15ème législature

Question N° 2235
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Rubrique > enseignement

Titre > SUICIDES DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

Question publiée au JO le : 02/10/2019
Réponse publiée au JO le : 02/10/2019 page : 8297

Texte de la question

Texte de la réponse

SUICIDES DANS L'ÉDUCATION NATIONALE


M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. « Aujourd'hui, samedi, je me suis réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée après seulement trois semaines de rentrée. Les soucis depuis bien avant la rentrée se sont accumulés, c'est le sort de tous les directeurs malheureusement. La succession d'inspecteurs qui passe à Pantin ne se rend pas compte à quel point tout le monde est épuisé par ces rythmes. Mais les directeurs sont seuls ! Tout se passe dans la violence de l'immédiateté. Ils sont particulièrement exposés et on leur en demande de plus en plus sans jamais les protéger. L'idée est de ne pas faire de vague et de sacrifier les naufragés dans la tempête ! Je remercie l'institution de ne pas salir mon nom. » Signé : « Christine Renon, directrice épuisée ».

Cette lettre, monsieur le Premier ministre, a été envoyée à tous les directeurs d'établissements de Pantin, à l'inspecteur, aux organisations syndicales. Je ne peux malheureusement pas la lire intégralement ici, mais c'est un cri public qu'a lancé Mme Christine Renon, juste avant son suicide, samedi matin, dans l'école maternelle qu'elle dirigeait à Pantin.

Dans un texte bouleversant de dignité et de retenue, mais aussi de clarté, elle dit son épuisement face aux réformes menées à marche forcée, les rythmes intenables, le manque de moyens humains et matériels, son sentiment de solitude et le manque de soutien de la part de l'institution. Un travail rendu impossible dans ces conditions – impossible jusqu'à l'irréparable.

Malheureusement, ils sont nombreux, comme elle, à être en très grande souffrance au travail. Certains vont jusqu'au suicide. Les enseignants sont à bout, jusqu'au suicide. Les policiers sont à bout, jusqu'au suicide. Les soignants sont à bout, jusqu'au suicide.

M. Alain Bruneel. C'est vrai !

M. Bastien Lachaud. C'est le résultat d'années de saccage méthodique de la fonction publique, que vous poursuivez. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)

Cette lettre d'adieu n'est pas la première alerte. Ma collègue Sabine Rubin a remis en main propre au ministre Blanquer 450 témoignages d'enseignants décrivant leurs conditions de travail. En vain.

Quand allez-vous donner les chiffres relatifs aux suicides dans la fonction publique ? Quand allez-vous entendre la souffrance des personnels ? Quand allez-vous cesser de saccager les institutions et de mener les gens au suicide ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit aussi.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur Lachaud, le décès tragique de Mme Renon, qui a mis fin à ses jours la semaine dernière à Pantin, où elle dirigeait une école, est bouleversant. Il est bouleversant pour ses proches, pour ses collègues, pour la communauté éducative de Pantin – à qui je veux évidemment adresser nos plus sincères condoléances, notre soutien et notre solidarité –, bouleversant pour toute la maison de l'éducation nationale et tous ses agents, bouleversant pour tous ceux qui sont viscéralement attachés à ce que la République tienne toutes les promesses qu'elle fait à ses serviteurs.

Jean-Michel Blanquer s'est rendu la semaine dernière à Pantin. Il a échangé très longuement avec les collègues de Mme Renon et avec la communauté éducative. Tous font l'objet d'un accompagnement psychologique, accompagnement également proposé aux familles. Il a par ailleurs missionné l'inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche pour faire toute la lumière sur les circonstances qui ont mené à ce drame – mais, vous l'avez indiqué, Mme Renon avait écrit une lettre, qui a été publiée.

Dans cette lettre, elle fait état de son épuisement absolu face à « tous ces petits riens qui nous prennent 200 % de notre temps ». Elle fait état de sa solitude, du sentiment qu'elle n'a pas d'interlocuteur à qui parler de ses conditions de travail. Il est bien évident que cela doit nous interpeller. Depuis plusieurs années, les missions des directeurs d'école ont été renforcées. Dans le même temps, nous savons que, contrairement aux collèges et aux lycées, les écoles ne sont pas des établissements publics et que leurs directeurs n'ont pas les mêmes prérogatives, pas de statut particulier, pas les mêmes possibilités que les personnels de direction des collèges et des lycées. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Il y a donc un vrai travail à faire pour simplifier leur quotidien et renforcer leurs missions.

Mme Danièle Obono. Vous faites le contraire !

M. Pierre Cordier. Ça va faire trois ans que vous êtes aux affaires !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . Ce travail a été mené par certaines de vos collègues - je pense à Cécile Rilhac et Valérie Bazin-Malgras, qui ont rédigé un rapport sur le sujet. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. Madame Obono, s'il vous plaît !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . Nous travaillons avec elles à des mesures qui pourraient être présentées à la suite de ces travaux.

Je pense que nous pouvons nous accorder sur le fait que ce drame va nous inviter tous, communauté éducative et élus, à avancer sur cette question sans tabous – en tout cas, Jean-Michel Blanquer y est prêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)