Exception d'inconventionnalité
Question de :
M. Guillaume Larrivé
Yonne (1re circonscription) - Les Républicains
M. Guillaume Larrivé demande à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, si, à l'exemple de la procédure prévue pour les exceptions d'inconstitutionnalité, il ne lui apparaît pas nécessaire de créer un mécanisme de filtre permettant de réserver aux cours suprêmes des ordres judiciaire et administratif la faculté de déclarer inconventionnelles des dispositions législatives.
Réponse publiée le 2 juin 2020
Les contrôles de constitutionnalité et de conventionalité des lois se distinguent à bien des égards l'un de l'autre, bien qu'ils constituent tous deux des instruments permettant aux juges d'assurer le respect de la hiérarchie des normes. En premier lieu, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il ne lui appartenait pas d'examiner la conformité de la loi avec les engagements internationaux de la France (décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse). Un tel contrôle est effectué par les juges de droit commun : le juge judiciaire (C.cass., 24 mai 1975, Société des Café Jacques Vabre, n° 73-13556) et le juge administratif (CE, 20 octobre 1989, Nicolo, n° 108243). Cette répartition des compétences a été confortée par la Cour de justice des communautés européennes qui a affirmé que les juridictions nationales devaient assurer la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux (CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal). En deuxième lieu, le contrôle effectué dans le cadre du contrôle de la conventionalité et celui que permet le mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sont d'une nature profondément différente. En effet, le contrôle de conventionalité est un contrôle par voie d'exception avec un effet inter partes : la disposition législative inconventionnelle devient inapplicable au litige, mais elle est maintenue dans l'ordonnancement juridique. En revanche, la QPC constitue une procédure juridictionnelle produisant un effet erga omnes, permettant au justiciable d'obtenir l'abrogation d'une disposition législative jugée non conforme à la Constitution. Dans le cadre de la QPC, l'instauration d'un mécanisme de filtre au sein des deux ordres juridictionnels est apparu nécessaire afin d'éviter le ralentissement des procédures en cours et l'asphyxie des juridictions, en particulier le Conseil constitutionnel. Les enjeux ne sauraient être regardés comme étant les mêmes dans le cadre du contrôle de conventionalité, dès lors notamment qu'un appel ou un pourvoi en cassation sont susceptibles de permettre de faire reconnaître une éventuelle erreur de droit du juge de première instance ou d'appel dont la portée, en tout état de cause, reste circonscrite au litige en cause, sans emporter d'effet général. Pour l'ensemble de ces raisons, nous n'envisageons pas la création d'un mécanisme du filtre de la conventionalité sur le modèle de la QPC auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation
Auteur : M. Guillaume Larrivé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 6 août 2019
Réponse publiée le 2 juin 2020