15ème législature

Question N° 195
de M. Nicolas Dupont-Aignan (Non inscrit - Essonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > traités et conventions

Titre > CETA

Question publiée au JO le : 13/02/2018
Réponse publiée au JO le : 23/02/2018 page : 1452

Texte de la question

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les menaces que fait peser l'accord commercial franco-canadien CETA sur l'agriculture française, comme sur la qualité de vie des citoyens. Le salon de l'agriculture va s'ouvrir dans un climat de haute tension et il est à craindre que le discours compassionnel qu'on leur sert suffise à apaiser la colère des producteurs et des éleveurs. En effet, si la politique du « en même temps » fait jubiler les élites, elle ne trompe plus ceux qui ne parviennent pas à tirer un tiers de Smic de leur travail. En réunissant les États généraux de l'alimentation, on leur a donné l'espoir d'améliorer leur sort en inversant le principe de fixation des prix et en ajustant les prix de consommation aux prix de production et non l'inverse. On verra si les intermédiaires et les grands groupes de distribution jouent le jeu. Hélas, « en même temps », ils apprennent que la réforme européenne des zones défavorisées, qui est entrée en vigueur le 15 février 2018, va priver d'aides communautaires un grand nombre de départements agricoles français. Comment accepter cette réforme qui s'est faite sans dialogue, par des technocrates jouant au Monopoly sur la carte des régions européennes ? Enfin, « en même temps » toujours, et contrairement à ce qu'avait promis le Président de la République, Emmanuel Macron, l'accord commercial franco-canadien CETA, frère jumeau du TAFTA, est entré en application avant sa ratification par le Parlement. De quoi s'agit-il pour les agriculteurs et les éleveurs français ? D'un accord perdant-perdant, qui permettra d'inonder le marché français de produits alimentaires ne respectant aucune des normes nationales sociales, sanitaires et environnementales. Autant dire laisser les producteurs français étouffer sous les normes, lorsque leurs concurrents feront leurs choux gras en s'en affranchissant. Il y a des mois que M. le député demande l'organisation d'un référendum sur ce funeste traité ! M. le ministre n'a pas le droit de sacrifier à la fois la survie des agriculteurs et des éleveurs et la santé des consommateurs. Il souhaite savoir également s'il demandera au peuple s'il est prêt, avec le CETA, à se faire hara-kiri.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES DU CETA SUR L'AGRICULTURE FRANÇAISE


M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n°  195, relative aux conséquences du CETA sur l'agriculture française. Je rappelle que le temps imparti est de six minutes et qu'il convient, pour conserver le caractère interactif de cette séance, que le député ait la possibilité de répondre et de conclure.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Madame la secrétaire d’État, je suis un peu triste d’apprendre de la part d’un membre du Gouvernement que le ministre de la République compétent – le ministre de l’agriculture – a mieux à faire que d’être au Parlement et de nous répondre. Cela participe du mépris total de ce gouvernement pour l’institution parlementaire. Je demande que cela soit bien noté, car Mme la secrétaire d’État l’a dit : il a « mieux à faire ».

M. Gilbert Collard. Elle l'a dit !

M. Pierre Morel-À-L'Huissier. C'est un aveu, qui sera consigné par l'Assemblée !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Tous les parlementaires seront heureux d’apprendre de la bouche d’un ministre que, finalement, cela ne sert à rien d’être ici.

Plus sérieusement – encore que cette question soit fondamentale, car quelle démocratie pourrait fonctionner ainsi ? –, les agriculteurs sont malheureux. Bon nombre d’entre eux vivent avec 300 euros par mois. Les agriculteurs manifestent, protestent. Les agriculteurs n’en peuvent plus.

Votre gouvernement a organisé – et il a eu raison – les États généraux de l’alimentation. C’était une bonne idée, mais s’ils ne sont qu’une posture de communication, ces États généraux ne servent pas à grand-chose car, au même moment, votre gouvernement accepte de perpétuer les causes des problèmes des agriculteurs avec, tout d’abord, l'acceptation par votre ministre de la réforme des aides européennes pour les zones défavorisées, puis la signature du CETA, l'accord économique et commercial global que le Président de la République, lorsqu’il était en campagne, avait proposé de reporter en annonçant la mise en place une commission. Le Président a certes créé cette commission pour enterrer la polémique, mais elle a été très sévère à propos du CETA, qui s’applique pourtant déjà, alors même que la partie de cet accord relative à la souveraineté du pays n’a toujours pas été ratifiée par le Parlement et que nous ne savons toujours pas quand notre Parlement se saisira de cette question.

