Application de la loi SRU dans les communes littorales de Charente-Maritime
Question de :
M. Raphaël Gérard
Charente-Maritime (4e circonscription) - La République en Marche
M. Raphaël Gérard attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur les difficultés d'application de l'article 55 de la loi SRU en Charente-Maritime pour les petites communes soumises à la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. L'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « SRU », fait obligation aux communes d'au moins 3 500 habitants membres d'agglomérations ou d'EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, de disposer d'un taux minimal de 25 % de logements sociaux, sauf pour certaines communes dont la situation ne justifie pas un effort de production supplémentaire et pour lesquelles le taux légal est fixé à 20 %. L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation (CCH) prévoit que les communes n'atteignant pas le seuil fixé de logements locatifs sociaux (LLS) participent financièrement à l'effort de solidarité nationale par un prélèvement annuel sur les logements manquants. Aujourd'hui, le cadre de cette loi est inadapté pour tenir compte des contraintes liées aux réalités diverses des territoires. Sur le territoire de la Charente-Maritime en particulier, de nombreuses communes, notamment littorales, comme c'est le cas de Saujon, ne parviennent pas à atteindre ces objectifs de construction de logements sociaux locatifs. Le 25 janvier 2018, la commune de Saujon a ainsi reçu un arrêté de carence qui prévoit un transfert du droit de préemption à l'État et un doublement des pénalités qui les porte à un montant de 229 787 euros sur trois ans. Le contexte est particulièrement complexe pour ce type de communes littorales car elles souffrent en parallèle d'un déficit de foncier disponible et du cumul des réglementations, liés notamment aux dispositions prévues par la loi dite « littoral » qui prévoient des restrictions d'urbanisme, des plans de préventions des risques, des zonages environnementaux ou des sites classés. La commune de Saujon peuplée de 7 300 habitants dispose ainsi de 3 600 logements, dont 68 % sont des résidences principales habitées par leurs propriétaires. Sur les 32 % de logements locatifs, une part importante est consacrée à l'accueil des curistes du fait de la spécialisation de cette station thermale dans les pathologies psychiatriques. Aussi, en l'absence de terrains à bâtir et malgré la bonne volonté affichée de ces communes pour produire des logements sociaux, il leur est difficile de se conformer aux objectifs fixés par la loi SRU. Dans ce cadre, il lui demande quelles solutions peuvent être proposées aux communes pour répondre à leurs obligations et tenir compte des spécificités de chacun des territoires.
Réponse publiée le 9 juillet 2019
Ainsi qu'il l'a rappelé tout au long de la discussion parlementaire préalable à la promulgation de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), le Gouvernement considère que le dispositif issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) est équilibré, s'agissant de son périmètre d'application et du niveau des obligations assignées aux communes en matière de logement social (20 ou 25 % des résidences principales). Le dispositif tel qu'issu de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, et inchangé par Elan, permet d'exempter de cet effort les communes situées dans des agglomérations peu tendues, ou hors des agglomérations, dans des secteurs isolés, mal desservis, et peu attractifs aussi bien pour les ménages modestes que pour les bailleurs sociaux. Le mécanisme en vigueur permet également de supprimer les obligations de développement de l'offre dans des communes fortement contraintes, dont plus de la moitié du territoire urbanisé est grevé par des servitudes ou des dispositions limitant trop fortement ou interdisant la construction (plan de protection des risques, plan d'exposition au bruit, servitudes environnementales…). C'est sur la base de ces critères que le Gouvernement a pris, le 28 décembre 2017, un décret permettant d'exempter, pour les années 2018 et 2019, 274 communes de l'obligation SRU (dont 22 communes au titre de la constructibilité contrainte de leur territoire urbanisé), en multipliant ainsi par 4, par rapport à la situation antérieure, le nombre de communes dispensées de l'effort de solidarité, pour tenir