15ème législature

Question N° 20350
de M. Sébastien Nadot (Non inscrit - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > politique extérieure

Titre > Note de la direction du renseignement militaire à déclassifier

Question publiée au JO le : 11/06/2019 page : 5262
Réponse publiée au JO le : 06/10/2020 page : 6833
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Sébastien Nadot alerte Mme la ministre des armées sur la note de la direction du renseignement militaire (DRM) datée du 25 septembre 2018 et révélée au grand public par des journalistes du média d'investigation Disclose le 15 avril 2019. Cette note de la DRM indique qu' « un bataillon supplémentaire de canons automoteurs Caesar avait été déployé à la frontière saoudo-yéménite, côté saoudien, portant à 48 le nombre de Caesar dans cette zone. (...). La DRM n'est cependant pas en mesure d'évaluer de manière précise le dispositif saoudien actuel à la frontière, du fait d'un manque de capteurs dans la zone ». En matière d'artillerie, la note précise que « le dispositif est appuyé par des pièces disposant d'une portée de 18 à 42 km : canons tractés 155 FH 70 et M-198, canons automoteurs Caesar, PLZ-45 et M109 (...) La DRM n'est pas en mesure de localiser précisément les pièces d'artillerie saoudiennes à la frontière en septembre 2018 » ; « À la date du 25 septembre 2018, une quarantaine de chars Leclerc émiriens sont observés en défense fixe de camps et de positions avancées dans l'Ouest, sur les quelques 70 chars déployés par les EAU dans le cadre de l'opération Redonner l'Espoir. Dans le cadre des opérations loyalistes et de la Coalition vers la ville portuaire d'al-Hudaydah, les Leclerc émiriens ne sont pas observés en première ligne. Ils sont néanmoins déployés sur l'emprise d'al-Khawkhah, à 115 kilomètres d'al Hudaydah ». Enfin, la note confirme que des nacelles de désignation laser Damoclès sont employées par les forces aériennes saoudiennes, et pourraient être employées au Yémen ; que de l' « artillerie de 155 mm (canon automoteur sur châssis camion à roues) CAESAR » bien que « non déployée au Yémen » est « présent côté saoudien à la frontière saoudo-yéménite (en défensive) » mais avec une « portée à 42 km (provinces du nord du Yémen) » ; que des frégates de « classe al-Madinah et Makkah » participent au « blocus naval » ou encore qu'un « avion-ravitailleur A330 MRTT opère au Yémen, probablement depuis la base de Jeddah (Arabie Saoudite) ». Interviewée par le journaliste Jean-Jacques Bourdin le 8 mai 2019, Mme la ministre a indiqué qu'elle n'avait « pas du tout l'habitude de commenter les notes qui sont classifiées », évitant ainsi d'avoir à répondre des contradictions que cette note faisait naître par rapport à de précédentes déclarations aux Français. De même, à la demande de Mme la secrétaire générale à la sécurité et la défense nationale, le président du tribunal administratif de Paris s'est plié à une demande de suppression unilatérale de la note de la DRM qui avait été produite par l'association ASER dans le cadre de son recours contre la décision portant refus de suspendre les exportations d'armes françaises aux pays engagés dans la guerre du Yémen ; au risque de violer le droit à un procès équitable. Personne ne saurait valablement contester la nécessité de couvrir du secret défense certaines informations ou certains faits dont la divulgation au public serait de nature à nuire à la sécurité de l'État et, de ce fait, aux citoyens. Il est ainsi normal que la justice puisse parfois se heurter à l'évocation du secret défense. Pour autant, un recours systématique au secret défense alors même que les informations sont connues du public, montre que le Gouvernent ne souhaite pas répondre de son inertie complice face aux horreurs de la guerre du Yémen. C'est également vouloir empêcher l'œuvre de justice en interdisant aux juges administratifs de se prononcer en toute connaissance de cause sur la légalité des exportations d'armes françaises. Cela est d'autant plus vrai que le secret a été publiquement révélé par des journalistes d'investigation dans le but légitime et nécessaire, dans une société démocratique, d'informer le public. En dépit de sa divulgation, il lui demande si le Gouvernement compte déclassifier la note de la DRM datée du 25 septembre 2018 et lever ainsi tout obstacle à la vérité sur le rôle de la France dans le conflit au Yémen.

Texte de la réponse

Le respect du secret de la défense nationale est une exigence au cœur de la préservation des intérêts fondamentaux de la Nation parmi lesquels figurent l'intégrité de son territoire mais aussi sa sécurité, les moyens de sa défense et de sa diplomatie et la forme républicaine de ses institutions. Il concourt également de façon très directe à la protection de nos forces. La violation de ce secret est donc un délit lourdement réprimé par le code pénal dans ses articles 413-10 et 413-11, quelle que soit la profession de ceux qui y participent. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, tout en haut de notre édifice normatif, précise que l'exercice des libertés d'expression et de la presse « comportant des devoirs et des responsabilités peut-être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ». Une compromission est donc toujours un sujet grave qui constitue une infraction pénale qui doit être investiguée et, le cas échéant, poursuivie, quand bien même elle aurait été commise par le biais de journalistes : il ne peut y avoir d'immunité pénale en cette matière. Il ne s'agit pas d'opposer liberté de la presse et secret de la défense nationale. En effet, les deux sont essentiels à la démocratie et à la sécurité. Mais la démocratie n'est pas la transparence absolue, c'est l'équilibre. Le ministère des armées a informé le procureur de la République de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, de la diffusion puis de la publication dans la presse, en avril 2019, de larges extraits de la note de la direction du renseignement militaire. La ministre des armées ne commentera pas une procédure judiciaire. Par ailleurs, le contenu de cette note ne peut être débattu, dès lors, qu'elle est, à ce jour, toujours protégée par le secret de la défense nationale, sauf à se livrer à une compromission. Cette note n'a vocation à être diffusée qu'aux personnes habilitées et ayant le besoin d'en connaître, c'est la loi. Elle est et restera classifiée tant que le besoin de protection des intérêts fondamentaux de la Nation l'imposera.