15ème législature

Question N° 2045
de M. Cédric Villani (La République en Marche - Essonne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > incarcération du mathématicien Tuna Altinel en Turquie

Question publiée au JO le : 12/06/2019
Réponse publiée au JO le : 12/06/2019 page : 5662

Texte de la question

Texte de la réponse

INCARCÉRATION DU MATHÉMATICIEN TUNA ALTINEL EN TURQUIE


M. le président. La parole est à M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, de plus en plus de voix s'élèvent en France pour dénoncer la répression subie par de nombreux universitaires turcs, poursuivis par la justice de leur pays pour avoir signé en 2016 une pétition pour la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC, UDI-I, FI, GDR et LT.)

Cette pétition dénonçait la violation des droits élémentaires des civils dans certaines provinces du Sud-Est de la Turquie à l'été 2015 et demandait la reprise des pourparlers pour la paix. À ce jour, près d'un tiers des 2 200 universitaires signataires de la pétition ont été poursuivis, notamment Mme Füsun Üstel, enseignante à la retraite de l'université francophone de Galatasaray, condamnée à quinze mois de prison ferme.

Dernier épisode en date, le 11 mai, c'est mon ancien collègue mathématicien, maître de conférences à l'université Lyon-I, Tuna Altinel, qui vient d'être incarcéré en Turquie dans l'attente de son procès. Il lui est reproché d'avoir participé à une réunion publique organisée légalement par l'association loi de 1901 Amitiés kurdes, le 21 février dernier, à Villeurbanne.

Fonctionnaire de la République française, de nationalité turque, Tuna Altinel réside et travaille à Lyon depuis 1996. Depuis un mois, des milliers de personnes, dont des élus, universitaires, membres d'associations et de syndicats, s'indignent du sort qui lui est réservé. Mes chers collègues, vous avez été un bon nombre – je vous en remercie – à ajouter vos noms aux quelque 5 500 signataires d'une pétition lancée le 23 mai dernier pour demander sa libération.

Tuna Altinel connaît les risques de son engagement. Peu après son incarcération, il écrivait : « Chers amis, j'ai le moral [...]. Quoi qu'il arrive, dehors ou dedans, nous continuerons notre chemin. Jusqu'à ce que la paix soit établie et la démocratie instaurée. »

Monsieur le ministre, que compte faire la France, pays des droits de l'homme, fervent défenseur de la démocratie et de la liberté d'expression, en soutien de ces courageux universitaires incarcérés en Turquie pour avoir défendu des libertés que nous chérissons tant ? (Applaudissements sur tous les bancs. - Les députés des groupes LaREM, MODEM, UDI-I, LT, SOC, GDR et FI se lèvent et continuent d'applaudir.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Vallini,…

M. Éric Straumann. C'est l'ancien monde !

M. Pierre Cordier. Vallini, c'était votre ancien collègue, celui qui voulait tuer les départements !

M. le président. S'il vous plaît !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Désolé, c'est l'émotion. Monsieur Villani, nous sommes très soucieux de la situation de M. Altinel, votre collègue mathématicien, enseignant à l'université Lyon-I, qui est toujours placé en détention provisoire, dans l'attente de son procès, et de celle de Mme Üstel, qui n'a pas obtenu sa mise en liberté sous contrôle judiciaire, après sa condamnation à quinze mois de prison.

Nous nous soucions aussi beaucoup des procédures qui touchent les universitaires favorables à la paix, dont un grand nombre appartiennent à l'université Galatasaray,…

M. Guy Teissier. Chrétienne !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …laquelle fut créée par un accord franco-turc pour renforcer notre coopération en matière d'enseignement supérieur.

Nous sommes préoccupés, nous ne cachons pas nos inquiétudes aux autorités turques et nous ne réduisons pas nos démarches. Le Président de la République lui-même s'est entretenu à ce sujet avec le Président Erdogan. De son côté, Mme Vidal a saisi son homologue. Pour ma part, je me rendrai dans quelques jours à Ankara, où j'aurai l'occasion d'aborder moi-même la question avec les autorités turques.

Les principes sont essentiels : il faut affirmer la liberté d'expression ; il faut affirmer la liberté universitaire. Souhaitons que la Turquie, partie à la Convention européenne des droits de l'homme et signataire d'autres engagements relatifs aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, respecte ses obligations. Croyez bien que notre vigilance est totale et que nous mettons tout en œuvre pour obtenir les libérations que vous souhaitez. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)