15ème législature

Question N° 219
de M. François André (La République en Marche - Ille-et-Vilaine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur (Mme la ministre auprès du ministre d'État)
Ministère attributaire > Intérieur (Mme la ministre auprès du ministre d'État)

Rubrique > eau et assainissement

Titre > Transfert de la compétence eau potable et solde des budget annexes communaux

Question publiée au JO le : 20/03/2018
Réponse publiée au JO le : 28/03/2018 page : 2130

Texte de la question

M. François André attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la problématique des modalités financières qui s'attachent aux transferts de compétences des communes vers les EPCI dans le cadre de la loi NOTRe. La question concerne particulièrement le transfert des résultats cumulés des budget annexes eau potable. Aux termes des articles L. 1412-1, L2221-1 et 4 du CGCT, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut gérer un SPIC sous la forme de régie dotée de la seule autonomie financière. Les articles L. 2224-1 et 2 disposent que ces opérations sont retracées au sein de budgets annexes qui doivent être équilibrés en recettes et en dépenses sans recours au budget principal. De plus, dans le cadre d'un transfert de compétence, l'article 1321-2 dispose que la mise en disposition des biens et la constatation des engagements relevant d'une compétence s'effectue au moyen d'un procès-verbal établi contradictoirement entre les deux collectivités. Il recouvre les biens meubles, immeubles, les droits et obligations dévolus à la compétence, tel que constaté à la date du transfert. Reste à définir si le solde du budget annexe est constitutif d'un droit ou bien meuble, auquel cas sous couvert d'accord entre les parties sur sa répartition, au moins une partie du solde devrait être transférée. La loi n'imposerait pas de transfert de ces sommes, sans l'interdire formellement. Il était jusqu'à présent considéré de façon constante par les autorités ministérielles (réponse n° 15134 du 23/04/13 de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique) que les soldes des budgets annexes, qu'ils soient positifs ou non, devaient être transférés en même temps que l'exercice de la compétence et ce d'autant plus que ces soldes résultent du financement assuré par les usagers de ces services. Or un arrêt récent du Conseil d'État n° 386623 « La Motte-Ternant » du 25 mars 2016 pose le principe qu'un solde du budget annexe ne constitue pas un bien nécessaire à l'exercice d'un service public, ni un ensemble de droits et obligations qui lui serait attaché. En conséquence, le transfert de la trésorerie ne s'impose pas et laisse donc la possibilité d'un accord amiable sur les modalités de la répartition des soldes. Cette jurisprudence et l'absence de transfert d'excédent posent problème. Cet excédent est financé par les usager d'une commune sur leur facture d'eau et doit donc continuer de servir à financer les dépenses liées à l'eau sur le territoire de la commune. L'absence de transfert pourrait même amener certains EPCI à emprunter ou augmenter les tarifs en vue de réaliser les travaux nécessaires : cela reviendrait à faire payer une seconde fois les usagers de la commune pour le même objet. Cela serait contraire au CGCT : la facture d'eau initialement réglée par les usagers sous le régime communal pouvant dorénavant servir à financer tout autre dépense. Ainsi, il souhaite connaître les suites qui pourront être données au sujet de la problématique du transfert de la compétence eau potable et du solde des budgets annexes communaux.

Texte de la réponse

TRANSFERT DE LA COMPÉTENCE « EAU POTABLE » ET SOLDE DES BUDGETS ANNEXES COMMUNAUX


M. le président. La parole est à M. François André, pour exposer sa question, n°  219, relative au transfert de la compétence « eau potable » et au solde des budgets annexes communaux.

M. François André. Ma question concerne les modalités financières qui s'attachent aux transferts de compétences des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale – les EPCI – dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », et plus particulièrement au transfert des résultats cumulés des budgets annexes « eau potable » – les soldes budgétaires en quelque sorte. Une commune peut gérer un service public industriel et commercial sous la forme d'une régie dotée d'une autonomie financière. Ces opérations sont retracées au sein de budgets annexes qui doivent être équilibrés sans recours au budget principal.

Dans le cadre d'un transfert de compétences, la mise à disposition des biens recouvre les biens meubles, immeubles et les droits et obligations dévolus à la compétence, tel que constaté à la date du transfert. Reste à définir si le solde du budget annexe – en excédent ou en déficit – est constitutif d'un droit ou d'un bien meuble, auquel cas, sous couvert d'accord entre les parties sur sa répartition, au moins une partie devrait en être transférée.

