnois : 9 médecins pour 27 000 habitants ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Et pourtant, on a plus de médecins qu'il y a trente ans. 5 000 médecins étaient formés chaque année dans la décennie 1990. On est aujourd'hui proche des 10 000 par an. Malheureusement, les médecins sont aujourd'hui inégalement répartis sur l'ensemble du territoire. On compte 2,5 fois plus de généralistes par habitant dans le département le mieux doté que dans le département le moins bien doté. Cet écart de densité médicale monte à 11 pour les ophtalmologues et à 24 pour les pédiatres. Cette sous-densité rencontrée dans la plupart des zones rurales et périurbaines est gravement préjudiciable. Dans la 3e circonscription du Nord, on enregistre 46 % de cancers en stade 3 ou 4 contre une moyenne de 16 % dans le reste de la France. Résultat : 3 000 morts de citoyens atteints d'un cancer en plus par an en moyenne dans la circonscription par rapport aux données nationales. Il y a urgence et il faut faire face à ce problème structurel qui n'est pas nouveau. Les incitations matérielles et financières, si elles sont essentielles, ne suffisent plus. Les effets de suppression du numerus clausus sur le nombre de médecins ne seront pas significatifs avant plusieurs années. Il faut agir maintenant. Aussi, des initiatives locales sont lancées afin de pallier ce déficit. Par exemple, un projet de centre de télémédecine dans la 3e circonscription du Nord devrait voir le jour grâce à la mobilisation de toutes les parties prenantes : les professionnels de santé, les élus locaux et l'ARS. Ces initiatives méritent d'être activement encouragées et complétées par une politique active en faveur de la réduction des écarts constatés en matière d'offre de soins. En ce sens, le rapport Vigier du 16 novembre 2016, qui appelle à une mobilisation générale pour lutter contre les déserts médicaux, comporte de nombreuses propositions pertinentes, parmi lesquelles le développement de la télémédecine, un passage obligé en zones sous-dotées au cours des études médicales ou encore une obligation d'installation en zone sous-dotée pendant trois ans à l'issue du cursus. Au regard de ces éléments et de la situation alarmante ici décrite, M. le député souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ces présentes propositions. Aussi, dans quelle mesure le Gouvernement et les services de l'État peuvent-ils accélérer le développement de la télémédecine, en particulier concernant le projet de centre dans la 3e circonscription du Nord, particulièrement et durement touchée par la désertification médicale ? Il lui demande ses intentions à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 23 février 2022

DÉSERTIFICATION MÉDICALE
M. le président. La parole est à M. Christophe Di Pompeo, pour exposer sa question, n°  1690, relative à la désertification médicale.

M. Christophe Di Pompeo. Ma question s'adresse au ministre des solidarités et de la santé, avec qui je souhaitais évoquer les problèmes d'accès aux soins, notamment dans le pays de Sambre-Avesnois, où la situation est difficile. Près de 7,5 millions de nos concitoyens vivent dans les nombreux déserts médicaux du pays. En Sambre-Avesnois, l'Ordre des médecins dénombrait en janvier 2020 onze médecins de moins qu'en janvier 2017 ; dans l'arrondissement d'Avesnes-sur-Helpe, on compte en moyenne 62 généralistes pour 100 000 habitants. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et, derrière ces chiffres, il y a une réalité : celle d'une population qui renonce à se soigner, surtout lorsqu'elle n'a pas beaucoup de moyens.

Les conséquences en sont manifestes : l'arrondissement d'Avesnes enregistre une surmortalité annuelle de 3 000 personnes – autant de morts qu'en un an sur les routes françaises. C'est énorme ! Il est inacceptable que 46 % des cancers y soient diagnostiqués au stade 3 ou 4, contre 16 % à l'échelle nationale. Nous devons de toute urgence remédier à ce problème structurel, d'autant qu'il ne date pas d'hier. Les incitations financières à l'installation ne suffisent pas à résorber les écarts ; la fin du numerus clausus ne produira pas d'effets significatifs avant plusieurs années, et rien ne garantit que, devenus plus nombreux, les médecins se répartiront plus équitablement. Idéalement, leur installation devrait être subordonnée aux besoins des territoires, comme c'est le cas pour les pharmaciens : cette assemblée s'y est toujours refusée.

Il nous faut pourtant agir pour compenser ce manque de médecins, et je sais que M. le ministre agit. Bien qu'elle appelle une réponse complexe, l'énoncé de ma question est simple : par quels moyens le Gouvernement lutte-t-il contre la désertification médicale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Il s'agit en effet d'une question vaste, complexe, à laquelle le Gouvernement s'évertue à répondre depuis le début du quinquennat, car cette crise ancienne et profonde a de multiples origines. C'est un enjeu prioritaire que ces tensions démographiques dans certains territoires. Bien sûr, la suppression du numerus clausus permet d'attendre, dans les prochaines années, une augmentation du nombre d'étudiants, même si cela prendra mécaniquement quelque temps ; surtout, nous avons toujours opté pour des solutions adaptables au contexte local, car, en la matière, la réponse n'est pas unique, tous les territoires ne rencontrant pas les mêmes difficultés. Il convient de faire jouer tous les leviers susceptibles de donner accès aux soins dans les zones en tension.

Dans le pays de Sambre-Avesnois, le projet régional de santé a permis d'identifier les priorités. Depuis 2019, avec l'avènement du nouveau zonage conventionnel et la création de zones régionales à la main de l'ARS, plus de 750 000 euros ont été versés en vue d'accompagner l'installation de quarante et un médecins libéraux. Toutes les communes de votre circonscription, monsieur le député, peuvent obtenir les trois aides prévues à ce titre : 50 000 euros dès l'installation du professionnel, pour ses frais de début d'activité ; une rémunération de 6 900 euros bruts par mois pendant deux ans pour les primo-installations, assortie d'une garantie assurantielle en cas de congé maternité ou d'arrêt maladie ; enfin, 5 000 euros annuels durant trois ans pour favoriser le maintien en exercice des médecins impliqués dans des démarches de prise en charge coordonnée.

Les médecins de ces communes bénéficient, en outre, d'une exonération fiscale de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins ambulatoires, à raison de soixante jours de permanence par an. L'autre grand levier consiste en une meilleure organisation des professionnels de santé, afin que leur présence soit pérenne et continue : je pense entre autres au développement des structures d'exercice coordonné et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). En Sambre-Avesnois, sept maisons de santé pluriprofessionnelles sont désormais opérationnelles, et une huitième est en cours d'accompagnement.

Je pense enfin évidemment à la formation, à la maîtrise de stage universitaire ou encore au développement de la télémédecine : le recours y a crû de façon exponentielle durant la crise et c'est un véritable acquis en matière d'accès aux soins, sur la base duquel nous devons bâtir.

Il y a donc encore d'autres outils à mobiliser, indéniablement, et nous les mobilisons. Le chantier reste en cours mais le Gouvernement a apporté des réponses nécessaires, diverses et adaptées aux circonstances locales.

Données clés

Auteur : M. Christophe Di Pompeo (Hauts-de-France - La République en Marche)

Type de question : Question orale

Rubrique : Médecine

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 février 2022

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