15ème législature

Question N° 196
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > emploi et activité

Titre > Plan social à Gemalto

Question publiée au JO le : 20/03/2018
Réponse publiée au JO le : 28/03/2018 page : 2110

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation de l'entreprise Gemalto. Gemalto est une multinationale spécialisée dans la sécurité numérique. Elle est présente en France sur trois sites : à Meudon, à La Ciotat et à Gemenos, à côté de Marseille. Cette entreprise revêt un caractère stratégique pour la France. En effet, les domaines de la sécurité informatique et de la cyberdéfense sont essentiels pour la sécurité de l'État. Gemalto a annoncé un plan de suppression d'emplois concernant 288 postes en France. Cette annonce fut faite malgré un bénéfice de 310 millions d'euros en 2017. Le PDG s'est pour sa part octroyé un salaire de 1,5 millions d'euros en 2017. Ce sont principalement des postes d'ingénieurs qui sont concernés. Pour la France, c'est donc la perte pure et simple de matière grise de ce domaine si crucial. Gemalto n'agit pas ici avec le souci de la production mais avec le souci des cours de bourse, le souci des actionnaires. C'est à ce titre que les salariés et leurs représentants syndicaux ont demandé à l'État d'intervenir pour empêcher le plan social. Le 7 mars 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est déchargé de sa responsabilité lorsqu'il a reçu les syndicats. L'État est pourtant présent au capital de Gemalto à travers une participation de la banque publique d'investissement. Par ailleurs, la simple procédure de droit commun commande que les « plans de sauvegarde de l'emploi » soient homologués par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi. L'État peut donc s'opposer au plan social. Thales a confirmé au début du mois son intention de racheter Gemalto. C'est une bonne chose. Qu'une entreprise dont l'État français est actionnaire contrôle un secteur aussi décisif est une bonne nouvelle. L'acquisition ne se fera qu'à la fin de l'année. Il serait absurde qu'entre temps, on perde 288 bons ingénieurs et techniciens. Il souhaiterait donc savoir ce que l'État compte faire dans le cas du plan social de Gemalto et s'il compte y mettre son veto.

Texte de la réponse

PLAN SOCIAL DE L'ENTREPRISE GEMALTO


M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour exposer sa question, n°  196, relative au plan social de l'entreprise Gemalto.

M. Jean-Luc Mélenchon. Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, je vous alerte sur la situation particulière de la société Gemalto, dont l'activité est elle-même très particulière et d'intérêt national puisqu'elle concerne la sécurité numérique.

Cette société, présente en France sur les sites de Meudon, La Ciotat et Gémenos, à côté de Marseille, a l'air de se porter assez bien puisqu'elle a versé à son PDG un salaire annuel de 1,5 million d'euros et dégagé un bénéfice de 370 millions d'euros l'année dernière. Cependant, elle a décidé de licencier 288 personnes, pour l'essentiel des ingénieurs. Or l'État est présent au capital de cette société par l'intermédiaire de Bpifrance, la banque publique d'investissement. Au demeurant, il a la possibilité de s'opposer à ces licenciements au moyen des procédures administratives normales.

Si nous vous proposons d'engager ces procédures, c'est tout simplement parce que la société Thales, elle-même directement liée à l'intérêt national, a pris la décision d'acheter Gemalto. Pour nous, c'est une très bonne nouvelle : de cette manière, un secteur stratégique reste entre nos mains. Mais il serait absurde qu'une société d'État rachète une autre société présentant un intérêt public après le licenciement de 288 ingénieurs qui lui fera perdre une part essentielle de la matière grise qui, dans ce domaine, est décisive. Ces ingénieurs sont ceux à qui l'on a demandé de former leurs propres concurrents en Asie.

Voilà pourquoi je lance cette alerte, madame la secrétaire d'État. L'État a-t-il l'intention de s'opposer à ce plan de licenciements, de sorte que le rachat de Gemalto par Thales puisse sauver des emplois ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président Mélenchon, vous interrogez le Gouvernement sur la situation des salariés du groupe Gemalto à la suite de l'annonce, par l'entreprise, de sa volonté de conclure un plan de sauvegarde de l'emploi affectant la France – un plan justifié, selon l'entreprise, par la nécessité de restaurer sa compétitivité sur un marché concurrentiel.

Soyez assuré que les services déconcentrés de l'État ont fait et continuent de faire preuve d'une vigilance constante dans ce dossier pour s'assurer que les obligations légales de Gemalto sont bien respectées. La participation capitalistique de Bpifrance, que vous avez mentionnée, ne saurait par ailleurs remettre en cause le besoin d'adaptation du groupe Gemalto aux contraintes économiques extérieures.

Vous avez évoqué plus particulièrement le contexte actuel et les conséquences du rapprochement du groupe Gemalto avec Thales. L'accord trouvé entre Thales et Gemalto pour le rapprochement des deux sociétés permettra à l'ensemble combiné de ces deux sociétés, fort de 90 000 salariés et de 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires, de se positionner comme un leader mondial de la cybersécurité, de l'internet des objets et des solutions d'authentification. Dans un secteur de haute technologie et en forte croissance, c'est un groupe mondial fortement ancré en France qui va se constituer, sous réserve, naturellement, des autorisations réglementaires associées à ce type de transactions et de l'adhésion des actionnaires de Gemalto.

Comme vous, monsieur le président Mélenchon, je pense que c'est une très bonne nouvelle. Ce projet est d'abord un projet de croissance et de développement : il doit permettre de renforcer l'investissement et l'innovation en France, tout en sécurisant la préservation de notre souveraineté sur les activités technologiques sensibles.

La société Thales a rendu publics des engagements clairs. Aucune suppression d'emploi ne résultera directement du rapprochement avec Gemalto. En outre, Thales s'engage à préserver l'emploi dans les activités françaises de Gemalto au moins jusqu'à la fin de l'année 2019. Par ailleurs, si Thales n'entend pas mettre fin au plan social en cours chez Gemalto destiné à restaurer la compétitivité de l'entreprise, elle a proposé aux salariés concernés de bénéficier d'un accès aux bourses de l'emploi et aux programmes de mobilité interne de Thales, dans les mêmes conditions que les employés de Thales, afin de maximiser les chances de chaque salarié de trouver une solution adaptée à sa situation.

En tout état de cause, le Gouvernement sera très attentif au respect des obligations légales et des engagements des deux entreprises. Il reste pleinement mobilisé sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Merci, madame la secrétaire d'État, pour votre réponse. Cependant, si la société Thales a effectivement l'intention de racheter Gemalto et de proposer aux employés de celle-ci une issue positive dans le cadre de la nouvelle société, pourquoi faudrait-il les licencier avant ? Ne pourrait-on pas interrompre le plan de licenciements, puisqu'on nous dit que ces personnes ne seront pas licenciées ? Cette solution était possible, mais le préfet a refusé de la mettre en œuvre lorsqu'il a reçu les syndicats de l'entreprise le 7 mars dernier.

En outre, la perte de 288 spécialistes d'un secteur de cette nature n'améliore pas la compétitivité d'une entreprise : il la diminue plutôt.