compte des réalités territoriales. À l'issue de ce décret, qui sera actualisé par un décret modifié dès la fin de cet exercice 2019, sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'appartenance, mais sur la base des mêmes critères que ceux précités, ce sont au final un peu plus de 1 000 communes qui restent soumises à l'obligation de rattrapage en 2018, et qui doivent lancer des dynamiques vertueuses de développement de l'offre de logements, à ce jour insuffisante en regard des besoins, au profit des plus fragiles de nos concitoyens. Parmi ces communes, il se trouve bien entendu des communes littorales, souvent à vocation touristique, mais qui ne sauraient être exemptées de l'obligation SRU sur la base de ces seuls critères, dès lors qu'elles ne répondent pas aux conditions d'exemption susvisées. Bien souvent, en effet, on y observe un développement, parfois même massif, de l'offre de logements privés, voire de résidences secondaires. Quand bien même, l'offre de foncier est parfois restreinte et chère dans ces secteurs, le Gouvernement rappelle que le développement de l'offre de logements sociaux peut alors s'y opérer par conventionnement du parc existant. Ainsi, ces communes ont la possibilité de recourir à l'acquisition – amélioration de logements sociaux et à la mobilisation du parc privé à des fins sociales, notamment au travers du conventionnement avec l'agence nationale de l'habitat (Anah), qui peuvent constituer des outils rapides de développement de l'offre à destination des ménages les plus modestes, notamment dans les communes disposant de peu de terrains constructibles ou soumises à des contraintes de construction sur une part majoritaire de leur territoire urbanisé. Par ailleurs, la part des résidences principales, hors logement social, des communes soumises au dispositif SRU en Charente-Maritime augmente sensiblement alors que la construction de logements locatifs sociaux ne permet pas de répondre aux objectifs de rattrapage desdites communes, malgré des besoins avérés. Les taux de tension sur la demande en logement social s'échelonnent en effet de 1 attribution pour plus de 3,3 demandeurs dans la communauté d'agglomération (CA) de Saintes à 1 attribution pour 4,5 demandeurs dans la CA de Royan Atlantique. Les communes du département doivent donc amplifier leurs efforts au profit des plus modestes de nos concitoyens, afin que ces derniers puissent se loger dans la commune de leur choix. Concernant plus particulièrement Saujon, qui appartient à la CA de Royan Atlantique, elle est soumise depuis 2008 au dispositif SRU et ne dispose que de 6,6 % de logements sociaux. Alors que le législateur a renforcé ces dernières années le rattrapage du déficit en logement social pour assurer une répartition plus équilibrée de l'offre locative sociale entre les communes, il apparaît que Saujon a réduit son nombre de logements sociaux depuis l'origine de son intégration au dispositif SRU (- 72 logements locatifs sociaux) alors qu'elle produit du logement (augmentation du nombre de résidences principales de 450 en 6 ans, dont seulement 23 % de logement social). C'est donc sur cette base et sur les developpements récents de la période 2014-2016 que le préfet de Charente-Maritime a pris un arrêté de carence concernant Saujon au titre de cette période, avec une majoration de 100 % de son prélèvement. Le Gouvernement n'entend pas modifier l'équilibre du dispositif SRU, même s'il reste attentif aux difficultés rencontrées par les territoires dans l'application de la loi. C'est ainsi qu'il a soutenu des ajustements au dispositif dans le cadre de la loi Elan du 23 novembre 2018, pour apporter des solutions pragmatiques à certaines difficultés (modification du seuil communal d'application de la loi en Île-de-France – relèvement du seuil de 1 500 habitants à 3 500 habitants, hors agglomération parisienne – ; adaptation du rythme et des objectifs de rattrapage SRU pour les communes nouvellement soumises aux obligations SRU depuis 2015, en offrant 5 périodes triennales pleines pour atteindre le taux légal par dérogation à l'échéance de 2025 ; création d'un dispositif expérimental de portage du dispositif à l'échelle intercommunale…).
Auteur : M. Raphaël Gérard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Ville et logement
Ministère répondant : Ville et logement
Dates :
Question publiée le 12 mars 2019
Réponse publiée le 9 juillet 2019