Question écrite n° 18148 :
Situation de la maison d'arrêt de Rouen

15e Législature
Question signalée le 22 juillet 2019

Question de : M. Hubert Wulfranc
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Hubert Wulfranc appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la maison d'arrêt de Rouen face à la montée, à l'échelle nationale, des actes d'agressions physiques contre les agents de l'administration pénitentiaire. Selon des informations syndicales, 102 surveillants de l'administration pénitentiaire ont déjà été agressés physiquement au 15 mars 2019, un chiffre en nette augmentation depuis cinq ans. L'agression à l'arme blanche, qui a failli coûter la vie de deux surveillants au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, par un détenu radicalisé, a été à l'origine d'un mouvement de protestation dans plusieurs établissements carcéraux de France auquel s'est joint la maison d'arrêt de Rouen. Ce dernier établissement, qui gère un peu moins de 600 détenus, est confronté à une situation de sous-effectif chronique depuis de nombreuses années. Il manque ainsi l'équivalent de 2 à 3 personnes par équipe. Cette situation est notamment due au fait que 18 postes de surveillants affectés à la maison d'arrêt de Rouen sont occupés par des agents qui ne sont plus dans l'établissement, notamment dans le cadre de mesures de détachement d'agents auprès d'autres administrations. Les agents font état de difficultés à recruter et à conserver les nouvelles recrues au sein de l'administration pénitentiaire au regard des difficultés du métier, de ses contraintes, ainsi que de la modestie des rémunérations des agents. Dans les faits, un surveillant commence actuellement avec 1 450 euros en début de carrière contre 2 200 euros en fin de carrière. La modestie des rémunérations constitue l'un des principaux freins au recrutement et à la fidélisation au métier de surveillant. Cette question a été à l'origine du grand mouvement social qui a affecté l'administration pénitentiaire en janvier 2018. Un conflit qui a été étouffé par l'administration pénitentiaire en recourant à des sanctions disciplinaires et financières et moyennant un accord signé par une organisation syndicale minoritaire prévoyant des mesures techniques destinées à améliorer la sécurité des surveillants, notamment pour améliorer la gestion des détenus radicalisés et violents. La maison d'arrêt de Rouen gère actuellement un peu moins d'une dizaine de détenus identifiés radicalisés et potentiellement dangereux. Ces derniers sont détenus dans les mêmes conditions que les détenus de droit commun, faute de structure et de moyens spécifiques dédiés. Ces individus radicalisés sont aujourd'hui en contact avec les autres détenus de la maison d'arrêt et sont susceptibles de diffuser leur message de haine auprès d'eux et en particulier, auprès des détenus présentant des troubles psychologiques. Malgré les annonces du ministère de la justice de l'année passée, les surveillants de la maison d'arrêt de Rouen ne disposent à ce jour d'aucun équipement de sécurité supplémentaire. Ils ne sont toujours pas dotés de gilet pare-lame, ni d'équipement de défense individuel. Aussi, ils ne peuvent compter que sur leur système d'alarme portatif ainsi que sur l'assistance et la réactivité de leurs collègues qui, eux-mêmes, sont déjà occupés à réaliser plusieurs tâches du fait du contexte chronique de sous-effectif. Un sous-effectif également préjudiciable pour la formation continue des surveillants, qui bien souvent ne peuvent pas les suivre, faute de collègue disponible pour assurer temporairement leurs missions. Par ailleurs, les surveillants s'interrogent sur la pertinence de la réglementation applicable aux familles qui se présentent aux parloirs pour échanger avec leurs proches détenus. À ce jour, la réglementation interdit de réaliser des fouilles par palpation systématique sur les familles se présentant aux parloirs lesquelles peuvent potentiellement faire entrer des objets prohibés dans l'établissement et en particulier, des objets susceptibles de servir d'arme. Partageant les revendications portées par les organisations syndicales présentes à la maison d'arrêt de Rouen, il demande quelles dispositions entend prendre Mme la ministre pour mettre un terme à la situation de sous-effectif chronique à laquelle est confronté cet établissement ainsi que pour assurer la sécurité des surveillants et le traitement adéquat des détenus identifiés radicalisés. Enfin, il lui demande de lui préciser les intentions du ministère en termes de revalorisation des rémunérations des agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les perspectives d'évolution d'effectifs au sein de cette administration.

