15ème législature

Question N° 1828
de Mme Naïma Moutchou (La République en Marche - Val-d'Oise )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > soutien aux professeurs

Question publiée au JO le : 03/04/2019
Réponse publiée au JO le : 03/04/2019 page : 3323

Texte de la question

Texte de la réponse

SOUTIEN AUX PROFESSEURS


M. le président. La parole est à Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, ce mardi 12 mars, à l'école Flammarion de la commune d'Eaubonne, une scène presque banale : de l'agitation dans la cour parmi les élèves et Jean Willot, enseignant de 57 ans, en charge d'une classe de CP, qui aurait saisi un élève par le bras pour le calmer…

M. Thibault Bazin. C'est la faute à votre laxisme !

Mme Naïma Moutchou. La suite est vertigineuse : la mère de l'enfant porte plainte pour violences aggravées et Jean Willot est convoqué par sa hiérarchie… Le vendredi 15 mars, trois jours après cette scène d'école, Jean Willot a mis fin à ses jours. Il explique, dans une lettre adressée à sa famille, n'avoir pas supporté d'être ainsi mis en cause. Permettez-moi d'adresser à tous ses proches mes sincères condoléances. Jean Willot était apprécié de tous. Sa carrière était exemplaire. Le choc de sa disparition n'en est que plus fort : dimanche dernier, près de 2 000 personnes se sont réunies dans la commune pour lui rendre hommage ; elles ont défilé à l'occasion d'une émouvante marche blanche, munie de banderoles et de tee-shirts porteurs du même slogan : « Plus jamais ça ! »

Plus jamais ça !… On ne peut mieux résumer la conclusion d'un tel drame. Car comment en est-on arrivé là ? Comment la calomnie et le poison de la défiance se sont-ils à ce point insinués entre les trois piliers de l'école que sont les enseignants, les parents et les enfants ? « On ne félicite pas un instituteur d'enseigner que deux et deux font quatre. On le félicitera peut-être d'avoir choisi ce beau métier », écrivait Albert Camus dans La Peste. Je crois que la communauté enseignante a besoin de soutien dans le beau métier qu'elle exerce. Il est urgent de retisser les liens, monsieur le ministre, de rebâtir cette école de la confiance que vous appelez de vos vœux, cette confiance entre la communauté enseignante et les familles, dans l'intérêt de nos enfants.

Monsieur le ministre, quelles mesures peuvent être prises pour apporter une aide aux enseignants et pour qu'un tel drame n'advienne plus jamais ? (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la députée, les faits dont vous venez de rappeler les tragiques circonstances ont en effet beaucoup ému non seulement dans la commune d'Eaubonne mais dans toute l'éducation nationale parce que cet enchaînement de conséquences est dramatique et nous dit quelque chose de notre société.

M. Michel Herbillon. C'est sa hiérarchie !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Des phénomènes de judiciarisation des relations sociales, et aussi d'individualisme et de consumérisme vis-à-vis de l'école, phénomènes qui ne sont pas propres à la France, troublent le fonctionnement normal de l'école, notamment lorsqu'on en vient à porter plainte de manière abusive, pour régler le moindre différend.

Suite à ce qui s'est passé, j'ai ordonné une enquête administrative, dont j'attends évidemment les conclusions pour pouvoir en dire plus. J'ai bien sûr manifesté ma solidarité à la famille et à l'ensemble de ses collègues. Une équipe ad hoc de l'éducation nationale est présente sur place depuis lors parce que l'émotion est encore vive et l'accompagnement nécessaire. Le directeur des ressources humaines et la rectrice de Versailles sont également allés à Eaubonne de façon à comprendre, avec l'ensemble de la communauté éducative, ce qui s'est passé et de voir quelles leçons peuvent en être tirées.

Au fond, c'est à quoi vous nous invitez, madame la députée : savoir comment éviter cela. Il y a une réponse générale et une réponse particulière.

La réponse générale est à trouver dans l'esprit de l'école de la confiance, cet esprit qui relève de chacun d'entre nous et qui est très important pour notre pays : se faire confiance et positionner le professeur au centre du système en lui faisant confiance.

L'autre réponse, plus précise, passe par un protocole d'actions pour soutenir les professeurs lorsque ce type d'événement survient. J'ai donc demandé à la direction générale des ressources humaines de monter un groupe de travail sur cette question de façon qu'aucun ne se sente seul dans de telles circonstances.

M. Stéphane Peu. Y a du boulot !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Et, à mon tour, j'exprime mes condoléances à tous ceux qui étaient proches de Jean Willot, dont nous garderons le nom intact dans nos mémoires en baptisant une salle « Jean Willot ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)