Déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés
Question de :
M. Guillaume Chiche
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Non inscrit
M. Guillaume Chiche alerte Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur un sujet qui lui est cher, porté depuis de longs mois par de nombreuses associations, qu'est la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH). En effet, et cela est regrettable, le montant de l'AAH est actuellement calculé en fonction des ressources du couple, rendant ainsi le revenu de la personne en situation de handicap dépendant de celui de son conjoint. À maintes reprises, le débat pour individualiser cette prestation a eu lieu dans l'hémicycle, provoquant le rejet de la majorité, en contradiction totale avec l'obligation et la volonté de donner aux personnes en situation de handicap la possibilité de vivre dignement. La révolution culturelle n'a donc pas eu lieu. C'est le choix de Mme la ministre, mais la réalité est tout autre : « On ne se marie pas pour l'argent, mais par amour ». « Cela nous infantilise et nous invisibilise ». « On m'a tout supprimé, je suis complètement dépendant de mon mari ». « Si je suis victime de violences conjugales, comment vais-je faire financièrement si je quitte mon conjoint ? ». Ces propos viennent de personnes en situation de handicap de la circonscription de M. le député, qui sont aujourd'hui victimes du renoncement du Gouvernement, de son refus de voir se réaliser un vrai droit à l'autonomie, un vrai droit à l'émancipation. Ce refus est incompris pour de nombreuses personnes, concernées ou leurs familles, alors que l'AAH a pour vocation de compenser simplement la difficulté ou l'impossibilité de travailler ou d'avoir un accès au marché de l'emploi pour une personne en situation de handicap. Cette décision est d'autant plus incompréhensible que le Gouvernement affiche, depuis plusieurs semaines, dans le contexte pré-électoral qui est celui du pays, un volontarisme politique à l'égard de l'autonomie, de l'augmentation du pouvoir d'achat et ce dans un contexte d'inflation et de précarité que l'on connaît tous. Le Gouvernement a ainsi fait le choix jusqu'à maintenant de la solidarité conjugale, de la soumission financière et d'une vision patriarcale du couple au détriment de l'autonomie et de la dignité de la personne en situation de handicap, assurée par la solidarité nationale. Il n'est pas trop tard. Ainsi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte enfin prendre afin de reconnaître les spécificités de l'AAH et ainsi en modifier ses règles de calcul pour plus d'inclusion et de justice sociale.
Réponse en séance, et publiée le 23 février 2022
DÉCONJUGALISATION DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chiche, pour exposer sa question, n° 1712, relative à la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés.
M. Guillaume Chiche. Je souhaite vous interroger sur un sujet qui m'est cher, porté depuis de longs mois, de nombreuses années par nombre d'associations : la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Actuellement, le montant de l'AAH est calculé en fonction des ressources du couple. Cela rend le revenu de la personne en situation de handicap dépendant de celui de son conjoint. C'est insupportable.
À maintes reprises, le débat pour individualiser cette prestation a eu lieu dans cet hémicycle, provoquant le rejet de la majorité, en contradiction totale avec l'obligation et la volonté de donner aux personnes en situation de handicap la possibilité de vivre dignement.
La révolution culturelle n'a pas lieu, c'est le choix de ce Gouvernement. Les personnes en situation de handicap dans ma circonscription témoignent pourtant de ce qu'est la réalité : « On ne se marie pas pour l'argent, mais par amour. » « Cela nous infantilise et nous invisibilise. » « On m'a tout supprimé, je suis complètement dépendante de mon mari. » « Si je suis victime de violences conjugales, comment vais-je faire financièrement, si je quitte mon conjoint ? »
Ces personnes sont victimes de votre renoncement, de votre refus de voir se réaliser un vrai droit à l'autonomie, à l'émancipation. Ce refus est incompréhensible pour les personnes et leurs familles. L'AAH n'est pas un minimum social comme les autres, elle a pour vocation de compenser simplement la difficulté ou l'impossibilité de travailler et d'avoir accès au marché de l'emploi.
Cette décision est d’autant plus incompréhensible que le Gouvernement affiche depuis plusieurs semaines, dans un contexte pré-électoral, son volontarisme politique en matière d'autonomie et d’augmentation du pouvoir d’achat, et ce dans un contexte d’inflation et de précarité que nous connaissons toutes et tous.
Jusqu’à maintenant, le Gouvernement a fait le choix de la solidarité conjugale, de la soumission financière et d’une vision patriarcale du couple, au détriment de l’autonomie et de la dignité des personnes en situation de handicap. Mais j’ai la conviction qu’il n’est pas trop tard. Madame la ministre déléguée, quelles mesures compte enfin prendre le Gouvernement afin de reconnaître les spécificités de l’AAH et de ses bénéficiaires et, ainsi, d’en modifier les règles de calcul pour plus d’inclusion et de justice sociale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion. Notre pays consacre chaque année près de 51,7 milliards d'euros aux politiques du handicap, soit une augmentation inédite de 17 % depuis 2017. Cette hausse met la priorité sur le pouvoir d'achat des personnes en situation de handicap, grâce, notamment, aux deux vagues de revalorisation successives : entre 2017 et 2021, le montant de l'AAH a été revalorisé de façon à le porter à 904 euros, soit 100 euros supplémentaires par mois. C'est une hausse qui a bénéficié à plus de 1,2 million de nos concitoyens ; c'est 11 % de pouvoir d'achat en plus.
Mais nous avons voulu aller plus loin, dans le cadre de la loi de finances pour 2022, en réformant le mode de calcul de l'AAH, pour le rendre plus simple et plus juste. C'est une réforme opérationnelle qui permet à 140 000 foyers de bénéficier immédiatement d'une hausse moyenne de 110 à 120 euros par mois pour renforcer leur pouvoir d'achat. Je tiens à le rappeler : ce nouveau mode de calcul ne fait absolument aucun perdant. Désormais, toutes les personnes en couple, sans activité et dont le conjoint gagne le SMIC toucheront l’AAH à taux plein, soit 904 euros par mois. Ce sont donc au total 12 milliards d'euros qui seront consacrés en 2022 par l'État à l’AAH, pour aider les personnes en situation de handicap les plus modestes ; c'est 25 % de plus en cinq ans, ce qui se traduit par un investissement annuel de 2,4 milliards d'euros supplémentaires pour les personnes en situation de handicap.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chiche.
M. Guillaume Chiche. Madame la ministre déléguée, j'entends et j'approuve le fait que la solidarité nationale vienne concourir au financement des politiques en faveur des personnes en situation de handicap. Vous avez parlé d'amélioration, de revalorisation, mais le problème initial reste toujours le même : nous expliquons à des personnes en situation de handicap qu’elles vont dépendre financièrement de leur conjoint ou de leur conjointe, car on prend en considération le revenu du conjoint ou de la conjointe pour déterminer le montant de l'AAH.
Encore une fois, les témoignages sont éloquents : je pense à cette femme qui explique que, étant en situation de handicap reconnu à 80 %, elle est non seulement dépendante physiquement, mais également financièrement de son conjoint, car le montant de son AAH baisse du fait des revenus de ce dernier.
Les différentes associations, la Défenseure des droits, le Conseil national des droits de l'homme, et même l'ONU demandent à la France de modifier sa position et de déconjugaliser l'AAH. Même avec les revalorisations qui ont été effectuées, ce sont toujours 40 % des bénéficiaires de l'AAH qui n'en bénéficient pas à taux plein.
Auteur : M. Guillaume Chiche
Type de question : Question orale
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Personnes handicapées
Ministère répondant : Personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 février 2022