15ème législature

Question N° 1698
de Mme Valérie Beauvais (Les Républicains - Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Travail, emploi et insertion

Rubrique > agriculture

Titre > Suspension repos hebdomadaire vendanges et moissons en Champagne

Question publiée au JO le : 15/02/2022
Réponse publiée au JO le : 23/02/2022
Date de changement d'attribution: 22/02/2022

Texte de la question

Mme Valérie Beauvais attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la circulaire d'interprétation ministérielle de l'article L. 714-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) relative à la suspension du repos hebdomadaire dans le cas des vendanges et des moissons sur le territoire champenois. Cette circulaire, datée du 25 novembre 2021, prise par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, vise à interdire le recours à la suspension du repos hebdomadaire dans le cadre des vendanges et des moissons. Cette position semble s'opposer à la pratique constante que l'on observe en Champagne, au moment des récoltes, qui consiste à suspendre le repos hebdomadaire des travailleurs agricoles pour permettre le travail continu pendant 12 jours. Les nombreuses contraintes techniques ainsi que le besoin de main-d'œuvre exceptionnel et récurrent, durant ces périodes bien spécifiques, nécessitent que ces opérateurs puissent ponctuellement recourir à certains aménagements dans l'organisation du travail. Cette procédure est un gage de qualité des récoltes. En conséquence, elle lui demande les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour permettre à ces exploitants agricoles et viticoles de recourir à la suspension du repos hebdomadaire des salariés occupés aux travaux de vendanges et de moissons.

Texte de la réponse

REPOS HEBDOMADAIRE PENDANT LES VENDANGES ET LES MOISSONS


M. le président. La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour exposer sa question, n°  1698, relative au repos hebdomadaire pendant les vendanges et les moissons.

Mme Valérie Beauvais. Cette question s'adressait initialement à M. le ministre de l'agriculture ou à Mme la ministre du travail. Je vous remercie de votre présence, madame la ministre.

Je souhaite vous interroger sur la dérogation à la durée maximale hebdomadaire de travail pendant les vendanges et les moissons, et vous dire toutes les inquiétudes des vignerons, et plus largement celles des agriculteurs et coopératives, face à la circulaire du 25 novembre dernier, qui remet en cause les dérogations à la durée maximale hebdomadaire de travail sollicitées chaque année par ces organisations agricoles et vitivinicoles.

Chaque année, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) est sollicitée pour ces dérogations, qui sont de plus en plus difficiles à obtenir. Tout dernièrement, selon une note de la direction du travail à la DREETS, la consigne a été donnée de réduire les plafonds accordés jusqu'ici, en fixant la limite à soixante heures hebdomadaires contre soixante-douze heures actuellement, au motif d'une volonté d'harmonisation nationale, d'une part, et d'un rapprochement entre les dispositions du code rural et celles du code du travail appliquées par la DREETS, d'autre part.

Les préfets des territoires agricoles, comme la Marne, ont toujours su s'adapter aux nécessités et aux contraintes qu'impose le travail dans les filières agricoles et vitivinicoles. C'est pour cette raison qu'ils délivrent des dérogations relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail lors des périodes de récolte. La volonté du Gouvernement d'harmoniser le code rural et le code du travail ne semble donc pas avoir de justification, si ce n'est de complexifier davantage le mille-feuille administratif.

Vous comprendrez, madame la ministre, que ces dispositions sont très mal perçues par les filières, qui ne comprennent pas les raisons de revenir sur ces dérogations. Si celles-ci existent, c'est qu'elles répondent à une nécessité due à la spécificité de ces secteurs d'activité. Ces dérogations sont réellement indispensables.

En Champagne, au moment des récoltes et des vendanges, la pratique vise à suspendre le repos hebdomadaire des travailleurs pour permettre un travail continu de douze jours. Il y a, et vous le savez, de nombreuses contraintes techniques, auxquelles on ajoute le besoin exceptionnel de main-d'œuvre, durant des périodes bien spécifiques. Je vous rappelle que les vendanges en Champagne durent au maximum quinze jours. C'est pourquoi il est vital de recourir à certains aménagements dans l'organisation du travail, en l'occurrence de maintenir le recours à ce plafond de soixante-douze heures.

Tout retard peut prendre des proportions inquiétantes et avoir de graves conséquences sur la qualité de la récolte. Vouloir à tout prix uniformiser les règles du secteur primaire en les calquant sur les règles du secteur tertiaire semble, d'une part, inapproprié aux spécificités du travail sur nos territoires et, d'autre part, s'oppose au principe de différenciation que votre Gouvernement a mis en avant lors de l'adoption de votre nouvelle loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.

En 2015, les partenaires sociaux de la filière s'étaient accordés, à l'unanimité et sur recommandation de l'administration, pour définir un cadre pérenne à la mise en œuvre de ces dérogations. En reniant ces accords, vous mettez en péril des secteurs d'activité qui ont déjà des difficultés à s'adapter aux changements climatiques.

Le chef de l'État et le Gouvernement parlent de « l'impératif de proximité, de la nécessité de dialogue au plus près des acteurs de terrain ». Vous avez dit « vouloir adapter les normes administratives et juridiques aux réalités de terrain ». Il est encore temps de concrétiser ces propos en donnant satisfaction à la demande des filières de maintenir ces dérogations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion. Les viticulteurs et les agriculteurs doivent en effet pouvoir aménager leur temps de travail à certains moments de l'année, notamment lors des vendanges, pendant lesquels les besoins de main-d'œuvre sont accrus. Cependant, l'inspection du travail considère que les vendanges ne constituent pas à elles seules des circonstances exceptionnelles – j'insiste sur le mot « exceptionnelles » – susceptibles de justifier légalement le recours à la suspension du repos hebdomadaire. En effet, si une dérogation est demandée chaque année, alors elle ne constitue pas, logiquement, une demande exceptionnelle ni imprévisible.

Madame la députée, je peux toutefois vous rassurer. La réglementation en vigueur offre beaucoup de souplesse aux viticulteurs pour leur permettre d'adapter leur temps de travail au rythme des vendanges.

En effet, le code rural et de la pêche maritime leur permet déjà de déroger au repos dominical. Ainsi, sur deux semaines, un viticulteur peut être en mesure de travailler jusqu'à douze jours consécutifs s'il prend son repos le lundi de la première semaine et le dimanche de la semaine suivante. D'autre part, les viticulteurs peuvent solliciter une dérogation aux durées maximales journalières et hebdomadaires : la durée quotidienne peut être portée à douze heures et la durée hebdomadaire à soixante heures, voire soixante-douze heures.

Notre droit permet bien à la filière viticole d'aménager la durée du travail au rythme des vendanges. Cependant, il n'est pas souhaitable, pour la santé d'un salarié, de suspendre le repos hebdomadaire après qu'il a travaillé dans les vignes 132 heures pendant douze jours consécutifs. C'est là un enjeu essentiel de santé au travail.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Beauvais.

Mme Valérie Beauvais. Merci de ces précisions. Toutefois, nos territoires ont des spécificités. En Alsace, les vendanges durent plus longtemps mais, en Champagne, elles sont réduites à quinze jours. C'est la volonté même de ces filières mais aussi de leurs salariés, qui souhaitent faire leur temps de travail d'un coup, sur dix à quinze jours de vendanges. Travailler dans les vignes n'est pas un travail régulier. D'où cette demande de beaucoup de salariés de ces territoires.