Cet accord de libre-échange avec le Canada implique encore davantage d’importations de viande de bœuf et de porc, et pour les meilleurs morceaux, alors même que les conditions de concurrence sont déloyales, du fait que les antibiotiques sont autorisés au Canada et que l’utilisation d’hormones de croissance y est fréquente. Cette différence entre les normes canadiennes et européennes favorisera énormément les éleveurs canadiens. C’était mon premier point.

Deuxième point : la cour d’arbitrage privée organisée aux termes de ce traité placera notre pays dans une situation très difficile et un nouveau gouvernement qui voudrait changer les normes – je parle bien des normes, et non pas des droits de douane – se verrait traduire en justice par des multinationales. Cela signifie que, non seulement vous acceptez un accord déloyal qui ruinera un peu plus nos agriculteurs, mais en plus…

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure, si vous voulez que Mme la secrétaire d’État ait le temps de vous répondre.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je termine ma question : en plus, vous mettez le doigt dans un engrenage fatal. D’un côté, donc, un grand cinéma en prétendant défendre les agriculteurs ; de l’autre, un nouvel accord de libre-échange qui va les tuer, sans parler de la négociation engagée avec le Mercosur pour l’Amérique latine.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Dupont-Aignan, deux choses. Premièrement, lorsque je dis que le ministre de l'agriculture a « mieux à faire », cela signifie qu'il a mieux à faire que de répondre à des invectives. Ça, c'est certain.

M. Gilbert Collard. Il n'y a pas d'invectives !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . Deuxièmement, le Conseil constitutionnel a rappelé en 2014 que le Gouvernement a pour prérogative de choisir le ministre qui se rend en séance. En l'occurrence, Stéphane Travert a une réunion de travail avec le Premier ministre, et vous savez qu'il est toujours très impliqué au Parlement. N'en profitez donc pas pour faire du populisme de mauvais aloi. (M. Gilbert Collard rit.)

Vous avez appelé l'attention de M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture, que je vous prie à nouveau de bien vouloir excuser, sur la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global, ou Comprehensive Economic and Trade Agreement– CETA –, ratifié par le Parlement européen le 15 février 2017. Dès son arrivée au pouvoir, le Président de la République a confié à une commission d’experts indépendants la charge d’étudier l’impact de cet accord sur l’environnement, le climat et la santé. Cette commission a rendu ses conclusions le 7 septembre dernier et c’est dans ce contexte que nous avons rédigé un plan d’action, mis en œuvre dans le cadre du comité de suivi stratégique de la politique commerciale.

Pour ce qui est des aspects agricoles de ce plan d’action, je peux vous informer que, depuis l’application provisoire du CETA au quatrième trimestre 2017, le quota a été utilisé à 2,3 % du disponible pour la viande bovine fraîche, à 0 % pour la viande congelée et à 0,5 % pour la viande porcine. Les premiers chiffres de 2018 vont eux aussi dans le sens d'une très faible utilisation du quota.

Sur le plan sanitaire, l'ensemble des importations de viande canadienne doit respecter les normes européennes pour entrer sur le marché européen. En effet, avec ou sans accord, ce sont nos règlements sanitaires et phytosanitaires européens qui s'appliquent tous les jours à l'entrée de nos frontières. C’est une réalité, monsieur le député.

Le contrôle en est d’ailleurs assuré par la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et par la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne, qui réalise des audits fréquents et s'assure de la bonne application de la réglementation européenne.

M. le président. Madame la secrétaire d'État, merci de laisser au député la possibilité de vous répondre.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . Un instant, je vous prie, monsieur le président. Cette ouverture à la viande canadienne constitue de la part des Européens, et il est important de le souligner, une contrepartie à un meilleur accès au marché canadien pour nos entreprises, qui ont obtenu…

M. le président. Merci, madame la secrétaire d'État. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. …un contingent total de 18 500 tonnes, et à la protection de 175 indications géographiques européennes dont 42 françaises.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président, faites respecter les temps de parole !

M. le président. Madame la secrétaire d'État, si nous ne lui conservons pas son caractère interactif, cette séance perd un partie de son intérêt.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Pour le Gouvernement, poser une question, c'est une invective et une opposition, du populisme. Prenez garde, car à force d'être aussi méprisants pour les représentants du peuple, les Français commenceront à comprendre qui vous êtes !

Plus généralement, vous n'avez pas répondu véritablement à ma question, notamment sur les mécanismes d'arbitrage, et votre réponse sur les quotas de viande bovine et porcine est ahurissante : vous nous dites, en gros, que les importations ne sont pas encore là – mais elles vont évidemment arriver. Quant aux antibiotiques, ils ne sont pas du tout autorisés de la même façon qu'en France…

M. le président. Merci, cher collègue.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président, tout de même !