Enseignement en prison
Publication de la réponse au Journal Officiel du 12 janvier 2021, page 325
Question de :
Mme Elsa Faucillon
Hauts-de-Seine (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Elsa Faucillon interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'enseignement en prison. L'enseignement en prison devrait être une mission prioritaire tant on sait son importance pour les objectifs d'insertion ou de réinsertion. Pourtant, l'immense majorité des professeurs enseignant en prison sont des vacataires qui ne bénéficient d'aucune formation particulière sur les conditions d'enseignement en prison. Les conditions matérielles sont, elles aussi, particulièrement difficiles : il est très compliqué de faire entrer du matériel électronique et la plupart des élèves n'ont ni manuel scolaire ni de quoi écrire. Les élèves changent très souvent en fonction des parloirs, des audiences, des sanctions, des changements de prison ou de cellules ou encore des libérations. Les professeurs doivent donc apprendre à faire un cours dans un environnement, pourtant compliqué, sans formation, sans matériel et sans effectif stable. Elle lui demande quelles dispositions elle entend prendre pour améliorer les conditions d'enseignement, de formation et de rémunération des professeurs enseignant en prison.
Réponse publiée le 12 janvier 2021
En prison, le service public de l'Education nationale s'inscrit dans une perspective d'éducation permanente, de formation et de préparation à un diplôme. Il propose aux détenus une prise en charge et une offre de formation adaptées, afin de leur permettre d'acquérir des connaissances et des compétences. Il concourt à la réinsertion des détenus et a également pour mission de leur enseigner les valeurs de la République. Il priorise les actions à destination des plus jeunes (mineurs et jeunes adultes) et des adultes sans qualification, ni diplôme, notamment les personnes illettrées et non francophones. L'enseignement en milieu pénitentiaire est encadré par une convention entre le ministère de la justice et le ministère de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports, depuis 1995. Cette convention a été renouvelée le 15 octobre 2019. En complément, le 19 mars 2020, est parue au bulletin officiel de l'Education nationale la circulaire relative à l'enseignement en milieu pénitentiaire co-signée par le directeur de l'administration pénitentiaire et le directeur général de l'enseignement scolaire. Elle est l'aboutissement d'un travail de réécriture engagé par ces deux directions afin de réaffirmer les bases d'un partenariat solide, d'intégrer les nouveaux textes réglementaires publiés depuis 2011 et de mettre en avant de nouveaux objectifs partagés par les deux directions. Trois priorités ont ainsi été fixées : - S'assurer que les détenus maîtrisent la langue française, compétence indispensable pour l'insertion sociale et professionnelle, l'accès au savoir et à la culture (apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul et, pour les non francophones, de la langue française, dans un objectif de lutte contre l'illettrisme) ; - Renforcer la capacité des détenus non qualifiées à se réinsérer scolairement ou professionnellement. Cela passe par une prise en charge globale et par une articulation adaptée de l'activité d'enseignement avec les autres activités proposées par l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit notamment du travail, de la formation professionnelle et des actions socio-culturelles et sportives ; - Favoriser le développement du numérique en détention pour donner à l'enseignement en milieu pénitentiaire les moyens de s'adapter aux évolutions technologiques extérieures, s'inspirer des nouvelles pédagogies mises en place en milieu scolaire et permettre aux détenus scolarisées l'acquisition des compétences numériques élémentaires. Les détenus scolarisés nécessitent une prise en charge spécifique par des enseignants formés et spécialisés. Durant l'année scolaire 2018-2019, le nombre d'enseignants intervenant en milieu carcéral représentait 759 emplois équivalents temps plein, 518 d'entre eux étant des emplois de professeurs titulaires du 1er ou du 2nd degré formés à l'enseignement en milieu carcéral et en centre éducatif fermé. S'ajoutent à ces derniers 241 équivalents temps plein représentant 1 274 enseignants réalisant des vacations de 1 à 6 heures par semaine en fonction des besoins nécessaires pour compléter les services des professeurs titulaires. La plupart de ces enseignants