Autorisation des chromates dans l'Union européenne
Question de :
M. Jean-Luc Lagleize
Haute-Garonne (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Jean-Luc Lagleize appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'autorisation des chromates dans l'Union européenne. Les chromates sont des composés chimiques contenant du chrome hexavalent (chrome VI). Ils sont utilisés dans les secteurs de l'aéronautique et du spatial pour l'anticorrosion des alliages d'aluminium, notamment pour les parties structurales, contribuant à ce titre à la sécurité aérienne, tant dans le domaine civil que militaire. Il n'existe aujourd'hui pas d'alternative aux chromates dans ces secteurs de pointe. Compte tenu de leur toxicité, les chromates ont fait l'objet d'une inscription sur la liste des substances soumises à autorisation au titre du règlement européen REACH (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of CHemicals), annexes 14 et 15. En raison de l'absence de solutions alternatives équivalentes et qualifiées pour certaines applications résiduelles, des dossiers d'autorisation pour maintenir l'usage de ces substances ont été déposés auprès de la Commission européenne. L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), dans le cadre du processus ad hoc, a émis en 2017 un avis favorable pour proposer à la Commission européenne et aux États membres de l'Union européenne une autorisation des chromates pour une période de 7 ans. Aujourd'hui, les discussions semblent se focaliser sur deux options principales : ne pas délivrer d'autorisation supplémentaire, ou réduire la durée d'autorisation prévue de 7 ans à 4 ans, afin que les professionnels du secteur accélèrent la recherche d'alternatives, ce qui reviendrait à interdire les chromates dès 2021. Les chromates peuvent en effet être dangereux pour la santé comme le note l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), car ils pourraient conduire à des éruptions cutanées ou à des risques accrus de cancer des voies respiratoires. D'ailleurs, après l'interdiction de l'usage de chromates dans les ciments au Royaume-Uni en 2005, il y aurait eu une diminution significative des dermatoses allergiques de contact chez les travailleurs exposés à ces ciments. Malgré cela, les chromates restent essentiels à l'industrie aéronautique et spatiale, civile et militaire, et la recherche et développement dans ces secteurs n'a à ce jour aucune perspective de qualification de substituts, tant au niveau français, européen, qu'international. Ainsi, il l'interroge sur la position de la France au sujet de l'autorisation des chromates dans l'Union européenne. En outre, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur l'accélération des recherches sur la toxicité des chromates et sur leurs éventuels impacts en termes de protection des travailleurs et de l'environnement, ainsi que sur l'accompagnement des filières de l'aéronautique et du spatial dans la recherche d'alternatives viables.
Réponse publiée le 18 juin 2019
Le règlement REACH est entré en vigueur le 1er juin 2007. Il vise une meilleure connaissance des effets des substances chimiques sur la santé humaine et sur l'environnement pour une gestion efficace des risques liés à l'utilisation de ces produits. Il revient dorénavant à l'industriel de démontrer que l'utilisation de sa substance peut se faire sans risques pour la santé humaine ou pour l'environnement, sachant que des dispositions réglementaires complémentaires d'interdiction ou de restriction peuvent être mobilisées. Le règlement REACH liste ainsi dans son annexe XIV les substances « soumises à autorisation » : l'inscription des substances les plus préoccupantes à cette annexe a pour objectif d'encourager les entreprises à les remplacer et les éliminer de leurs produits ou procédés. 43 substances figurent à ce jour à l'annexe XIV du règlement. Cette liste est complétée régulièrement et la France assure un rôle moteur dans ce cadre. Inscrire de nouvelles substances à cette annexe est en effet indispensable et efficace : les études ont montré que le règlement REACH orientait la substitution, et les avantages quantifiés pour la santé et l'environnement de l'inscription des substances à l'annexe XIV dépassent largement les coûts pour les entreprises. La France défend l'arrêt total de l'utilisation des substances de l'annexe XIV, dès lors que des solutions de substitution existent : le règlement REACH prévoit ainsi un délai de transition pour permettre aux entreprises de mettre en œuvre les investissements et les modifications des conditions de production nécessaires à l'évolution vers des technologies plus vertueuses. Une période de transition peut être obtenue au cas par cas : une autorisation d'utiliser une substance de l'annexe XIV peut être accordée par la Commission européenne pour un ou plusieurs usages précis et pour une durée limitée dans le temps, le temps de la substitution, par exemple pour la mise en œuvre des investissements. La validité de cette autorisation est soumise à l'application par les entreprises concernées de mesures de gestion des risques destinées à protéger rigoureusement l'environnement, ainsi que la santé des travailleurs et de la population environnante. Les autorisations sont délivrées si aucune autre substance ou technologie de substitution adéquate ne peut être déployée, après analyse des comités techniques d'évaluation des risques et d'analyse socio-économiques de l'agence européenne des produits chimiques. Concernant la demande d'autorisation d'utiliser du trioxyde de chrome déposée par le consortium CTAC, la Commission a fait voter par les États membres une décision correspondant à une autorisation pour 7 ans ; les secteurs industriels sont dans une phase de recherche et développement d'alternatives. À l'issue de la période de 7 ans, certains usages pourront faire l'objet de substitution tandis que d'autres pourraient nécéssiter un renouvellement d'autorisation. Il conviendra que le consortium présente de manière plus étayée ces éventuels renouvellements ; comme le Parlement européen l'a rappelé par sa résolution du 27 mars dernier, car la Commission n'a pas vocation à autoriser des usages déjà substituables ou sans avantages socio-économiques pertinents.
Auteur : M. Jean-Luc Lagleize
Type de question : Question écrite
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 12 mars 2019
Réponse publiée le 18 juin 2019