Rubrique > politique extérieure
Titre > Sonia Jebali, voilà le visage du libre échange ?
M. François Ruffin alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation de Mme Sonia Jebali, qui observe une grève de la faim à Tunis. Son corps agonise lentement, sa voix faiblit de jour en jour, une situation aggravée par sa maladie auto-immune. C'est de l'autre côté de la Méditerranée, certes, mais la France a une responsabilité dans le drame de cette femme ; une femme qui, M. le député le pense, devrait rester dans l'histoire comme une héroïne, une héroïne qui s'est dressée face à une firme, une firme française. Qui est Sonia ? En mars 2011, avec sa collègue Monia, deux ouvrières, elles fondent un syndicat chez Latelec, une filiale de l'avionneur français Latécoère. Jusqu'alors, dans cette usine, les salariés survivaient dans la misère, main-d'œuvre peu coûteuse et corvéable. Dès lors, les conquêtes sociales se multiplient : encadrement des heures supplémentaires, quinze jours de congés payés, 30 % d'augmentation de salaire... Leur exemple menace alors d'être contagieux. Comment réagit Latécoère, fournisseur d'Airbus ? En relocalisant, très temporairement, la production à Toulouse, le temps de licencier par centaines les syndiquées. Les pièces purent revenir à Tunis, dans un site désormais nettoyé de tout syndicat. Sonia baissa-t-elle les bras ? Non, elle entreprit une longue marche pour sa réintégration, pour celle de ses camarades. Elle mena la bataille dans le monde entier, ralliant les soutiens depuis l'usine Dassault d'Argenteuil jusqu'aux filiales brésiliennes du groupe. Inédit en Tunisie, cet internationalisme permit le retour dans l'usine de six syndicalistes licenciées. Six sur dix. Mais pas elle, pas sa copine Monia, pas les deux fers de lance du combat. Elle se lança alors dans une grève de la faim, et après vingt-sept jours de jeûne, deux syndicalistes purent revenir. Mais pas elle, pas sa copine Monia. Pour elle et son adjointe, la firme n'offrit que des indemnités. Depuis cinq ans, malgré des recherches permanentes, Sonia n'a pas retrouvé de travail. Son nom est connu, son palmarès, gravé en lettres noires pour le patronat. Elle a perdu tout argent, et tout espoir. Depuis dix jours, Sonia, elle, ne s'alimente plus, poursuivant cette fabuleuse utopie : une embauche dans la fonction publique. La grave maladie auto-immune dont elle souffre accélère la dégradation de sa santé, la met d'ores et déjà en danger. Il est grand temps que la France prenne ses responsabilités. Il est temps que le Gouvernement interpelle Latécoère, sur le traitement infligé à son ex-ouvrière, ainsi qu'Airbus, dont l'État est actionnaire, sur les pratiques sociales de ses sous-traitants. Il est temps qu'il alerte ses homologues tunisiens, sur les libertés syndicales bafouées. Il est temps, enfin, que la France se préoccupe du sort d'une femme qui a sans relâche combattu pour l'humanité. À l'heure où les diplomates français négocient avec la Tunisie un « Accord de libre-échange complet et approfondi » (ALECA), faut-il voir dans le destin de Sonia Jebali un visage du libre-échange promu ? Tout le pouvoir aux multinationales, qui peuvent jongler entre les pays pour mieux écraser les femmes et les hommes qui se dressent face à leur puissance ? Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur ces questions.