Encadrement des expérimentations zootechniques
Question de : M. Jacques Marilossian (Ile-de-France - La République en Marche)
M. Jacques Marilossian attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur l'usage abusif des expérimentations zootechniques. L'association de défense des animaux L214 a révélé récemment une enquête tournée dans une station expérimentale de l'entreprise d'alimentation animale Sanders, filiale du groupe Avril. Les images filmées montrent des vaches avec un « hublot » en plastique d'une quinzaine de centimètres sur le flanc permettant d'étudier leur digestion. Ces observations du rumen des vaches par des canules posées à vie sont particulièrement choquantes. Selon l'association, ce type d'expérimentation cause de graves problèmes de santé aux animaux d'élevage : déficiences pulmonaires ou cardiaques, inflammations de la peau, boiteries etc. Contacté par la presse, le président du centre en Auvergne-Rhône-Alpes de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), Jean-Baptiste Coulon, justifie ces pratiques par plusieurs objectifs dont le premier est l'optimisation de l'apport alimentaire des animaux. Selon l'article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime, « les expériences biologiques médicales et scientifiques doivent être limitées aux cas de stricte nécessité ». Or il semble difficile de concevoir l'optimisation de la productivité des animaux comme un cas de stricte nécessité. Si l'INRA étudie d'autres techniques, comme des capteurs avalés dans le tube digestif animal, celles-ci resteraient moins efficaces, selon Jean-Baptiste Coulon, que l'observation directe du rumen permise par un « hublot ». Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement envisage de renforcer l'encadrement des expérimentations zootechniques afin d'interdire les recherches privées ou publiques visant à optimiser la productivité des animaux d'élevage.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
M. Jacques Marilossian interroge Madame la ministre chargée de la recherche sur les expérimentations zootechniques réalisées dans le but d'augmenter les performances des animaux d'élevage, suite aux activités d'une association de défense des animaux dénonçant les « animaux porteurs de hublots », dispositif permettant d'avoir accès au système digestif d'un ruminant. Les applications des travaux réalisés sur animaux canulés au cours des 40 dernières années ne sont pas restreintes à une augmentation de productivité. Elles concernent notamment : 1) la détermination des apports alimentaires par la ration, en particulier de l'azote, pour mieux nourrir les ruminants et répondre à leurs besoins alimentaires : l'alimentation actuelle des ruminants en France et dans de nombreux pays d'Europe découle de ces études ; 2) la maîtrise des dysfonctionnements du rumen qui peuvent affecter la santé des ruminants, contribuant au bien-être des animaux en élevage ; 3) L'amélioration de la qualité nutritionnelle du lait et de la viande pour l'alimentation humaine ; 4) la maîtrise des rejets vers l'environnement, en particulier la réduction des émissions de méthane, qui est réel enjeu de politique environnementale. Cette pratique expérimentale est par ailleurs encadrée à différents niveaux : - La pose de canule est un acte chirurgical, réalisé dans un bloc opératoire spécifique agréé. L'acte chirurgical est pratiqué par des personnes compétentes et formées à la chirurgie expérimentale. La douleur est prise en charge et les animaux font l'objet d'une surveillance post-opératoire rapprochée. Ils se relèvent et recommencent à manger immédiatement, ce qui suggère une douleur minime. Suite à l'opération, les animaux sont conduits en stabulation ou au pré et font l'objet d'un suivi attentif de la part de personnes affectées au soin et à l'hébergement des animaux expérimentaux. - La technique chirurgicale utilisée est décrite en détail dans le cadre d'un projet de recherche identifiant précisément l'objectif scientifique à atteindre. Le projet est autorisé par le ministère chargé de la recherche suite à une évaluation réalisée par un comité d'éthique (balance coût-bénéfice eu égard à l'objectif scientifique du projet). Il est à souligner que les résultats scientifiques dépendent fortement de la qualité de vie des animaux. Aussi est-il indispensable que les animaux expérimentaux aient un comportement et un état sanitaire identiques à ceux des animaux d'élevage, non canulés. Leurs performances de production sont semblables, les troubles sanitaires observés sont légèrement moins nombreux chez les vaches porteuses de canules et leur longévité est plus grande que celle des animaux d'élevage. Les animaux mangent autant avant et après la pose de canules, et digèrent de la même manière. Ils passent autant de temps à ruminer, et l'on sait que la rumination se fait à des moments où l'animal est tranquille (elle est interrompue si l'animal est inquiet ou perturbé). Les animaux canulés sont couchés aussi longtemps et se reproduisent de la même manière que leurs congénères. Ceci suggère que les conditions de vie de ces animaux n'entrainent ni douleur, ni mal-être à long terme et que la principale contrainte imposée à ces animaux expérimentaux est celle liée à la chirurgie. En résumé, pour produire les connaissances scientifiques nécessaires à l'amélioration de la santé et du bien-être des animaux, à la préservation de l'environnement et réduction de l'émission des gaz à effet de serre, des études sur la digestion des aliments par les ruminants sont indispensables. Afin de s'affranchir progressivement de l'utilisation d'animaux porteurs de canules, un plan de développement de méthodes alternatives a été engagé. Dans la période transitoire, l'utilisation d'un petit nombre d'animaux porteurs de canules reste nécessaire. Elle est conduite avec une attention particulière aux conditions opératoires et post-opératoires des animaux, à leur qualité de vie, de santé et de bien-être, et dans le strict respect de la réglementation.
Auteur : M. Jacques Marilossian (Ile-de-France - La République en Marche)
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Dates :
Question publiée le 25 juin 2019
Réponse publiée le 8 septembre 2020