sont des professeurs titulaires exerçant dans d'autres établissements et réalisant des heures supplémentaires en milieu pénitentiaire. Il peut s'agir également de professeurs retraités. Le recrutement est réalisé par les proviseurs-directeurs de l'unité pédagogique régionale. Ils exercent dans chacune des directions interrégionales des services pénitentiaires et s'assurent de la qualification des enseignants recrutés. Les enseignants nouvellement nommés sont formés à l'école nationale d'administration pénitentiaire et à l'institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INSHEA) au cours de leurs deux premières années d'enseignement en détention afin d'appréhender les contraintes d'exercice en milieu carcéral. La formation continue est ensuite pilotée par les directeurs des unités pédagogiques régionales et leurs adjoints qui ont en charge l'animation pédagogique. Ces enseignants sont également formés par les personnels d'encadrement de l'Education nationale dans le cadre du plan de formation des unités pédagogiques régionales. L'administration pénitentiaire alloue 1,3 M€ pour le fonctionnement pédagogique des unités locales d'enseignement au sein desquelles interviennent 1 800 enseignants. Les modalités financières de l'enveloppe allouée sont précisées dans la convention signée par les ministres de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports et de la Justice le 15 octobre 2019. Elle prévoit que les moyens de fonctionnement de l'unité pédagogique régionale sont à la charge des directions interrégionales des services pénitentiaires. Les postes de dépenses sont les suivants : - le fonctionnement des unités locales d'enseignement ; - l'inscription aux validations ; - l'inscription à l'enseignement à distance ; - le financement des projets régionaux développés par l'unité pédagogique régionale ; - le financement du fonctionnement pédagogique et fonctionnel spécifique de l'unité pédagogique régionale. Les conditions matérielles d'exercice restent l'une des préoccupations de l'administration pénitentiaire. C'est la raison pour laquelle le programme immobilier pénitentiaire prend en compte la nécessaire qualité des locaux réservés aux personnels de l'Education nationale qui dispensent leurs services en détention. Par ailleurs, une enquête sur le numérique a été menée en juin 2019 auprès des responsables locaux de l'enseignement ; 139 d'entre eux l'ont renseignée. Il en résulte que 71,9 % des unités locales d'enseignement consacrent une partie de leur projet à l'usage du numérique. De plus, toutes les unités locales d'enseignement sont équipées d'ordinateurs fixes, tant pour l'usage administratif que pour l'usage pédagogique. 64,7 % d'entre elles disposent d'une salle dédiée à l'informatique et 70 % des salles informatiques bénéficient de postes en réseau. 54 % des unités locales d'enseignement sont équipées d'ordinateurs portables, 43,2 % de tableaux numériques interactifs et deux d'entre-elles bénéficient de tablettes. Seules 17 % des ULE ne disposent pas d'internet sur le poste du responsable local d'enseignement. 78,4 % des ULE ont une ligne téléphonique permettant de communiquer en direct avec l'extérieur. Le numérique en détention permettra aux détenus d'accéder à un espace numérique de travail incluant des contenus numériques en lien avec des parcours pédagogiques. Tous les acteurs de la formation en détention pourront y accéder et mettre à disposition des ressources numériques en rapport avec leur activité, et ce depuis un espace virtuel personnalisé et sécurisé. Ce projet rejoint par ailleurs, s'agissant des formations supérieures, celui de développer les « campus connectés » dans les détentions. En outre, aucune difficulté résultant d'un manque de moyens matériels de types manuels scolaires ou stylos n'a été remontée au pôle enseignement de la direction de l'administration pénitentiaire, qui est en lien constant avec les directeurs et adjoints des unités pédagogiques régionales. Enfin, concernant la rémunération des enseignants, cette question relève du ministère de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports. Ils bénéficient d'un régime indemnitaire spécifique qui a pour objet de compenser les sujétions particulières liées aux conditions d'exercice de l'enseignement en milieu pénitentiaire, à hauteur de 2 105,63 € brut par an.
Auteur : Mme Elsa Faucillon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 2 décembre 2019
Dates :
Question publiée le 28 mai 2019
Réponse publiée le 12 janvier 2021