Réponse publiée le 22 juin 2021

L'amélioration des conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire et de leur sécurité au sein des établissements pénitentiaires constitue une priorité de l'action du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Dès 2019, le corps d'encadrement et d'application a connu une réforme importante visant à moderniser ses modalités de recrutement, de classement et d'avancement, afin notamment d'accroître son attractivité et de fidéliser davantage les agents exerçant au sein d'établissements pénitentiaires jugés difficiles. Il s'agit tout d'abord de la création d'un coefficient de majoration de l'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) pour les surveillants et gradés ne bénéficiant pas d'une ICP majorée. Cette mesure, chiffrée à 5,3 M€ en 2021, permettra de multiplier l'ICP de base d'un montant de 1 400 € par un coefficient déterminé en fonction du corps et de l'échelon des agents. La revalorisation de la prime de sujétion spéciale (PSS) de 27,5 % à 28 % pour les personnels du corps d'encadrement et d'application est par ailleurs appliquée pour un coût évalué à 3,4 M€. En outre, une prime de fidélisation a été créée au bénéfice des agents en fonction dans certains établissements moins attractifs : les agents qui, à l'issue de leur réussite à un concours national à affectation locale, choisissent une affectation pour au moins six ans sur ces établissements peuvent bénéficier d'une prime de 8 000 € versée en trois fois, dont 4 000 € dès la prise de fonctions. Au 1er janvier 2021, le salaire net d'un surveillant en début de carrière s'élève à 1 624,75 € et atteint 2 264,81 € en fin de carrière. Le salaire en fin de carrière se situe à 2 315,21 € pour un brigadier, à 2 626,69 € pour un major. A ces montants s'ajoutent les heures supplémentaires, les indemnités dimanches et jours fériés ainsi que les nuits. D'autres mesures nouvelles, dans le prolongement de celles évoquées ci-dessus, seront proposées au titre du projet de loi de finances pour 2022 : la revalorisation de l'indemnité de nuit ; la revalorisation de l'indemnité de fonction et d'objectifs du corps de commandement et des chefs des services pénitentiaires (CSP) ; la revalorisation des moniteurs de sport ; l'augmentation de 0,5 point de la PSS des personnels de surveillance (hors CSP) ; la montée en charge de la prime de fidélisation de la direction de l'administration pénitentiaire ; la poursuite de l'augmentation des coefficients de majoration de l'ICP lancée en 2021. Par ailleurs, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice a prévu un plan de comblement de vacances de 1 100 emplois de surveillants dans les établissements pénitentiaires sur la période 2018 2022. A la maison d'arrêt de Rouen, le taux de couverture de l'établissement s'élève actuellement à 95 % pour les personnels de surveillance, ce qui est un taux satisfaisant. Concernant les personnes détenues, la prise en charge des publics radicalisés constitue un axe central de la politique de sécurisation des établissements pénitentiaires avec un budget de 70M € en 2021, soit 9 % de plus qu'en 2020. Le ministère de la Justice poursuit la généralisation des modalités de prise en charge spécifiques des personnes détenues radicalisées, terroristes ou de droit commun, expérimentées par l'administration pénitentiaire depuis 2015. Ces actions sont aujourd'hui développées à travers plusieurs dispositifs consacrés par le plan national de prévention de la radicalisation : grilles de détection de la radicalisation, programmes de prévention de la radicalisation violente, quartiers d'évaluation de la radicalisation et quartiers de prise en charge de la radicalisation. Au 17 mai 2021, la maison d'arrêt de Rouen comprend 7 détenus suivis au titre de la radicalisation. Une note de service encadre la gestion de la détention de ces profils. Elle prévoit notamment l'encellulement individuel, la présence de deux agents à l'ouverture des cellules, une fouille par palpation à chaque sortie de cellule par l'agent d'étage, une rotation de cellule chaque trimestre. Par ailleurs, une formation intitulée « Actions du terrorisme : les décoder, les prévenir en milieu pénitentiaire » a été dispensée à 11 agents de la maison d'arrêt de Rouen en octobre 2019. En 2020, la formation n'a pu être reconduite en raison de la crise sanitaire. Une nouvelle session sera organisée à l'établissement en juin 2021. Le renforcement de la sécurité des surveillants pénitentiaires passe enfin par l'amélioration des équipements des personnels et des établissements. A ce titre, la généralisation des gilets pare-lame est en voie d'achèvement, les personnels affectés dans les quartiers sensibles ayant été équipés en priorité. Au 31 décembre 2020, 10 690 agents disposaient de leur gilet pare-lame. 7 840 gilets sont actuellement en cours d'expédition. 64 % des surveillants en établissements seront dotés à l'issue de cette livraison. A la maison d'arrêt de Rouen, 80 % sur un total de 212 personnels en tenue sont actuellement dotés d'un gilet pare-lames. Le port de ce gilet en détention y est généralisé.

Données clés

Auteur : M. Hubert Wulfranc

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 22 juillet 2019

Dates :
Question publiée le 26 mars 2019
Réponse publiée le 22 juin 2021

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