15ème législature

Question N° 21594
de M. Alexis Corbière (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > politique extérieure

Titre > Présence de missiles français en Libye

Question publiée au JO le : 16/07/2019 page : 6573
Réponse publiée au JO le : 26/05/2020 page : 3664

Texte de la question

M. Alexis Corbière attire l'attention de Mme la ministre des armées sur l'implication militaire de la France en Libye, dont la situation politique ne cesse de se dégrader. Depuis l'intervention militaire française en 2011, décidée par Nicolas Sarkozy, la Libye et l'ensemble de la région sahélo-saharienne pâtissent d'une déstabilisation durable alimentée par la circulation massive d'armes de guerre dans le sous-continent. Deux forces politiques se disputent aujourd'hui la légitimité à gouverner sur fond de guerre civile. Le 4 avril 2019, le maréchal Haftar a appelé « à marcher sur Tripoli », placée sous l'autorité du Gouvernement d'Union Nationale dirigé par Faiez Sarraj et reconnu par l'Organisation des Nations unies. Dans cette situation, le positionnement français est confus et chargé de contradictions. Si Paris a publiquement désapprouvé le recours à la violence en Libye, et en particulier depuis l'offensive du 4 avril 2019, un doute plane sur la réalité des intentions françaises. En effet, le 14 avril 2019, un convoi français transportant un important arsenal fut intercepté à la frontière entre la Libye et la Tunisie. Plus récemment, dans son édition du 9 juillet 2019, le New York Times a révélé que des missiles Javelin achetés par la France aux États-Unis avaient été retrouvés en juin 2019 en possession des forces du maréchal Haftar. Cela jette un doute sérieux sur le respect par la France de l'embargo décrété par les Nations unies sur les armes en Libye. Ce blocus est pourtant, selon les termes du secrétaire général de l'ONU, « d'une importance cruciale pour la protection des civils et le rétablissement de la sécurité et de la stabilité en Libye et dans la région ». À cela, les autorités françaises rétorquent, comme seule réponse, que ces missiles auraient été destinés à la protection d'un détachement des services de renseignement et qu'ils seraient hors d'usage. Il apparaît dès lors pour le moins paradoxal que ces armes aient été stockées avec des missiles opérationnels dans une base du maréchal Haftar. Par ces actions, le risque est d'aboutir, une énième fois, à une aggravation des tensions régionales. La diplomatie française ne doit pas chercher la déstabilisation mais en premier lieu la cohérence. Elle doit contribuer à la construction de la paix conformément à l'exigence de la protection de la souveraineté des peuples et de la défense des ressortissants. Il l'interroge donc sur la nature de l'action de la France au regard des engagements internationaux qu'elle a ratifiés.

Texte de la réponse

La France soutient pleinement le Gouvernement d'entente nationale libyen reconnu par la Communauté internationale avec lequel elle entretient des échanges étroits. Elle veille également à maintenir le dialogue avec l'ensemble des acteurs politiques et sécuritaires libyens afin de travailler à une proposition de sortie de crise. La voie pour y parvenir ne peut être que politique et non militaire. La France a donc soutenu l'organisation de la conférence de Berlin et ses conclusions. Par ailleurs, nos objectifs fondamentaux sont bien connus en Libye : la sécurité et la stabilité régionales, la lutte contre l'immigration clandestine et la lutte contre le terrorisme. C'est pourquoi nous soutenons la lutte de toutes les forces engagées contre le terrorisme en Libye, aussi bien en Tripolitaine qu'en Cyrénaïque et, d'une façon plus large, au Sahel. Il y a eu une dizaine d'attaques meurtrières de Daech en Libye depuis janvier 2019. La Libye est à moins de 2 000 kilomètres de Paris, et 1 000 kilomètres d'Ajaccio. Le ministère des armées compte parmi ses missions cardinales la protection des Français et ne peut rester inactif face aux menaces de groupes terroristes comme Daech ou Al Qaida. Le convoi auquel il est fait référence correspond à l'un des déplacements que l'Ambassade de France pour la Libye organisait régulièrement entre Tunis et Tripoli, tant qu'elle gardait une présence permanente dans la capitale libyenne. Il s'est fait par la route après le déclenchement des affrontements en Tripolitaine, qui rendaient alors difficile l'utilisation de l'aéroport de Mitiga. Il concernait les membres du détachement qui assurait officiellement la sécurité de l'Ambassadrice de France en Libye. Ce déplacement a été aussi organisé en concertation avec les autorités tunisiennes. Des contrôles de routine ont été effectués au passage de la frontière entre la Libye et la Tunisie, afin de dresser un inventaire des équipements de ce détachement, qui a poursuivi sa route. Les missiles, de type Javelin, trouvés dans la localité de Gharyan, appartiennent effectivement aux armées françaises, qui les avaient achetés aux États-Unis. Ils étaient exclusivement destinés à l'autoprotection d'un détachement français déployé pour assurer des missions de renseignement en matière de contre-terrorisme. Parce qu'ils étaient endommagés et hors d'usage, ils ont été temporairement stockés dans un dépôt, en vue de leur destruction. Ces armes, n'étaient donc pas concernées par de quelconques restrictions d'importations en Libye où un embargo a été décidé par les Nations Unies. La France a toujours respecté l'embargo sur les armes, imposé à la Libye par l'ONU depuis 2011. Elle y contribue dans le cadre de l'opération Sophia (le suivi de l'embargo est une tâche « supplémentaire »), qui a connu depuis des modifications de son mandat et a été rebaptisée IRINI. La France a indiqué sa disposition à contribuer à cette opération. Elle rappelle régulièrement, comme le 19 janvier lors du sommet de Berlin, l'importance de faire respecter cet embargo par l'ensemble des différents protagonistes libyens et acteurs internationaux impliqués dans ce dossier alors que le blocage politique et le statu quo militaire favorisent la résurgence de Daech et de groupes criminels.