Refus de renouvellement des titres de séjour pour soins des femmes trans
Question de :
M. Raphaël Gérard
Charente-Maritime (4e circonscription) - La République en Marche
M. Raphaël Gérard alerte M. le ministre de l'intérieur sur la hausse des obligations de quitter le territoire français liée à un nombre croissant de refus de renouvellement de titre des séjours pour raisons médicales sollicités par des femmes transgenres séropositives originaires d'Amérique latine. D'après l'association Acceptess-T, une quarantaine de femmes trans seraient concernées, dont une majorité de femmes brésiliennes. A ce jour, le taux d'avis favorable pour les requérants séropositifs reste globalement très élevé (94 %). Selon l'OFII, la hausse des refus de renouvellement de titre de séjour est motivée par une amélioration des conditions d'accès aux soins dans les pays d'origine, évaluée à partir de données fiables recueillies par ONU Sida. Pour le cas du Brésil, « 9 personnes sur 10 porteuses du VIH et sous traitement ont une charge virale négative, ce qui témoigne d'un programme de soins efficace dans ce pays ». Pour autant, le rapport d'évaluation de la procédure d'admission au séjour pour soins, souligne la difficulté pour les médecins de l'OFII à appréhender les contours de la notion de « bénéfice effectif » d'un traitement approprié dans le pays d'origine qui est par nature subjective et dépend de données difficilement objectivables et qu'il leur est demandé présentement de ne pas prendre en compte. Or, dans le cas du Brésil, les progrès réalisés par le système de santé ne garantissent pas un accès effectif aux soins pour les femmes trans séropositives compte tenu des discriminations et des violences qui peuvent exister à l'encontre des personnes transgenres et qui sont sans commune mesure à celles observées en France : d'après l'association Gay da Bahia, on recense près de 445 homicides de personnes LGBT en 2017 dont 191 travestis. L'association nationale des travestis et transsexuels a dénombré 179 meurtres de travestis et trans en 2017 et 168 en 2018. M. le député nourrit, par ailleurs, des inquiétudes quant à la situation des femmes trans au Brésil suite à l'élection de Jair Bolsonaro qui a pris des positions claires et antinomiques vis-à-vis du respect des droits des personnes LGBT. Dans ce contexte, expulser des femmes trans séropositives brésiliennes apparaît contraire aux principes posés par la politique migratoire historiquement généreuse de la France. C'est pourquoi, M. le député propose qu'une réflexion soit menée au niveau du ministère de l'intérieur pour redéfinir des critères d'accessibilité aux soins qui tiennent compte des réalités sociales, géographiques, culturelles du pays d'origine à partir de données objectivables. A défaut, le partage de compétences entre l'OFPRA et l'OFII doit être clarifié pour faciliter le traitement des demandes d'asile formulées par des femmes trans séropositives, présentes depuis plusieurs années, voire décennies sur le territoire national et craignant d'être l'objet de persécutions futures fondées sur l'identité de genre. Dans l'hypothèse où le rôle de l'OFPRA serait conforté en la matière, il apparaît indispensable de réfléchir à des modalités de traitement simplifiées susceptibles de lever les difficultés traditionnelles liées à l'hébergement, ou encore, aux autorisations de travailler. Aussi, il demande au Gouvernement quelles sont ses intentions concernant le maintien aux séjour de femmes trans séropositives originaires d'Amérique latine.
Réponse publiée le 9 juillet 2019
La France compte parmi les très rares pays européens qui disposent d'une procédure spécifique de délivrance de titres de séjour aux étrangers malades. Le dispositif ne laisse pas aux seules autorités administratives le soin d'intervenir dans la procédure. Un collège de trois médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) émet un avis. Comme tous les médecins, les médecins de l'OFII exercent leurs missions en toute indépendance professionnelle dans le strict respect de la législation, en particulier du code de déontologie médicale et du secret médical. L'indépendance professionnelle des médecins est un principe déontologique fondamental qui s'impose dans leurs décisions et avis et n'est pas liée à l'employeur. L'ordre des médecins a demandé que les « orientations du ministère de la santé » soient données sans préjudice de l'indépendance professionnelle du praticien. La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, confortée par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a réformé les critères de fond et la procédure de délivrance des titres de séjour pour raison de santé. Le dispositif retenu vise à harmoniser les pratiques, à assurer un traitement égal de tous les demandeurs sur l'ensemble du territoire. Il a également pour objectif d'améliorer les garanties procédurales accordées aux étrangers. Dans le même temps, il s'agit de mieux prévenir la fraude, notamment organisée par des filières. S'agissant des critères de fond, le titre de séjour pour raison de santé est délivré à l'étranger qui réside habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par parallélisme, les critères de fond de la protection contre l'éloignement à raison de l'état de santé ont été également modifiés : le critère de l'accès effectif à un traitement approprié au vu du système de santé existant dans le pays de renvoi est applicable. S'agissant de la situation des personnes transgenres et victimes de VIH qui sollicitent un titre de séjour et des discriminations que ces personnes peuvent encourir en cas de retour dans le pays d'origine, les médecins de l'OFII exercent leurs attributions dans le cadre prévu par la loi, c'est-à-dire qu'ils émettent un avis sur des situations individuelles. Ils tiennent compte de l'offre de soins existant dans le pays d'origine de l'intéressé et des caractéristiques du système de santé dans ce pays. Ainsi, en 2018, 94 % des avis rendus pour des demandeurs ayant déclaré un VIH ont été favorables au maintien sur le territoire pour raisons de santé. Par ailleurs, l'OFII n'établit pas de statistiques relatives au genre ou à la vie sexuelle des demandeurs de titres de séjour pour raison de santé, conformément à la législation, notamment celle relative à la protection des données. Les médecins de l'OFII ne disposent pas d'informations relatives au travail sexuel des demandeurs, hormis lorsque cela est mentionné dans le dossier médical individuel fourni par ces derniers. De même, lorsque les éléments médicaux communiqués par le demandeur ou le médecin soignant font état d'une identité transgenre au sens de l'article 61-5 du code civil, les médecins de l'OFII peuvent prendre en compte cette situation dans leur appréciation. S'agissant des éventuels risques de discrimination liés à leur identité de genre en cas de retour dans leur pays d'origine, l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que, « s'agissant des motifs de persécution, les aspects liés au sexe, à l'identité de genre et à l'orientation sexuelle sont dûment pris en considération ». Il revient donc aux intéressés, s'ils le jugent utile, de présenter une demande d'asile, en invoquant ces risques auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, afin qu'il en soit tenu compte dans le cadre de l'examen de leur demande.
Auteur : M. Raphaël Gérard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Immigration
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 23 avril 2019
Réponse publiée le 9 juillet 2019