Question au Gouvernement n° 1846 :
protection des enfants lors des séparations conjugales

15e Législature

Question de : Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 4 avril 2019


PROTECTION DES ENFANTS LORS DES SÉPARATIONS CONJUGALES

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, qui n'est point là.

Il y a dix jours, à La Réunion, dans un contexte de rupture conjugale, trois jeunes enfants, trois frères, ont été assassinés par leur père. Leur sœur aînée, âgée d'à peine 10 ans, est la seule rescapée de la fratrie parce qu'elle a réussi à s'enfuir. Ce triple infanticide, qui a ému toute La Réunion, rappelle à quel point le moment de la séparation est une période à très haut risque.

Ce drame nous alerte aussi sur l'urgence à protéger les enfants dans ces phases de grande tension. Certes, l'ordonnance de protection les concerne également quand les violences conjugales sont avérées. Mais, outre que les demandes n'aboutissent pas toujours, et pas toujours assez vite, dans les faits, les enfants sont encore trop rarement entendus. Leur parole et toutes les formes d'expression adaptées à leur jeune âge ne sont pas suffisamment prises en compte. (Mme Maud Petit applaudit.) La corrélation entre l'âge et la capacité de discernement est toujours très forte, en dépit d'un arrêt de la Cour de cassation de 2015.

Cette pratique a une justification : l'intérêt du mineur. Mais cette notion, désormais au fondement du droit de la famille, n'est pas définie précisément par les textes. « Notion magique » selon le doyen Carbonnier, « concept mou » pour Robert Badinter, l'intérêt du mineur est apprécié de manière fort variable.

C'est pourquoi, au nom même de l'intérêt des enfants, il paraît nécessaire de ne plus se référer seulement à leur âge pour apprécier leur capacité de discernement, et de rendre obligatoire l'audition du mineur dans toute procédure le concernant, y compris en recourant à des évaluations psychologiques.

Madame la ministre êtes-vous favorable à ces transformations, de telle sorte que les enfants ne soient plus les otages des conflits familiaux et, pire, qu'ils ne paient plus de leur vie les séparations conflictuelles de leurs parents ? (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, permettez-moi de répondre au nom de Mme la garde des sceaux, retenue par ailleurs, et qui vous prie d'excuser son absence.

Ce triple infanticide a ému non seulement la communauté réunionnaise, mais l'ensemble de la communauté nationale. Il renvoie à ce qui est la réalité dans notre pays, aujourd'hui, où, tous les cinq jours, un enfant meurt sous les coups d'un membre de sa famille.

Le nombre de ces morts, au sein du cercle familial, ne diminue pas ces dernières années. Vous le savez, c'est dans les premières années de leur vie que les enfants sont les plus exposés à la violence intrafamiliale. C'est pourquoi le premier axe de la stratégie de protection de l'enfance, que nous avons lancée la semaine dernière, concerne l'accompagnement à la parentalité ainsi que la lutte contre toutes les violences faites aux enfants. Des mesures seront annoncées dans les semaines à venir.

D'ici là, sachez qu'une mission tripartite entre le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la justice, portant sur les morts violentes d'enfants au sein des familles, a effectué cette année un travail d'analyse. Ce dernier est un préalable indispensable à des propositions d'amélioration du fonctionnement de nos services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires, qui concourent tous, de manière coordonnée, à la protection de nos enfants. La coordination, c'est bien le maître-mot entre les services, de même que la perception de signaux souvent faibles, dont l'addition doit constituer un signal d'alerte et de mobilisation pour l'ensemble des services.

La mission a, par ailleurs, confirmé le lien très fort entre violences conjugales et violences faites aux enfants, qui n'était pas établi jusque-là.

La séparation conjugale peut effectivement constituer une période à risque. Des mesures concrètes seront prochainement mises en œuvre pour permettre une meilleure information du juge des affaires familiales quant aux risques pour les enfants, et une meilleure articulation entre les décisions des juges aux affaires familiales et des juges des enfants.

Si les premiers ne sont pas systématiquement saisis en cas de séparation ou de conflit entre les parents, nous devons progresser au regard de leur formation afin qu'ils puissent mieux détecter les signaux d'alerte, en auditionnant les enfants en âge de s'exprimer, ou en demandant une expertise psychologique ou une enquête sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Petit applaudit également.)

Données clés

Auteur : Mme Huguette Bello

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)

Ministère répondant : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 avril 2019

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