Sécurité des personnels pénitentiaires - Renforcement des équipements
Question de :
Mme Michèle Tabarot
Alpes-Maritimes (9e circonscription) - Les Républicains
Mme Michèle Tabarot appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la sécurité des personnels de l'administration pénitentiaire. À la suite de graves agressions survenues en milieu carcéral du fait de détenus radicalisés, le Gouvernement avait présenté, le 26 janvier 2018, un accord dont l'un des volets portait sur le renforcement de la sécurité des agents. Il prévoyait notamment le renouvellement et l'amélioration des équipements tels que des gilets pare-balles, des passe-menottes, des téléphones portables avec géolocalisation. De nouvelles agressions survenues ces dernières semaines ont relancé les questionnements concernant l'adaptation des matériels de protection à disposition des agents et de nouveaux engagements ont été pris. Il est essentiel que l'ensemble de ces promesses soit tenu dans les meilleurs délais pour donner aux agents pénitentiaires les moyens de se protéger efficacement. Aussi, elle souhaiterait, d'une part, que la ministre puisse préciser l'avancement de la mise en œuvre du premier plan annoncé fin janvier 2018 et, d'autre part, faire connaître le contenu et le calendrier de mise en œuvre des mesures complémentaires récemment annoncées.
Réponse publiée le 28 décembre 2021
Le Gouvernement a sous cette mandature considérablement renforcé la sécurité des agents pénitentiaires et des établissements. A titre d'exemple, en 2021, les moyens alloués à la sécurisation des établissements pénitentiaires sont portés à 70 M€ (+ 9 % par rapport à 2020). Ces moyens sont encore amplifiés en 2022 avec la proposition au PLF 2022 d'un plan d'investissement pénitentiaire de 100 millions d'euros principalement dédié à la sécurisation des établissements et de leurs agents (parkings, lutte anti drones, filins, brouillage). L'administration pénitentiaire a adopté une stratégie globale face au défi de la radicalisation violente. La détection et l'évaluation des détenus radicalisés en sont le cœur, avec pour finalité l'orientation dans des quartiers adaptés et l'individualisation de la prise en charge de ces détenus, qu'ils soient terroristes ou de droit commun. La prise en charge des personnes radicalisées en détention et la préparation de leur sortie sont des préoccupations majeures du Gouvernement. En milieu fermé, dès 2015, la direction de l'administration pénitentiaire a expérimenté des modalités de prise en charge spécifiques des personnes détenues radicalisées, terroristes ou de droit commun, qui ont été généralisées sur l'ensemble du territoire. Ces actions sont aujourd'hui développées à travers plusieurs dispositifs consacrés notamment par le plan national de prévention de la radicalisation (PNPR). L'administration pénitentiaire a élaboré des grilles de détection de la radicalisation, défini des programmes de prévention de la radicalisation violente (59 programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV) ont été conduits en 2019) et créé des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) et de prise en charge des personnes radicalisées (QPR). En pratique, chaque établissement pénitentiaire procède en premier lieu à l'évaluation des détenus radicalisés, dans le cadre de commissions pluridisciplinaires uniques (CPU), instance pluridisciplinaire centrale dans le repérage, l'évaluation et la construction d'un plan d'accompagnement adapté. Les chefs d'établissement et les directeurs des SPIP peuvent toutefois solliciter, pour les situations les plus complexes qui nécessitent une évaluation plus fine et plus intensive, une évaluation en quartiers d'évaluation de la radicalisation. L'objectif des QER est de mesurer le niveau de radicalité des détenus terroristes islamistes et des détenus radicalisés de droit commun, et d'apprécier leur dangerosité afin de déterminer les modalités de prise en charge adaptées au profil de la personne détenue. En complément des trois QER de région parisienne (maison d'arrêt (MA) d'Osny, de Fleury-Mérogis et centre de détention (CD) de Fresnes), la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a procédé en 2018 à l'ouverture de trois quartiers d'évaluation supplémentaires au sein du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. La DAP dispose ainsi de six QER, correspondant à une capacité d'évaluation annuelle de 234 personnes. Un septième QER a ouvert en décembre 2020. Les détenus évalués, identifiés comme prosélytes et susceptibles d'être violents, accessibles à une prise en charge collective, sont affectés dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation au sein desquels ils font l'objet d'une prise en charge pluridisciplinaire adaptée incluant notamment un volet de contre-discours et de ré-affiliation sociale. Début 2021, un QPR supplémentaire a ouvert au centre pénitentiaire de Nancy au premier trimestre et un second a ouvert au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse au deuxième trimestre 2021, portant à 9 leur nombre. En outre, deux projets sont en phase finale de programmation pour un QER femmes en Ile-de-France et un QPR femmes. Enfin, en milieu ouvert, outre le suivi rapproché développé par les SPIP concernant les personnes sous main de justice radicalisées, un dispositif est déployé depuis 2016 : des centres de prise en charge individualisée pour personnes radicalisées sous main de justice ont ouvert en 2018 à Paris et Marseille et en 2019 à Lyon et Lille. Ces centres permettent un accompagnement vers le désengagement de l'idéologie violente en identifiant les facteurs ayant conduit au basculement ainsi que les points de rupture. Ils visent aussi à faire émerger les potentialités des personnes suivies afin de favoriser notamment leur insertion professionnelle, en créant les conditions d'un espace de dialogue dans lequel la personne retrouve son individualité. L'expérience pénitentiaire de la radicalisation violente incite par ailleurs l'administration à ne plus subordonner les conditions de l'évaluation au seul déterminant de la catégorie pénale. La DAP établit une priorisation des détenus à évaluer qui tient compte de critères de dangerosité et de la date prévisionnelle de libération afin d'éviter autant que possible qu'un détenu hautement radicalisé ne soit libéré sans avoir été évalué en prison. S'agissant de la sécurité des personnels, la direction de l'administration