Anglicisation de l'enseignement supérieur français
Question de :
M. Bruno Fuchs
Haut-Rhin (6e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Bruno Fuchs attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les risques pour la francophonie que représente l'anglicisation excessive de l'enseignement supérieur. La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, comptait parmi ses objectifs d'autoriser l'enseignement de cours en anglais à l'université. Son application a en pratique permis de reléguer le français au second plan, derrière l'anglais, dans certains cursus d'excellence scientifique. D'après l'organisme public Campus France, sur 1 198 programmes d'enseignement supérieurs dispensés en France en anglais exclusivement, 442 débouchent sur un diplôme d'État français de grade master. Il apparaît paradoxal, au vu des progrès récents des technologies de traduction automatique, d'encourager, par un tel nombre de diplômes anglophones, une prédation de la francophonie dans le milieu scientifique universitaire qui n'a pas attendu ces réformes, et s'opère au quotidien à l'international. Dès lors, un paradoxe se pose à l'État, entre une volonté de protéger l'usage de la langue française dans le monde, et la nécessité de maintenir son enseignement supérieur dans la modernité de la communauté scientifique internationale. Il l'interroge sur la position du Gouvernement quant à l'avenir de l'anglicisation de l'enseignement supérieur, et plus particulièrement du domaine scientifique.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
Si la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, article 2, permet dorénavant des enseignements en langue étrangère, elle réaffirme en premier lieu que « la langue de l'enseignement, des examens et des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français ». Elle fixe un cadre aux dérogations possibles qui doivent être justifiées, et précise, qu'en tout état de cause, les formations d'enseignement supérieur ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangère. L'application de cet article donne à la procédure d'accréditation la charge de fixer la proportion des enseignements à dispenser en français dans une formation partiellement dispensée en langue étrangère. A cet égard, la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) avait décidé, après consultation du comité de suivi master en 2016, de fixer le pourcentage minimum d'enseignement en langue française dans les formations dispensées en langue étrangère. Tout étudiant doit pouvoir bénéficier d'enseignements en langue française correspondant à au moins 10 % du cursus complet soit 12 crédits ECTS pour le cursus master et 18 crédits ECTS pour le cursus licence. L'ensemble des établissements français a fait l'objet d'une accréditation en vue de la délivrance des diplômes nationaux entre 2015 et 2019. A cette occasion, il apparait que les formations restent très largement dispensées en français et celles intégralement en langue étrangère sont des exceptions. Ces exceptions sont justifiées par les accords internationaux conclus par les établissements mais également par la volonté de mieux armer les étudiants français dans la compétition internationale, surtout dans certains secteurs disciplinaires. Le dialogue contractuel a permis de vérifier l'application de la loi, d'en rappeler les termes auprès des établissements qui affichaient des formations intégralement en langue étrangère. Des recommandations ont été inscrites dans les contrats quinquennaux. Il s'agissait dans la grande majorité des cas des formations dédiées aux étudiants internationaux pour lesquels des cours de FLE (français langue étrangère) sont proposés. Rappelons que pour ces cursus, une circulaire du ministère s'appuyant, sur l'article L.121-3 du code de l'éducation, demande aux établissements de renforcer le volet connaissance de la langue et de la culture françaises et incite fortement à délivrer en fin de cursus une certification de pratique de la langue française. Par ailleurs, les formations conduisant à la délivrance d'un diplôme qui confère le grade de master doivent permettre la maîtrise d'une langue vivante étrangère conformément au cadre européen commun de référence pour les langues. S'agissant plus précisément des diplômes d'ingénieurs ou des diplômes d'écoles de commerce, conférant un grade universitaire, les instances d'évaluation s'assurent de la mise en place d'un apprentissage multiculturel et notamment linguistique permettant aux futurs diplômés de développer des capacités à travailler dans un contexte international. Le niveau C1 du cadre européen de référence pour les langues est souhaitable pour les diplômés ingénieurs et le niveau B2 est le minimum. De même, le diplôme d'ingénieur est attribué à un étudiant non francophone sous réserve qu'il ait validé ce même niveau de compétence en langue française. Les écoles de commerce sont également invitées à organiser l'intégration des étudiants étrangers et à promouvoir la langue et la culture française dans les programmes. De plus, la DGESIP est attachée à ce que les intitulés de diplômes autorisés par le ministère chargé de l'enseignement supérieur comportent une dénomination en français. Enfin, le plan « Bienvenue en France », mis en place dans le cadre du déploiement de la stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux, soutient l'enseignement du français langue étrangère (FLE) par le biais du « fonds Bienvenue en France » (10 M€) et grâce au « label Bienvenue en France », délivré aux établissements qui s'engagent dans l'amélioration de l'accueil des étudiants étrangers, notamment par la qualité de leur enseignement en FLE.
Auteur : M. Bruno Fuchs
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Dates :
Question publiée le 30 juillet 2019
Réponse publiée le 8 septembre 2020