Question au Gouvernement n° 2106 :
indemnisation des emprunteurs contestant en justice le calcul de leurs taux d'intérêt

15e Législature

Question de : M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 27 juin 2019


INDEMNISATION DES EMPRUNTEURS CONTESTANT EN JUSTICE LE CALCUL DE LEUR TAUX D'INTÉRÊT

M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le projet d'ordonnance qui prévoit de limiter l'indemnisation des emprunteurs contestant en justice le calcul de leur taux d'intérêt par les banques ou les organismes de crédit suscite les protestations des associations de consommateurs, ainsi que de nombreuses critiques de la presse spécialisée.

Depuis 2016, l'offre de prêt immobilier doit obligatoirement afficher le taux annuel effectif global – TAEG –, qui englobe non seulement les intérêts, mais aussi les taxes, frais, rémunérations et autres commissions, ainsi que les assurances. Le calcul de ce taux est complexe, mais c'est le seul critère qui permet à l'emprunteur de comparer deux offres, et donc de faire jouer la concurrence, tout en se protégeant des taux usuraires.

De très nombreux contrats seraient ainsi concernés par ces erreurs en faveur de la banque, avec, par exemple, l'absence d'intégration de frais, pourtant obligatoire.

Ces dernières années, environ 15 000 emprunteurs ont lancé des procédures judiciaires contre leur banque. Des milliers de plaignants ont obtenu gain de cause, et donc une diminution significative du coût de leur prêt puisque le juge peut décider d'annuler tout ou partie des intérêts.

L'ordonnance de 2016 avait prévu des sanctions dissuasives pour les établissements, afin de les contraindre à se conformer aux obligations légales et ainsi protéger le consommateur. Or, selon votre projet d'ordonnance, monsieur le ministre, si le juge reconnaît une faute de la banque, l'indemnisation maximale du client sera plafonnée à 30 % de la charge d'intérêt seulement ; la mesure serait, de surcroît, rétroactive, retirant aux emprunteurs lésés leur droit à réparation dans les affaires en cours.

Dans un contexte de tensions exacerbées où nos concitoyens attendent de nous des mesures justes et protectrices, le groupe MODEM et apparentés réaffirme la nécessité pour cette ordonnance de présenter un juste équilibre entre les intérêts du consommateur et ceux des établissements bancaires et de crédit.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de ce projet à la lumière des concertations que vous menez actuellement ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Permettez-moi d'excuser l'absence de M. Bruno Le Maire, actuellement en voyage officiel au Japon.

Sur le fondement de l'habilitation qui lui a été donnée par l'article 55 de la loi pour un État au service d'une société de confiance, le Gouvernement travaille, en effet, à un projet d'ordonnance procédant à l'harmonisation des sanctions civiles applicables lorsque le taux effectif global applicable aux prêts bancaires est erroné ou absent du contrat de crédit.

Cette réforme, qui fait suite à un rapport d'Emmanuel Constans, vise à encadrer le pouvoir de sanction du juge civil. La politique de sanction des juridictions en ce domaine est, en effet, marquée par une certaine hétérogénéité, qui pouvait parfois conduire au prononcé de sanctions qui ont pu apparaître importantes, par exemple la déchéance intégrale du droit à intérêts de la banque.

Une première version du projet d'ordonnance, soumise à consultation, proposait de plafonner la sanction civile à 30 % des intérêts, comme vous le mentionniez. Cela aurait permis une harmonisation avec la sanction applicable en cas d'erreur ou d'omission dans la documentation de crédit précontractuelle. La consultation conduite par le Gouvernement a toutefois démontré qu'il était délicat de fixer un tel plafond, en raison de possibles effets indésirables. Pour certains, ce plafond aurait pu limiter le caractère dissuasif de la sanction prononcée par le juge, et, par suite, la protection offerte au consommateur. D'autres ont craint que ce plafond ne se mue en barème appliqué de manière quasi-automatique par le juge.

Au terme de la consultation, le Gouvernement propose finalement de ne pas fixer de plafond de sanction. L'ordonnance, dont la rédaction est en cours d'achèvement, procédera toutefois à une modernisation utile du dispositif de sanction de telles erreurs, en prévoyant notamment que la sanction doit être proportionnée au préjudice effectivement subi par l'emprunteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Latombe

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 juin 2019

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