15ème législature

Question N° 198
de Mme Danièle Obono (La France insoumise - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > travail

Titre > travailleurs détachés

Question publiée au JO le : 25/10/2017
Réponse publiée au JO le : 25/10/2017 page : 3672

Texte de la question

Texte de la réponse

TRAVAILLEURS DÉTACHÉS


M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour le groupe La France insoumise.

Mme Danièle Obono. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.

Le Président Macron, le Gouvernement et vous-même vous gargarisez d'avoir obtenu un accord majeur pour les travailleurs et les travailleuses détachés. Vous affirmez même que l'Europe sociale serait en marche. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

Vous dites lutter contre le dumping social et protéger correctement les 2 millions de travailleurs et travailleuses détachés en Europe, dont 400 000 sont en France. (Les applaudissements couvrent la voix de l'oratrice.)

M. Jean-Paul Lecoq. Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?

Mme Danièle Obono. Comme nous y sommes désormais habitués, ce n'est que de la poudre de perlimpinpin – pour reprendre une expression chère à Jupiter ! (Huées sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

On est très loin d'une harmonisation par le haut des conditions de travail des personnes détachées, et ce pour trois motifs.

Premièrement, puisque les travailleurs et travailleuses vont continuer à payer leurs cotisations dans leur pays d'origine et non dans le pays où ils travaillent effectivement, le coût de la main d'œuvre restera inférieur au coût des travailleurs embauchés sous le régime du droit national.

Deuxièmement, votre projet de directive a pu être conclu parce que vous avez accepté de sacrifier les travailleurs et travailleuses du secteur routier, alors qu'il s'agit du secteur le plus fragilisé.

M. Pierre Cordier. Elle a raison !

Mme Danièle Obono. Savez-vous qu'un ou une Bulgare est rémunéré environ 200 euros par mois ? Avez-vous vu les millions de camions qui circulent chaque jour sur les routes et les conditions dans lesquelles ces personnes travaillent ?

M. Sébastien Leclerc. Et avez-vous vu le prix du gazole ?

Mme Danièle Obono. Ce n'est pas acceptable !

Enfin, vous ne vous donnez pas les moyens de lutter efficacement contre la fraude. Votre propre ministère estime qu'entre 220 000 et 300 000 travailleurs sont en situation de détachement sans avoir été préalablement déclarés !

Pour lutter véritablement contre le dumping social en Europe, qu'il soit légalisé ou illégal, il faut remettre en cause le principe même de la directive et actionner la clause de désengagement, l'opt out, comme nous, à La France insoumise, le proposons.

M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !

Mme Danièle Obono. Nous regrettons que vous n'ayez pas eu le courage de soutenir cette revendication.

Toutefois, il vous est encore possible de faire de cette négociation une avancée. Ma question, madame la ministre, est de savoir si vous allez introduire dans les négociations le sujet de la lutte contre la fraude, remettre en cause la directive d'exécution de 2004, et aborder enfin l'enjeu de l'harmonisation sociale par le haut. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. Merci, madame la députée.

La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la députée, oui, je l'affirme, l'accord sur la directive européenne relative aux travailleurs détachés est une étape importante dans la construction de l'Europe sociale ; c'est un succès majeur sur le chemin de l'Europe sociale que nous désirons ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.– Exclamations sur les bancs du groupe FI ainsi que sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Vous avez oublié les transports !

M. Pierre Cordier. Et l'accord ne s'appliquera qu'en 2022 !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Président de la République s'y était engagé ; il n'a pas ménagé ses efforts. Nous avons œuvré de concert avec Nathalie Loiseau et Élisabeth Borne, et nous avons obtenu hier, collectivement, à Luxembourg, une victoire majeure. C'est celle, je le répète, de l'Europe sociale, c'est-à-dire d'une Europe qui non seulement protège les salariés, mais aussi permet une concurrence plus équitable entre les entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Quatre résultats ont été acquis hier. Le premier est que, sur le même lieu de travail, il y ait à travail égal, salaire égal ; c'est une avancée considérable par rapport à ce qui avait été décidé en 1996. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.) Vingt et un ans plus tard, nous avons enfin une égalité renforcée ; cela inclut non seulement les salaires de base, tel le SMIC, mais aussi les primes et les accessoires du salaire : les remboursements de frais et les indemnités relatives à l'hébergement ou aux déplacements viendront en plus, et non en déduction du salaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.– Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Deuxièmement, s'agissant du transport, les vingt-huit États membres ont réaffirmé hier qu'il faisait bien partie du champ de la directive relative aux travailleurs détachés - ce qui n'était pas gagné d'avance ! (Exclamations sur les bancs du groupe FI ainsi que sur les bancs du groupe LR.)

Mme Valérie Beauvais et M. Éric Coquerel . C'est faux !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . En revanche, les modalités détaillées seront négociées dans le cadre du paquet « mobilité ».

Pourquoi ? Tout le monde peut comprendre que contrôler le travail d'un chauffeur dans un camion, ce n'est pas la même chose que contrôler un chantier !

Il y a des modalités spécifiques qui seront négociées, mais le principe a été affirmé : oui, le transport fait bien partie de la directive relative aux travailleurs détachés. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

M. Fabien Di Filippo et M. Pierre Cordier . Mensonge !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . Troisièmement, nous avons fait une avancée majeure au sujet de la fraude.

Quant au quatrième résultat, je le présenterai à l'occasion de la réponse à la prochaine question ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)