Pénurie de médecins dans le département de Vaucluse et désertification médicale
Question de :
M. Julien Aubert
Vaucluse (5e circonscription) - Les Républicains
M. Julien Aubert appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la pénurie de médecins qui se généralise dans le département de Vaucluse. Cette raréfaction des médecins est particulièrement inquiétante : on compte actuellement pour le département 500 médecins généralistes pour plus de 500 000 habitants. Elle conduit à des temps d'attente de plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous chez le médecin et même parfois le refus de rendez-vous faute de moyens humains. En octobre 2017, 25 médecins du département se sont adressés au conseil départemental de l'Ordre des médecins pour alerter sur les difficultés physiques, psychiques ou relationnelles qu'ils rencontrent au quotidien. À Aubignan par exemple, le maire de la commune a tiré la sonnette d'alarme sur le départ d'un médecin à la retraite prochain qui conduira, faute de remplacement, les 5 500 habitants de la commune avec un seul médecin généraliste. Et pourtant, cette commune n'est pas classifiée dans les zones sous dotées en médecins et l'Agence régionale de santé n'a pas encore établi sa nouvelle cartographie. En Vaucluse, la moyenne d'âge des généralistes est de 55 ans et les mesures incitatives déjà en œuvre ne suffisent pas à attirer de nouveaux médecins. Il lui demande donc à travers quels moyens incitatifs le Gouvernement compte attirer de nouveaux médecins dans les zones « sous-denses » afin d'assurer un service public de santé égal sur l'ensemble du territoire national. Aussi, il lui demande d'élargir, dans le nouveau zonage, les zones « sous-denses » à l'ensemble des communes rurales ou urbaines qui font l'objet d'une pénurie de médecins.
Réponse en séance, et publiée le 23 février 2018
PÉNURIE DE MÉDECINS DANS LE VAUCLUSE
M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour exposer sa question, n° 170, relative à la pénurie de médecins dans le Vaucluse.
M. Julien Aubert. Ma question s'adresse à Mme le ministre des solidarités et de la santé et porte sur la pénurie de médecins qui se généralise dans le département du Vaucluse. Celui-ci compte 500 médecins généralistes pour une population d'un peu plus de 500 000 habitants. En conséquence, et faute de moyens humains nécessaires, les temps d'attente pour obtenir un rendez-vous chez le médecin – quand on ne se heurte pas à un refus – sont de plusieurs mois.
En octobre dernier, vingt-cinq médecins du département se sont adressés au conseil départemental de l'ordre des médecins pour alerter sur les difficultés – physiques, psychiques ou relationnelles – qu'une telle situation occasionne au quotidien.
Dans ma circonscription, à Aubignan, le maire a tiré la sonnette d'alarme : cette commune de 5 500 habitants se retrouve sans médecin généraliste. En effet, Aubignan n'est pas classée dans les zones dites « sous-denses », zonage qui permet de bénéficier d'une aide exceptionnelle de la part de l'agence régionale de santé.
Aubignan n'est pas un cas isolé dans le Vaucluse : il en est de même à Carpentras, L’Isle-sur-la-Sorgue, Violés, Beaumes-de-Venise, Sault… Carpentras, ville de 30 000 habitants, ne compte qu'un seul gynécologue ! Les maires recherchent désespérément de nouveaux médecins et se retrouvent en compétition les uns avec les autres pour attirer des praticiens. À Mornas, cela fait près de deux ans que la commune cherche un médecin généraliste. Il n'y a aujourd'hui qu'un seul médecin dans la commune qui, pour 2 500 Mornassiens, ne compte pas ses heures ! Le maire a même fait déployer des banderoles en bordure de la nationale 7 et affiché des messages sur les panneaux d'information communaux – sans succès ! Rendez-vous compte qu'en Vaucluse, la moyenne d'âge est de cinquante-cinq ans pour les médecins généralistes, soit quatre ans de plus que la moyenne nationale.
