15ème législature

Question N° 17980
de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances (Mme la secrétaire d'État auprès du ministre)
Ministère attributaire > Économie et finances (Mme la secrétaire d'État auprès du ministre)

Rubrique > produits dangereux

Titre > Production, stockage et circulation des produits phytopharmaceutiques

Question publiée au JO le : 19/03/2019 page : 2514
Réponse publiée au JO le : 30/04/2019 page : 4084

Texte de la question

M. Dominique Potier alerte Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances sur l'article 8 bis B du projet de loi dit « Pacte », qui supprime un dispositif adopté dans la loi EGAlim, visant à interdire, à compter du 1er janvier 2022, la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par le droit communautaire. Le réalisme n'engage pas à opposer économie et écologie mais au contraire à créer, notamment par la loi, les conditions des transitions permettant de concilier ces deux exigences. L'économie ne pourra pas être consolidée durablement en s'affranchissant de principes éthiques fondamentaux. Accepter d'exposer d'autres êtres humains, d'autres territoires, à des usages que la France aurait refusés pour elle-même n'est pas acceptable sur le plan éthique et n'est pas le propre intérêt du pays à terme dans un monde de plus en plus interdépendant. La pérennisation de l'emploi productif en France doit faire l'objet de toute l'attention. Néanmoins les géants de l'industrie phytopharmaceutique disposent des moyens financiers et du temps nécessaires pour substituer aux molécules incriminées des solutions alternatives et ainsi garantir la pérennité des sites de production français. Par ailleurs, d'un point de vue systémique, les modèles agricoles fondés sur l'agroécologie génèrent plus d'emplois que ceux reposant sur l'agrochimie. La menace de concurrence intracommunautaire ne semble pas un argument valable. D'une part, le règlement n° 649/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux rappelle à l'alinéa 4 de son préambule, s'agissant de l'application de la convention de Rotterdam : « La convention reconnaît aux parties le droit, pour mieux protéger la santé des personnes et l'environnement, de prendre des mesures plus strictes que celles qui sont prévues par la convention, pourvu qu'elles soient compatibles avec les dispositions de cette dernière et conformes aux règles du droit international. Afin de renforcer le niveau de protection de l'environnement et de la population dans les pays importateurs, il est nécessaire et approprié d'aller au-delà des dispositions de la convention pour certains aspects ». D'autre part, le chemin le plus efficace pour faire advenir une nouvelle réglementation européenne demeure le courage et l'exemplarité des États membres. Renoncer à légiférer en la matière serait reconnaître une forme d'impuissance publique devant la loi du marché, alors que la voie pourrait être ouverte à l'accompagnement de la conversion des industries concernées, à un plaidoyer européen en vue d'une directive fondée sur la réciprocité et au renforcement de la coopération internationale pour faire de la France un des leaders de l'agroécologie dans le monde. Concernant les impacts sanitaires et écologiques, il lui demande quels sont les éléments d'information à sa connaissance sur la liste des formulations qui, n'ayant pas obtenus d'autorisations de mise sur le marché par les autorités françaises ou européennes, sont produites sur le sol français et exportés vers des pays tiers ; sur les raisons sanitaires ou environnementales qui ont motivé le refus par ces autorités ; ainsi que sur les pays qui importent ces produits. Concernant les impacts économiques et sociaux, il lui demande quelles sont les précisions à sa connaissance sur la cartographie des acteurs dominants, implantés sur le territoire français, concernés par cette disposition ; sur le nombre d'équivalents temps-plein concernés, leur rémunération médiane et leur répartition entre activités de production, de recherche, ou d'administration ; sur la part des bénéfices de ces entreprises générés sur les sols français et européen sur les cinq dernières années ; sur le montant des investissements réalisés en France par ces entreprises sur la même période et leur part dans le total des investissements réalisés par celles-ci ; enfin sur le montant de crédits d'impôt recherche (CIR) dont ces entreprises ont bénéficié et sur les projets vers lesquels ils ont été fléchés.

Texte de la réponse

Lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, l'article 8 bis B du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit projet de loi « PACTE ») a été modifié pour adapter les dispositions introduites par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi EGALIM) en ce qui concerne la fabrication, le stockage et le transport de produits phytosanitaires qui contiennent des substances actives non approuvées dans le cadre du règlement communautaire. La mesure qui avait été initialement votée sans étude d'impact dans la loi EGALIM avait des effets paradoxaux : elle n'avait aucun impact immédiat sur l'environnement, les lignes de production françaises ayant vocation à être délocalisées compte tenu de leur nombre limité (La France représente 4% de la production mondiale). Elle aurait au surplus mis en risque près de 2 500 emplois en France. L'objectif a été de chercher à contraindre les entreprises concernées d'engager des actions pour développer leur offre de solutions alternatives aux produits phytosanitaires en question. Les dispositions qui ont été adoptées lors de la deuxième lecture permettent de répondre à ces préoccupations. Elles conditionnent la poursuite de l'activité des entreprises qui exportent les produits incriminés à l'établissement d'une convention, entre les entreprises et l'État. Cette convention, qui précisera les engagements pris en matière d'investissement dans des solutions de substitution, notamment de biocontrôle, d'investissement en recherche et en développement et de maintien ou de développement de l'emploi en France, fera l'objet d'un contrôle. En cas de manquement aux engagements pris, à compter du 1er janvier 2025, la dérogation sera suspendue.  Comme le prévoit l'article 8 bis B du projet de loi précité, les dispositions seront précisées par décret. Il est prévu que ce décret soit signé dès que la loi sera publiée afin de permettre que les conventions soient conclues dans le délai fixé (six mois à compter de la publication de la loi). On peut estimer en première approche que l'interdiction prévue par les dispositions de l'article 8bis B de la loi PACTE, en l'absence de toute convention de transition, concernerait de l'ordre d'une dizaine de sites en France, avec un enjeu portant sur un millier d'emplois et un chiffre d'affaires à l'export de l'ordre du milliard d'euros. Les pays importateurs sont divers et les substances concernées ont des effets également fortement diversifiées : par exemple, la substance de loin la plus exportée, le propisochlor (1,3 kT en 2017), est exportée à 93% vers la Russie et l'Ukraine. En Europe, elle n'est pas autorisée en raison de données insuffisantes pour caractériser l'absence de risque sur les humains et les eaux. La seconde substance, l'atrazine (0,3 kT en 2017) est exportée principalement vers l'Ukraine (73%), et le Soudan (21%). Cette substance n'est pas autorisée en raison de sa toxicité pour la vie aquatique. Conformément à ses engagements, la France est donc bien au meilleur niveau d'exigence en Europe en la matière. Elle poursuit la politique volontariste de réduction de l'usage des produits phytosanitaires engagée notamment avec le plan Ecophyto. Les dispositions votées complètent sa réglementation environnementale pour mobiliser des industriels qui produisent plus de 40 % des solutions de biocontrôle en France et être une force de changement sur l'usage des produits phytosanitaires au niveau international. Enfin, il apparaît essentiel que la démarche des contrats de transition soit accompagnée d'une démarche de négociation auprès des autres États membres de l'Union européenne et de la Commission européenne pour obtenir une interdiction plus générale. L'élaboration des conventions permettra notamment recueillir des données plus précises sur les sites et entreprises concernés et sur la nature des différents produits exportés. Elles permettront d'accélérer la transition souhaitée.