15ème législature

Question N° 177
de Mme Delphine Batho (Nouvelle Gauche - Deux-Sèvres )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > eau et assainissement

Titre > Respect de l'instruction gouvernementale du 4 juin 2015 sur les réserves d'eau

Question publiée au JO le : 13/02/2018
Réponse publiée au JO le : 23/02/2018 page : 1444

Texte de la question

Mme Delphine Batho interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le respect par l'État et les agences de l'eau de l'instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 relative au financement par les agences de l'eau des retenues de substitution. L'instruction du 4 juin 2015 fixait plusieurs critères, notamment en ce qui concerne l'existence d'un véritable projet de territoire portant sur tous les usages de l'eau, la prise en compte des liens entre gestion quantitative et état qualitatif des masses d'eau, la mise en place de cultures agro-écologiques et d'une diversification des assolements, l'appréciation des besoins en eau évalués sur la base des volumes réellement prélevés, l'existence obligatoire d'un volet de diminution des prélèvements, la modernisation des techniques d'irrigation, l'existence d'une analyse coût/bénéfice du projet. Pourtant, l'État a autorisé par arrêté inter préfectoral du 23 octobre 2017 un projet de création de 19 réserves d'eau destinées à l'irrigation dans le bassin de la Sèvre niortaise, reconnu zone de répartition des eaux (ZRE) depuis des années, qui ne respecte pas ces critères. De plus, par délibération du 9 novembre 2017, le conseil d'administration de l'agence de l'eau Loire-Bretagne a également approuvé la création de ces réserves pour un volume de 8 648 582 m3 auquel elle apportera un financement de 28 354 904 euros, sur un coût prévisionnel total de 60 604 735 euros. Il convient de souligner que l'Agence régionale de santé a émis, à plusieurs reprises, un avis défavorable sur ce projet pour toutes les retenues situées dans les périmètres de protection rapprochée et éloignée des captables d'eau potable (7 projets de retenues sur 19 sont concernées). Cet avis n'a pas été versé à l'enquête publique et n'a pas été pris en compte par l'État alors même que la ressource en eau potable est particulièrement vulnérable dans ce territoire. En outre, ce projet ne consiste pas à organiser une substitution des prélèvements été-hiver, mais vise à quasiment doubler les capacités d'irrigation au regard des volumes réellement prélevés. Enfin il entraînerait la destruction de 122 hectares de zones Natura2000 et les solutions alternatives permettant, dans le cadre d'un projet de territoire d'adaptation au changement climatique, d'assurer la pérennité et la sécurité des exploitations agricoles face à la multiplication des épisodes de sécheresse, n'ont pas été étudiées. Dans ce contexte, une contestation citoyenne de ces projets se développe dans le Sud Deux-Sèvres. Alors que le Gouvernement a mis en place le 2 novembre 2017 une cellule d'expertise sur la gestion de la ressource en eau dans le domaine agricole, placée sous l'autorité conjointe des ministres de la transition écologique et solidaire d'une part et de l'agriculture et de l'alimentation d'autre part, chargée de réévaluer tous les projets, elle lui demande de bien vouloir indiquer d'une part s'il est prêt à prendre un moratoire sur le projet de création de 19 réserves d'eau dans le bassin de la Sèvre niortaise dans l'attente des conclusions de cette expertise et d'une révision du projet afin qu'il soit conforme à l'instruction gouvernementale de juin 2015 et à l'avis de l'ARS, et d'autre part à organiser une véritable concertation territoriale débouchant sur un plan d'adaptation du bassin de la Sèvre niortaise au réchauffement climatique, lequel pourrait être exemplaire au niveau national et à même de répondre à la demande légitime de sécurisation de la ressource en eau pour les agriculteurs, en tenant compte des impératifs de protection des milieux naturels et de reconquête de la ressource en eau potable.

Texte de la réponse

FINANCEMENT DES RETENUES DE SUBSTITUTION PAR LES AGENCES DE L'EAU


M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, n°  177, relative au financement des retenues de substitution par les agences de l'eau.

Mme Delphine Batho. Ma deuxième question concerne le bassin d'alimentation du Marais poitevin, celui de la Sèvre niortaise, territoire très vulnérable sur le plan de la ressource en eau, tant pour ce qui concerne l'alimentation en eau potable que la préservation des milieux naturels ou l'exposition des exploitations agricoles à la récurrence des sécheresses du fait de l'accélération du réchauffement climatique.

