15ème législature

Question N° 1821
de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire (Mme Poirson, SE auprès du ministre d'État)
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire (Mme Poirson, SE auprès du ministre d'État)

Rubrique > entreprises

Titre > devoir de vigilance des entreprises

Question publiée au JO le : 28/03/2019
Réponse publiée au JO le : 28/03/2019 page : 3162

Texte de la question

Texte de la réponse

DEVOIR DE VIGILANCE DES ENTREPRISES


M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. C'est dans le Toulois qu'est né, il y a un peu plus d'un siècle, Georges Guérin, fondateur de la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne. Connaissez-vous le slogan de ce mouvement ? « La vie d'un jeune travailleur vaut plus que tout l'or du monde. » Nous sommes dans la continuité de la question précédente lorsque nous évoquons le fait que, pour quelques centimes pour un tee-shirt, pour quelques euros pour un jean, des enfants, au bout du monde, sont réduits en esclavage.

Le Comité catholique contre la faim et pour le développement a rendu il y a quarante-huit heures un rapport qui nous donne, parmi bien d'autres informations, ces deux chiffres : près de 27 millions d'hectares de terres dont sont spoliées les communautés rurales par la financiarisation de la terre et de l'industrie agroalimentaire ; 25 millions de travailleurs de la terre exposés dans des conditions malhonnêtes à des pesticides parfois produits dans notre propre pays.

Il y a deux ans jour pour jour, la précédente majorité adoptait, après quatre ans de combat ayant associé syndicats, organisations non gouvernementales et universitaires, une loi qui, désormais, fait date et fait école dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – M. Erwan Balanant applaudit également.) Nombre d'universités, de syndicats, de parlements et une dizaine de pays l'étudient et envisagent d'adopter une loi équivalente.

Ma question au Gouvernement sera très précise, et j'aimerais qu'en y répondant l'on ne se paie pas de mots et de bons sentiments pour faire croire que l'on partage nos valeurs. Nous sortons de l'examen de la loi PACTE : il était question d'y réformer le capitalisme ; mon groupe politique, je l'avoue, n'a pas été vraiment convaincu. Mais nous avons là l'occasion de travaux pratiques. Pouvez-vous nous donner la liste des entreprises concernées par le devoir de vigilance depuis maintenant cent jours, la loi s'appliquant au 1er janvier 2019 ? Pouvez-vous nous donner le nom de la dizaine de géants de la banque, de l'industrie alimentaire et de l'habillement qui n'ont pas daigné mettre en œuvre ce que nous avons adopté dans cet hémicycle il y a exactement deux ans ? Pouvez-vous nous dire quelles mesures l'État engage pour garantir la qualité des plans de vigilance ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur le plaidoyer international auquel vous allez vous livrer pour que, avec l'Allemagne et une dizaine d'autres pays européens, nous adoptions une directive et portions le message à l'échelle de l'Organisation des Nations unies ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Merci beaucoup, monsieur le député, de poser exactement les bonnes questions. Merci aussi de tout le travail que vous avez accompli au cours de la législature précédente sur la loi que vous avez citée et qui force en effet l'admiration de nombreux pays.

Le devoir de vigilance, nous devons l'utiliser pour ce qu'il est : un véritable levier permettant de placer enfin l'humain, mais aussi l'environnement, au cœur de la gouvernance des entreprises tout au long de la chaîne de valeur. Il peut éviter des drames comme celui du Rana Plaza – il y en a malheureusement beaucoup d'autres. La responsabilité sociétale des entreprises ne doit pas, ne peut pas être un supplément d'âme : elle doit vraiment être au cœur de la stratégie des entreprises.

Certaines y sont prêtes : elles ont voulu aller plus loin. Comme le préconisait le rapport Senard-Notat, la loi PACTE, que vous avez citée, défendue par Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, rend obligatoire la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux. Grâce à cette loi, les entreprises peuvent aussi désormais se doter d'une raison d'être.

L'entreprise ne peut se résumer à la réalisation de profits : elle a une dimension sociale et environnementale. Les entreprises peuvent et doivent aller plus loin, ce que certaines font déjà. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

M. André Chassaigne. Appliquez la loi !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . Nous devons continuer de nous atteler à la nécessaire transformation du système capitaliste. Je sais, monsieur le député, que vous allez continuer de travailler avec nous et d'être vous aussi vigilant, pour que nous allions de l'avant.

M. André Chassaigne. Il faut appliquer la loi !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Vos questions sont très précises. Je n'ai pas sur moi la liste que vous demandez,...

M. Stéphane Peu. Oh, dommage !

M. Jean-Paul Dufrègne. Et de mémoire ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. ...mais je sais – nous avons déjà échangé à ce sujet – que nous allons nous voir ensuite et continuer d'y travailler ensemble. J'entends aussi ce que nous disent les étudiants : ils demandent du sens ; nous demandons aux entreprises d'avoir de l'impact. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)