Question au Gouvernement n° 1879 :
intelligence artificielle dans les armées

15e Législature

Question de : M. Loïc Kervran
Cher (3e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 11 avril 2019


INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LES ARMÉES

M. le président. La parole est à M. Loïc Kervran.

M. Loïc Kervran. Madame la ministre, en septembre prochain, le département du Cher et ma circonscription auront l'honneur d'accueillir l'université d'été de la défense, dont le thème est cette année : « Les mutations de la guerre ». Celles-ci sont multiples : durcissement du champ de bataille ; nouveaux espaces de confrontation comme le cyber ; production massive de données. Face à ces mutations, l'intelligence artificielle fournit souvent une partie de la réponse. Combat collaboratif, élément clé de la supériorité informationnelle pour le renseignement, amélioration des taux de disponibilité des flottes avec la maintenance prédictive : l'intelligence artificielle est au cœur des armées de demain.

Toutefois, cette même intelligence artificielle pose bien souvent au moins autant de questions qu'elle n'apporte de réponse. Certaines de ces questions sont d'ordre opérationnel : comment déployer dans des environnements contraints une intelligence artificielle très gourmande en énergie ? Comment la protéger de la manipulation ou du détournement ?

D'autres relèvent de l'éthique, qui est fondamentale. Je me souviens de l'audition du chef d'état-major des armées, qui avait, dans sa définition du métier de militaire, insisté sur cette particularité sans équivalent qu'est la faculté extraordinaire de donner la mort sur ordre. Or, demain, avec l'intelligence artificielle, un cerveau humain sera-t-il toujours derrière cette décision suprême ?

Face à ces questionnements, les garanties à apporter sont à mon sens de deux ordres : d'ordre financier, bien sûr, pour que nous ne soyons pas distancés par nos adversaires et que nous puissions protéger les futurs systèmes – dans l'ampleur de l'investissement se joue déjà beaucoup de la fiabilité des solutions futures ; d'ordre intellectuel, ensuite : nous avons collectivement besoin de moyens intellectuels pour penser la licéité des matériels et, au-delà, les enjeux éthiques.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale à la fois les moyens financiers et les garde-fous qui seront mis à disposition des armées, pour que le développement de l'intelligence artificielle permette de mieux protéger nos concitoyens, sans pour autant que nous renoncions à protéger les valeurs auxquelles notre pays est attaché ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le député, vous avez raison, nous devons saisir toutes les opportunités offertes par l'intelligence artificielle, comme autant d'atouts clés pour nos armées et pour nos services de renseignement. Il serait irresponsable de laisser des grandes puissances investir massivement dans l'intelligence artificielle et mettre ainsi en cause notre supériorité opérationnelle.

C'est la raison pour laquelle la loi de programmation militaire prévoit d'investir 100 millions d'euros par an dans toutes les technologies liées à l'intelligence artificielle. Nous mobilisons actuellement des laboratoires et des entreprises pour construire une intelligence artificielle de confiance, robuste et frugale en énergie, qui permette d'accomplir des tâches critiques dans un environnement contraint. Vous avez raison, il convient, à cette fin, de réunir des talents : c'est la raison pour laquelle nous recruterons 200 spécialistes d'ici à 2023 pour développer les usages dans tous les domaines, des théâtres d'opération à la gestion financière en passant par la robotique ou la maintenance prédictive.

Une chose doit être claire : en tout temps, en tout lieu et à tout moment, l'homme devra rester aux commandes et conserver un contrôle suffisant : ainsi l'exigent tant l'éthique que le respect du droit et des règles internationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - M. Christian Hutin applaudit également.)

Pour veiller au respect de ces principes dans la durée, de la conception des systèmes à leur mise en œuvre sur le terrain, j'ai décidé de créer un comité d'éthique ministériel sur les sujets de défense, ce qui permettra à la France d'être la première puissance militaire à se doter d'une instance de réflexion permanente sur les enjeux éthiques de l'emploi des nouvelles technologies dans le domaine de la défense. Nous continuerons ainsi de préserver nos valeurs et de protéger les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Christian Hutin. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Loïc Kervran

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 avril 2019

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