Il était jusqu'à présent considéré de façon constante par les autorités ministérielles que les soldes des budgets annexes, qu'ils soient positifs ou non, devaient être transférés en même temps que l'exercice de la compétence. Or, un arrêt récent du Conseil d’État, dit « La Motte-Ternant », du 25 mars 2016 pose le principe que le solde du budget annexe ne constitue pas un bien nécessaire à l'exercice d'un service public. En conséquence, le transfert de la trésorerie ne s'impose pas, ce qui laisse donc ouverte la possibilité d'un accord amiable sur les modalités de la répartition des soldes. Cette jurisprudence pose question.

D'abord, cet excédent est financé par les usagers d'une commune sur leur facture d'eau et doit donc continuer de servir à financer les dépenses liées à l'eau et elles seules. Ensuite, l'absence de transfert du solde pourrait amener demain certains EPCI ayant hérité de la compétence à emprunter ou à augmenter les tarifs en vue de réaliser les investissements nécessaires, ce qui reviendrait à faire payer une seconde fois les usagers de la commune pour le même objet. Aussi, je souhaiterais connaître l'interprétation que le Gouvernement donne du droit en la matière et savoir si, de son point de vue, une clarification ne s'imposerait pas, afin que les redevances des usagers demeurent affectées au financement du service concerné et ne viennent pas indûment alimenter, à la faveur du transfert de compétences, les budgets généraux les communes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, le charme des questions orales sans débat est que l'on descend à des niveaux qui pourraient paraître très techniques, mais qui, pour ceux qui ont comme vous l'expérience du terrain, relèvent de problématiques qui se posent aux élus de façon très régulière. Je tiens à vous rappeler la volonté du Gouvernement de laisser plus de liberté aux territoires pour s'organiser, avec l'aide du Parlement. C'est ainsi qu'une proposition de loi, qui sera prochainement en discussion au Sénat, a été adoptée par cette assemblée le 31 janvier dernier, sur la question du transfert automatique de l'eau et de l'assainissement, avec une double échéance. Il est essentiel que ce soient les élus locaux qui puissent décider de ce qui est bon ou pas pour leur territoire.

Vous me demandez de vous donner la lecture du droit que fait le Gouvernement. Sachez qu'il se plie bien évidemment, pour l'analyse juridique, à la haute autorité qu'est le Conseil d’État, selon lequel le transfert n'est aujourd'hui pas obligatoire. Une évolution législative pourrait conduire le Conseil d’État à se prononcer différemment, mais ce n'est pas ce qui est prévu, notamment dans le texte actuel de la proposition de loi que j'évoquais.

S'agissant de ce transfert, le Conseil d’État apporte deux précisions. Il n'interdit pas qu'un accord entre les représentants des communes et ceux de l'EPCI ait lieu pour obtenir le transfert des montants évoqués. Par ailleurs, vous avez dans votre question une approche positive :…

M. François André. Toujours !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. …celle d'un crédit. On peut cependant imaginer la situation inverse, avec un transfert négatif pour l'EPCI. Aucun amendement tendant à rendre obligatoire le transfert des crédits afférents, en positif ou en négatif, n'avait été retenu, de crainte que cela ne bloque le système. Nous pensons, au nom de la liberté, que la discussion pour définir les transferts doit avoir lieu entre les communes et les EPCI.

Pour conclure, sachez, monsieur le député, que le Gouvernement a fait de la gestion du petit cycle de l'eau l'une de ses priorités. J'en prends pour preuve la tenue prochaine des assises de l'eau. La phase de concertation au cours de laquelle sont associés des élus locaux et des professionnels du secteur ne manquera pas d'apporter des solutions concrètes adaptées qui seront, je l'espère, à la hauteur de vos attentes et de celles de nos concitoyens, et qui nous conduiront peut-être à proposer une évolution législative qui permettra au Conseil d’État d'interpréter différemment la règle de droit s'appliquant aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. François André.

M. François André. Je comprends parfaitement l'interprétation que vient de donner M. le secrétaire d'État de la loi et surtout de la jurisprudence. Je crains néanmoins que d'ici au transfert, rendu possible jusqu'en 2026, si la proposition de loi est adoptée, nous ne soyons confrontés à des discussions picrocholines entre les EPCI et les communes membres.

Je me demande si des précisions d'ordre réglementaire ne pourraient pas être apportées afin que l'usager de l'eau n'en vienne pas à payer deux fois les investissements : la première au titre des redevances passées ayant donné lieu à des excédents ; la seconde par les EPCI héritiers de la compétence, qui seraient conduits à augmenter la redevance.