Gratuité du dépistage du chlordécone dans les Antilles françaises
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Mme Danièle Obono interroge Mme la ministre des outre-mer sur l'absence de dépistage systématique et gratuit du taux d'imprégnation au chlordécone des habitants et habitantes des Antilles françaises. Selon de nombreuses publications scientifiques et médicales, ainsi que diverses enquêtes institutionnelles ou journalistiques, la Guadeloupe et la Martinique connaissent depuis plus de quarante ans une grave situation de contamination au chlordécone suite à son utilisation dans les plantations de banane jusqu'aux années 1990. Ce pesticide a infesté les sols, les eaux de rivière et de la mer, ainsi que les organismes de la population de ces territoires. Pourtant, ces derniers et dernières ne peuvent pas facilement accéder à des analyses de dépistage de leur taux d'imprégnation au chlordécone, et leur coût, de 150 euros environ, n'est pas pris en charge par l'État. Différentes associations réclament que tout habitant et habitante des Antilles françaises qui le souhaite doit pouvoir bénéficier d'un dépistage gratuit. Mme Obono lui demande si elle entend répondre, et dans quels délais, à cette revendication légitime d'une population qui a bien trop payé déjà, dans sa chair, les choix politiques irresponsables en matière de santé publique sur son territoire.
Réponse publiée le 3 septembre 2019
La chlordécone est une molécule chimique insecticide qui a été utilisée en Martinique et en Guadeloupe de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Depuis plusieurs années, l Etat gère les conséquences de cette pollution diffuse de manière prioritaire au travers des plans nationaux pluriannuels destinés notamment à mieux connaitre la pollution et ses impacts sanitaires et environnementaux, et à proposer un accompagnement des populations touchées (prévention des expositions, soutien financier,). Le Plan Chlordécone III, 2014-2020, comprend 4 axes dont celui de favoriser une approche de prévention du risque sanitaire et de protection des populations dans une stratégie durable et celui de poursuivre les actions de recherche. En amont du nouveau plan Chlordécone IV, le troisième plan a été complété par la Feuille de route interministérielle 2019-2020 sur la Chlordécone qui a été élaborée à l'issue de la visite officielle du Président de la République aux Antilles et du colloque scientifique organisé sur le sujet en octobre 2018. Dans le cadre du plan chlordécone III, l étude KANNARI a permis d évaluer l'exposition des populations par voie alimentaire et de mesurer l'imprégnation de la population antillaise participant à l étude. La feuille de route 2019-2020 prévoit de poursuivre cette surveillance de l'imprégnation des populations et de cibler en particulier les plus vulnérables (femmes enceintes ou en âge de procréer), les plus exposées (auto-consommateurs de produits agricoles ou de la pêche, résidents des zones contaminées, etc.) ou les travailleurs agricoles de la banane. De même, le Plan Chlordécone III et la Feuille de route 2019-2020 prévoient que la recherche se poursuive afin de compléter et actualiser les connaissances sur les effets de la chlordécone sur la santé. Les études d'imprégnation, dites de « biosurveillance », ont pour objectif de suivre au cours du temps le niveau d'exposition de la population. Elles doivent également être mises en perspective avec les effets de la chlordécone sur la santé. Elles permettent ainsi de vérifier l'impact de la mise en place des programmes de prévention et d'élaborer des recommandations pour le suivi médical des personnes exposées. L'imprégnation des adultes par la chlordécone est très importante aux Antilles françaises comme le montrent les résultats de l étude la plus récente, l étude KANNARI 2013-2014, publiée en 2018. Depuis 2003 (en comparaison avec les études Hibiscus menées en 2003 chez des femmes enceintes, Karuprostate menée en 2004-2007 chez des hommes atteints de cancer de la prostate et Timoun menée entre 2004 et 2007 chez des femmes enceintes et leurs nouveaux nés), on observe une diminution de l'imprégnation par la chlordécone pour la majorité de la population. Cependant, le niveau des sujets les plus exposés ne diminue pas. Il est donc prévu de renforcer les dispositifs de contrôle des denrées alimentaires ainsi que l'éducation alimentaire auprès de la population et de mieux suivre les populations vulnérables. Dans le cadre de la feuille de route 2019-2020, il a été demandé aux agences régionales de santé (ARS) d'expertiser la pertinence et la faisabilité du dosage sanguin de la chlordécone (chlordéconémie), en lien notamment avec Santé publique France, les universitaires et les professionnels de santé. Les propositions des ARS seront rendues prochainement. Néanmoins, aujourd hui, le taux de chlordécone dans le sang à un moment donné ne reflète pas l'imprégnation habituelle d un sujet. Par ailleurs, il n'est pas prédictif de la survenue d une pathologie ou d'un effet sanitaire. Ce taux ne reflète pas nécessairement une exposition ancienne et peut varier fortement après avoir consommé un aliment contaminé. De plus, la connaissance de ce taux ne déboucherait à ce stade sur aucune stratégie thérapeutique. Ainsi, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a été saisie en juillet 2018, afin de définir, en lien avec Santé publique France, une valeur critique d'imprégnation dans l'objectif de pouvoir interpréter les résultats des tests de chlordéconémie : les conclusions sont attendues début 2020. Aussi, à ce stade, les difficultés d'interprétation des résultats des analyses et l'absence de recommandation en matière de prise en charge ne permet pas de mettre en uvre un dépistage systématique de l'imprégnation de la population antillaise. Sur la base des résultats des travaux en cours, le Gouvernement prendra les mesures adaptées dans l'intérêt de la population. Dans l'attente, il est important pour la population : - de bien respecter les recommandations de consommation (l'étude KANNARI a montré que l'imprégnation augmentait avec la consommation de poissons, en particulier, lorsqu ils proviennent de circuits informels) ; - de détecter la chlordécone dans l environnement et notamment les jardins familiaux pour éviter de produire des aliments contaminés (programme JAFA mis en uvre par les ARS).
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Dates :
Question publiée le 21 mai 2019
Réponse publiée le 3 septembre 2019