L'État a décidé, le 23 octobre dernier, d'autoriser un projet de création de retenue d'eau. Il ne s'agit pas de créer une réserve de substitution, mais de doubler les capacités d'irrigation. Ce projet de grande ampleur – 60 millions d'euros, dont 28 millions d'euros d'argent public apportés par l'agence de l'eau Loire-Bretagne – a fait l'objet d'un avis défavorable de l'agence régionale de santé. Il est par ailleurs contraire à la circulaire et à l'instruction du Gouvernement, en date du 4 juin 2015, relatif au financement public de ce type d'ouvrage dont il ne respecte pas un certain nombre de conditions. Enfin, il entraîne la destruction de 122 hectares de zones Natura 2000.

Pour toutes ces raisons, les citoyens se mobilisent pour contester le projet.

Le Gouvernement a mis en place une cellule nationale d'expertise pour évaluer tous les projets en cours concernant la question du stockage lié à l'irrigation. Le projet des Deux-Sèvres peut-il être suspendu dans l'attente de ses conclusions ? Par ailleurs, l'État est-il prêt à revoir sa position pour tenir compte de l'avis de l'agence régionale de santé, mettre le projet en conformité avec l'instruction ministérielle de 2015 et bâtir un véritable plan d'adaptation du bassin de la Sèvre niortaise au réchauffement climatique ? Je ne défends pas le statu quo car je suis consciente que nous devons trouver des solutions pour les agriculteurs, qui respectent les besoins de protection de la ressource en eau potable. Un certain nombre de ces retenues menace, en effet, les aires de captage d'eau potable liées au Grenelle de l'environnement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, vous avez interrogé M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre. Suite à l'important épisode de sécheresse ayant touché de nombreux départements durant l'été 2017, des actions concrètes relatives à la gestion quantitative de l'eau ont été présentées en conseil de ministres, le 9 août dernier, par Nicolas Hulot et Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Au-delà de la gestion de crise, il est en effet primordial de résorber durablement les situations de tension hydrique et d'associer pleinement les territoires à la politique de gestion de l'eau. Nous nous y efforçons. Parmi les outils destinés à faire émerger des solutions locales adaptées en matière de gestion quantitative, figurent les projets de territoire. Définis par une instruction datant de 2015, ils visent à adopter une gestion équilibrée de la ressource en eau, sans détériorer la qualité des milieux aquatiques. Ces projets doivent faire l'objet d'une concertation entre tous les usagers de l'eau.

Face aux conséquences du changement climatique sur la ressource et aux difficultés rencontrées par certains de ces projets dans le domaine agricole, une cellule d'expertise a été ouverte. Placée sous l'autorité conjointe des deux ministres, et pilotée par le préfet Pierre-Étienne Bisch, elle a pour mission d'examiner les projets en cours, d'identifier les difficultés rencontrées et les solutions susceptibles d'améliorer le dispositif général. Son but est de faire progresser la qualité des projets et d'accélérer la réalisation de ceux qui sont robustes et durables. Les travaux de la cellule ont d'ores et déjà débuté et celle-ci conduit de nombreux entretiens avec les parties prenantes dans les différents bassins-versants, dont celui questionné ici.

À l’issue de cette première série d'entretiens, chaque projet fera l'objet d'une fiche de synthèse qui décrira les freins et les leviers identifiés avec, le cas échéant, des recommandations pour dénouer les difficultés. Ce sera également le cas pour celui des Deux-Sèvres. Par ailleurs, ces travaux permettront de tirer des enseignements pour améliorer nos politiques et pratiques, afin de mieux prendre en compte le risque climatique et l'impact biodiversité dans la gestion de la ressource en eau.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. La cellule d'expertise s'est déplacée dans les Deux-Sèvres le 9 février dernier et j'ai passé une heure et demie à m'entretenir avec ses représentants. Tous les acteurs ont pu intervenir mais rien de clair ne ressort de ces échanges, ni de votre réponse.

Pendant que la cellule travaille, le projet continue-t-il ou sera-t-il suspendu, le temps que la cellule rende ses conclusions ? Rappelons que ce projet, autorisé par l'État, est financé par l'agence de l'eau à hauteur de 28 millions, alors qu'il ne respecte pas les critères fixés pour le financement public.