15ème législature

Question N° 200
de M. Jérôme Nury (Les Républicains - Orne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Tribunal de grande instance d'Argentan

Question publiée au JO le : 20/03/2018
Réponse publiée au JO le : 28/03/2018 page : 2129

Texte de la question

M. Jérôme Nury interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme qu'elle envisage de la carte judiciaire appelée aussi adaptation du réseau des juridictions. Le département de l'Orne dispose actuellement de deux tribunaux de grande instance : un à Alençon (préfecture) et un à Argentan (sous-préfecture). En septembre 2017, quatre nouveaux magistrats ont été installés au tribunal d'Argentan et quatre au tribunal d'Alençon. À Argentan, le parquet et le tribunal sont au complet. Le tribunal de grande instance d'Argentan est efficace, utile. Il couvre un grand territoire et fonctionne bien. En 2017, plus de 6 500 affaires pénales ont été traitées par ce parquet. Les comparutions immédiates ont augmenté de 40 % sur son périmètre. Il est indispensable de maintenir ces deux structures, notamment à Argentan, pour assurer la continuité d'un service complet de proximité et de qualité et pour réduire les délais des jugements rendus. Il est essentiel de conserver cette justice de proximité pour tous les citoyens ornais et tout particulièrement pour ceux du bocage ornais situé à l'ouest du département mais aussi pour maintenir l'attractivité de ce territoire. Il lui demande donc quelles dispositions la puissance publique compte prendre pour le tribunal de grande instance d'Argentan.

Texte de la réponse

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ARGENTAN


M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury, pour exposer sa question, n°  200, relative au tribunal de grande instance d'Argentan.

M. Jérôme Nury. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, représentée par M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur la réforme de la carte judiciaire dans l'Orne.

Je sais que le Gouvernement a indiqué à plusieurs reprises qu'il n'était pas question de fermer purement et simplement des sites, ce qui, bien sûr, me rassure pour le tribunal de grande instance d'Argentan et pour le tribunal d'instance de Flers, dans ma circonscription.

Mais la fusion envisagée des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance au niveau départemental n'est pas sans susciter de légitimes interrogations, notamment concernant la juridiction d'Argentan. En effet, il ne sera possible de constituer des pôles de compétence et de spécialiser les sites ornais – qui comptent aujourd'hui deux TGI, Alençon et Argentan – qu'au détriment du personnel de la justice, au détriment des justiciables, au détriment de la justice elle-même, qui perdra en efficacité. Je ne veux pas croire que, derrière cette évolution qui consisterait à dévitaliser en douceur les sites concernés en les vidant de leurs compétences, grâce à l'anesthésiant des aimables engagements de Mme la garde des sceaux, il y ait l'idée de fermer ultérieurement des sites.

La justice de proximité est la condition indispensable d'une justice efficace, rapide et de qualité, notamment dans un département comme l'Orne où la population est disséminée sur un vaste territoire dépourvu de grandes villes et doit parcourir d'importantes distances pour se rendre dans nos villes moyennes.

En départementalisant et en spécialisant les tribunaux, on va éloigner la justice du justiciable en contraignant celui-ci à faire toujours plus de kilomètres sans transports en commun.

En départementalisant et en spécialisant, on va éloigner les magistrats et les personnels judiciaires du terrain ; on leur enlève ce qui fait aujourd'hui la réussite d'un TGI comme celui d'Argentan : la connaissance des enquêteurs, des situations, des détenus, la solidarité des équipes au sein des tribunaux.

Cette mesure de fusion des TGI serait d'autant plus incompréhensible que la juridiction d'Argentan est l'une des plus réactives de France : ses délais d'attente et d'audience sont parmi les plus courts.

Ma question est plutôt un vœu, adressé au Gouvernement : que deux TGI soient conservés dans l'Orne – c'est une impérieuse nécessité –, de sorte qu'Argentan conserve la totalité de ses compétences.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je comprends votre inquiétude, monsieur le député, et je vais tenter, au nom de la garde des sceaux, de vous rassurer une nouvelle fois.

Je vous comprends d'autant mieux que j'ai le souvenir, lorsque j'étais maire d'une sous-préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, d'avoir appris un jour par une dépêche AFP la fermeture du tribunal d'instance de cette commune – Forcalquier. À l'époque, la garde des sceaux s'appelait Rachida Dati. Je sais donc les conséquences qu'une telle décision peut avoir sur un territoire, surtout lorsque fait défaut la consultation en amont que l'actuelle ministre a souhaité engager.

Vous le savez, le Premier ministre et la garde des sceaux ont lancé, en octobre dernier, cinq chantiers en vue de réformer profondément notre justice pour que, conformément à la volonté de tous, la justice soit rendue plus rapidement et plus efficacement. Parmi ces chantiers figurait l'adaptation de notre réseau judiciaire. Je suis conscient des inquiétudes qui sont alors nées, mais je crois que nous avons maintenant, concernant votre département comme le reste du pays, des éléments propres à rassurer chacun.

Acteurs de terrain et élus ont toujours été consultés, afin de faire émerger un diagnostic et des propositions très concrètes. Ces propositions ont ensuite été remises à la garde des sceaux, et c'est sur leur fondement que celle-ci a ouvert un cycle de concertations avec les représentants du monde de la justice, notamment les syndicats, les représentants des avocats et des magistrats et ceux des professions réglementées. J'insiste sur l'importance du choix de cette méthode : aucune décision n'a été prise par avance.

Il est ressorti de ces échanges les propositions que vous connaissez et que vous avez évoquées. Un projet de loi à ce sujet sera présenté par le Gouvernement d'ici à l'été. Les cours d'appel seront maintenues dans leurs compétences actuelles, et les tribunaux de grande instance seront préservés dans les mêmes conditions.

Les tribunaux d'instance demeureront là où ils sont implantés dans votre département. Ils seront organiquement rattachés au tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils se trouvent, afin d'améliorer leur gestion, et il est possible que les autorités de justice locales décident d'évolutions concernant non pas leur localisation, mais des spécialisations, et ce sur proposition des chefs de cour, après consultations locales. L'avantage serait de disposer, étant donné la difficulté du droit, de magistrats et d'équipes spécialisés, capables d'apporter toutes les réponses aux questions qui se poseront.

Je le répète, je veux vous rassurer au nom de la garde des sceaux : les tribunaux de grande instance d'Alençon et d'Argentan seront maintenus comme juridictions de plein exercice, avec leurs prérogatives. Rien ne changera avec l'adoption de la loi par cette assemblée puis par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. Merci, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse, qui va dans le bon sens.

Je tiens à préciser qu'Argentan accueille également l'un des plus importants centres de détention de France, comptant près de 630 places : cela nécessite un solide volet d'application des peines et la présence de deux juges d'application des peines à proximité. Ces missions exigent un dialogue constant avec le parquet, qui ne pourrait se tenir à distance en cas de délocalisation desdits juges. De même, il est impératif de conserver un juge d'instruction à Argentan, car la présence du centre de détention, avec ses violences, ses trafics, ses suicides, nécessite une politique pénale réactive, impliquant aussi l'ouverture d'informations.

Je réitère donc ma demande au Gouvernement, soutenu par les professionnels de justice, par les habitants et les élus argentanais : il est indispensable de conserver au tribunal d'Argentan l'ensemble de ses prérogatives actuelles. Nous serons vigilants à cet égard et continuerons de nous mobiliser à cette fin.

M. Fabien Di Filippo. Bravo !