La défense du pastoralisme face aux grands prédateurs
Publication de la réponse au Journal Officiel du 16 juin 2020, page 4249
Question de :
M. Jean Lassalle
Pyrénées-Atlantiques (4e circonscription) - Non inscrit
M. Jean Lassalle alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'urgence de la défense du pastoralisme face aux grands prédateurs. En octobre 2018, deux ourses étaient réintroduites dans les Pyrénées-Atlantiques, à la suite d'une consultation publique organisée par la préfecture concernée le 25 juin 2018. Néanmoins, la forme de cette consultation n'a pas permis d'interroger véritablement ceux qui sont en contact direct avec les prédateurs. En effet, en vallées d'Aspe et Ossau, où il s'agit d'élevage pour faire du fromage de brebis qui implique généralement la présence d'un berger permanent et le regroupement du troupeau chaque soir pour la traite, les troupeaux sont moins sujets à la prédation, alors que dans les secteurs des Pyrénées situés plus à l'est, où il s'agit d'élevage ovin extensif pour la viande avec des troupeaux en pacage libre, l'absence dans certains cas de berger permanent sur l'estive crée un fort danger pour ces troupeaux. Ce sont ces bergers qui ont le sentiment ne pas avoir eu la parole. Effectivement, depuis plusieurs années, la réintroduction des grands prédateurs est un véritable enjeu pour les éleveurs souvent confrontés aux attaques de leurs bétails sans que les compensations financières soient égales aux préjudices subis. Alors que le Sénat a voté une résolution en faveur du pastoralisme, il est évident que les moyens alloués pour le défendre ne sont pas suffisants. Aujourd'hui, des centaines d'éleveurs craignent pour la survie de leur activité. Et ils ne sont pas les seuls touchés car le tourisme pâtit aussi de cette réintroduction. Ces deux domaines d'activité sont des sources importantes d'emplois dans la région. De plus, le pastoralisme permet de préserver des milieux naturels qui autrement seraient délaissés, et fait diminuer par exemple les risques d'incendie ou d'avalanches. Ces différentes sources permettant de faire vivre les régions ne peuvent être mises en danger par la réintroduction des grands prédateurs. Dans ce contexte, il voudrait savoir s'il compte mettre en place en urgence des mesures pour venir en aide aux éleveurs, et également, renouer un dialogue constructif entre les différentes parties directement concernées dans l'intérêt de toute une région.
Réponse publiée le 16 juin 2020
L'ours est une espèce strictement protégée au niveau international et national. À ce titre, les autorités françaises doivent veiller au bon état de conservation de sa population dans les Pyrénées. L'État et les acteurs pyrénéens se sont engagés, depuis plusieurs années, dans une stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité (SPVB) dont un volet est consacré à l'ours brun. Des actions ont été engagées, depuis plus de vingt ans, pour garantir la pérennisation de l'espèce dans les Pyrénées et un nouveau plan d'action a été publié le 9 mai 2018, dans le cadre plus général du plan biodiversité, qui vise à faire de la préservation de la biodiversité une priorité nationale. Le relâcher de deux ours dans le noyau occidental des Pyrénées en octobre 2018 était une action indispensable pour la conservation de la population d'ours dans ce territoire. Cette opération de renforcement a été effectuée après de nombreuses démarches de concertation engagées dès 2017 afin que l'ensemble des acteurs au niveau national et au niveau local puisse être écouté et associé à cet objectif de valorisation de la biodiversité pyrénéenne. Par ailleurs afin de bien prendre en compte l'activité du pastoralisme, un audit conjoint du Conseil général de l alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAER) et du Conseil général de l'environnement, et du développement durable (CGEDD) a été mené en 2018 sur les besoins du pastoralisme et les mesures d'accompagnement, notamment en Ariège. La mission a pu constater une progression du pastoralisme entre 2014 et 2017, ce qui contredit les propos sur la rapide disparition du pastoralisme à cause de l'ours. À partir des travaux de concertation et de l'audit, une feuille de route a été élaborée en 2019. Elle comprend des actions portant notamment sur la sécurité des activités d'élevage et des troupeaux : incitation à la réalisation d'analyses de vulnérabilité et de diagnostics pastoraux, création d un cadre pour autoriser les actions d'effarouchement d'ours qui attaquent les troupeaux, formation des bergers à la lutte contre la prédation, renforcement des bergers mobiles, information sur la localisation des ours, création de zones favorables en forêt pour inciter les ours à s'éloigner des estives. Dès l'été 2019, des mesures ont été prises. Des actions d'effarouchement ont ainsi été mises en place : 12 opérations d'effarouchement simple en Ariège, et une en Haute-Garonne ; 15 opérations d'effarouchement renforcé ont également été organisées en Ariège. Par ailleurs, la DREAL Occitanie a lancé le site Info-ours en juin 2019 : ce service permet aux éleveurs, bergers et élus de recevoir des alertes sms contenant des informations sur la localisation des ours. Les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement ont mobilisé des moyens financiers pour soutenir ces actions, particulièrement la mise en oeuvre des mesures de protection et le soutien au pastoralisme. Le nombre de bergers d'appui de la pastorale pyrénéenne a été renforcé sur l'ensemble du massif, avec 7 bergers d'appui, un coordinateur et des contrats rallongés d'un mois, permettant une hausse des interventions de 17,8 %. Par ailleurs, un travail d'harmonisation du dispositif d'indemnisation a été conduit depuis 2016 et les textes ont été publiés en juillet 2019, permettant d'indemniser non seulement les pertes directes mais aussi les animaux disparus et les pertes indirectes, soit une augmentation de 30% en moyenne du montant des compensations. Au-delà de l'opération de renforcement, un dialogue avec tous les acteurs a été mis en place par le préfet coordonnateur. Ceci a permis d'amorcer une dynamique favorable au développement économique et au pastoralisme dans les vallées pyrénéennes. L'installation du groupe « pastoralisme et ours » le 24 octobre 2019, composé d'élus et de représentants d'organisations professionnelles, d'associations, ainsi que de l'État et des établissements publics, a pour ambition notamment d'offrir un climat d'apaisement dans les territoires. Cette gouvernance est également déclinée à l'échelon départemental.
Auteur : M. Jean Lassalle
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 17 février 2020
Dates :
Question publiée le 26 mars 2019
Réponse publiée le 16 juin 2020