Je ne vous demanderai évidemment pas de contraindre par la force de nouveaux médecins à s'installer dans les territoires sous-denses, mais ne pensez-vous pas qu'il serait temps de mettre en œuvre des moyens incitatifs pour attirer de nouveaux médecins dans ces zones ? Il faudrait peut-être également revoir le zonage, qui ne correspond pas à la réalité puisque des communes dépourvues de médecins n'entrent pas forcément dans ce périmètre.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je vous réponds au nom de la ministre des solidarités et de la santé, qui n'a pas malheureusement pu se rendre disponible aujourd'hui.
Pour remédier aux difficultés que rencontrent nos concitoyens, et particulièrement les Vauclusiens, en matière d'accès aux soins, il n'y a pas de réponse miracle – vous en avez convenu vous-même, monsieur le député – mais un panel de solutions. Le plan territorial d'accès aux soins que la ministre de la santé a présenté est pragmatique parce qu'il vient du terrain et s'appuie sur les remontées des professionnels de santé, des collectivités territoriales, des usagers et d'élus tels que vous, monsieur le député.
L'accès aux soins ne repose pas uniquement sur l'installation d'un médecin : ce n'est pas la solution miracle. Nous ne pouvons pas, en effet, forcer des médecins à venir s'installer dans un territoire qu'ils n'auraient pas spontanément choisi. L'accès aux soins repose donc sur l'organisation coordonnée entre tous les professionnels de santé du territoire. Il faut inventer de nouvelles solutions, qui doivent être trouvées au niveau local, dans chaque territoire, par les acteurs eux-mêmes – c'est ce travail qu'il faut effectuer dans le Vaucluse.
Le plan d'Agnès Buzyn vise à augmenter le temps que les professionnels de santé consacrent aux soins. Il tend par exemple à généraliser la téléconsultation et la télé-expertise, des démarches que nous devrons favoriser dans le Vaucluse. Il prévoit également de doubler en cinq ans le nombre de maisons de santé pluri-professionnelles, grâce à un programme d'investissement de 400 millions d'euros. Comme vous le constaterez, nous proposons donc à la fois des solutions innovantes et la mise à disposition de moyens financiers. Le plan sera amené à évoluer en fonction des besoins de la population et de la démographie.
La ministre de la santé a souhaité associer les organisations de professionnels de santé, chacune dans le domaine de responsabilité et de représentativité qui est le sien, au pilotage national et régional du plan, afin qu'elles y soient pleinement force de proposition. Toutes ont d'ailleurs signé la charte destinée à renforcer l'accès territorial aux soins.
Nous avons en effet besoin de définir les solutions à partir des réalités concrètes de nos territoires – qui sont, par définition, toutes différentes les unes des autres. Il s'agit d'une priorité pour ce gouvernement, comme pour le département de Vaucluse ; et je sais, monsieur le député, que vous saurez vous-même vous mobiliser pour trouver des solutions.
Concernant le zonage, celui-ci est en cours de finalisation. À ce jour, selon les indicateurs que le ministère de la santé a définis, il couvre 7 % du territoire concerné et 18 % de celui de la France. Pour le Vaucluse, nous regardons la situation avec attention. Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, nous faisons le nécessaire pour apporter des réponses aux usagers et aux élus. Je sais que vous continuerez à dialoguer avec la ministre de la santé sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cela tombe bien que la secrétaire d'État qui me répond soit du Vaucluse : je n'ai pas besoin de lui apprendre quelles sont les particularités du département !
Certaines solutions sont des solutions molles. Très honnêtement, ce ne sont pas les chartes qui vont changer les choses ! De même, si j'entends bien l'intérêt du télétravail, de la téléconsultation, vous savez bien que dans les espaces ruraux, faute de haut débit et de développement du numérique, leur généralisation sera très compliquée.
Mais le vrai point, c'est le zonage – j'insiste, car je suis sûr que vous assurerez le service après-vente auprès de la ministre de la santé. Ainsi, à Villes-sur-Auzon, le maire avait réussi à trouver un jeune médecin prêt à s'installer, mais l'ARS lui a répondu que la commune ne figurait pas dans le bon zonage. Le médecin pressenti ira donc s'installer ailleurs. On marche sur la tête ! J'espère qu'au-delà des chartes, vous agirez concrètement !
Auteur : M. Julien Aubert
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2018