pénitentiaire participe aux travaux interministériels, sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour trouver des solutions adaptées en réponse à la nouvelle menace des drones malveillants. Plusieurs dispositifs sont déployés depuis 2019 afin de protéger les établissements pénitentiaires les plus à risque. Concernant la lutte contre les téléphones portables en détention, la direction de l'administration pénitentiaire a déployé un système performant de détection et de neutralisation par brouillage des téléphones portables illicites dans des établissements sensibles, et d'autre part, a élargi les conditions d'accès des détenus à la téléphonie fixe légale. Par ailleurs, la généralisation des gilets pare-lame, des gants anti-coupure, le renouvellement des tenues pare-coups et la dotation d'un nouveau modèle de chaussures porté par les surveillants pénitentiaires sont en voie d'achèvement. La dotation en gilets pare-lame a fait l'objet d'une première livraison fin 2018 : 1 718 surveillants pénitentiaires affectés dans les quartiers sensibles (quartier disciplinaire / quartier d'isolement / QER / QPR) et 376 agents des maisons centrales de Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil ont été dotés à ce titre. Par la suite, des commandes ont été passées par l'administration pénitentiaire en mars 2019 et mars 2020, respectivement à hauteur de 28 400 et 12 952 gilets. L'intégralité des gilets a été réceptionnée au dernier trimestre 2020, malgré la crise sanitaire. Ils ont été distribués dans l'ensemble des établissements pénitentiaires au cours du premier semestre 2021. S'agissant des gants, 1 500 paires ont été distribuées en 2018 et la généralisation de cette dotation s'est déroulée sur l'année 2019. La dotation se fait dorénavant au bénéfice de tous les surveillants et ce dès leur entrée à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire. Concernant les tenues d'intervention (de type maintien de l'ordre), plus de 1 730 tenues ont été livrées dans les établissements entre fin 2018 et 2020. Ces équipements ont permis de remplacer les tenues vieillissantes et d'augmenter la dotation dans les établissements où elles étaient insuffisantes. Par ailleurs, 36 000 paires de chaussures de travail adaptées aux missions des personnels pénitentiaires ont été commandées par l'administration fin juin 2019 et livrées entre octobre 2019 et février 2020. Elles ont été intégrées à la dotation en uniforme pour 2020. De la même manière, 27 822 paires de chaussures ont été commandées fin 2019 et début 2020 pour couvrir la dotation 2021. Les trappes de menottage constituent un dispositif sécurisant la prise en charge des publics violents. Dans un premier temps, l'équipement de 79 établissements sensibles a été priorisé, soit 1 571 passe-menottes. Au 3 août 2020, 2 379 trappes de menottage avaient déjà été installées. S'agissant des moyens de communication internes aux établissements, l'administration pénitentiaire a engagé dès 2018 des audits sur l'état du parc. Sur la base des 39 études réalisées, 2 663 équipements de communication ont été mis en service dans les établissements pénitentiaires. Afin de limiter les projections d'objets ou de substances interdits au sein des établissements pénitentiaires, la loi du 23 mars 2019 permet désormais aux personnels de surveillance affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire de procéder, sur l'ensemble du domaine de l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats, au contrôle des personnes à l'égard desquelles il existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. Dans l'hypothèse où la personne refuse de se soumettre au contrôle, ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les personnels peuvent la retenir, en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire. Ils sont toutefois dans l'obligation de rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire compétent, qui peut ordonner que la personne lui soit présentée sur le champ ou qu'elle soit retenue jusqu'à son arrivée. Le décret n° 2019-1503 du 30 décembre 2019 élargit la possibilité de mettre en œuvre certaines techniques de renseignement à la contre-subversion (a, b et c de la finalité 5° de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure). S'agissant de la sécurité pénitentiaire, le service national du renseignement pénitentiaire exerce une compétence exclusive. Le renseignement produit dans ce cadre constitue une aide à la décision pour l'administration pénitentiaire, qui a essentiellement pour objet d'entraver des risques d'évasion ou de déstabilisation de la détention. L'article 57 de la loi pénitentiaire a également été modifié par la loi du 23 mars 2019 afin de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires et étendre le champ des fouilles intégrales des détenus. Les fouilles par palpation sont désormais exclues du champ de cet article, ce qui permet aux personnels pénitentiaires de mettre en œuvre cette mesure de contrôle de manière systématique, sans formalisme particulier, au même titre que l'utilisation des moyens de détection électronique. Ainsi, les détenus accédant à l'établissement sans être restés sous surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de l'ordre peuvent désormais être systématiquement fouillés. La loi consacre également le régime dérogatoire des fouilles intégrales systématiques justifiées par la présomption d'une infraction ou les risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité ou au maintien du bon ordre. Enfin, il convient de rappeler que le programme immobilier pénitentiaire est aussi de nature, en réduisant la densité carcérale, à réduire la violence à l'égard des personnels pénitentiaires. Ce programme immobilier prévoit la construction de 15 000 places supplémentaires en 10 ans. La première phase qui prévoit la construction ou la mise en chantier avancée de 7 000 places d'ici 2022, est résolument engagée et la deuxième phase de 8 000 places est intégralement programmées avec 16 opérations sur sites identifiés, en vue d'une livraison entre 2025 et 2027. Ce programme doit permettre de résorber la surpopulation carcérale, afin d'améliorer la prise en charge des détenus, garantir des conditions dignes de détention, mais également d'offrir de meilleurs conditions de travail aux agents.
Auteur : Mme Michèle Tabarot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 7 mai 2019
Réponse publiée le 28 décembre 2021