Question au Gouvernement n° 2241 :
COMPÉTITIONS SPORTIVES AU QATAR

15e Législature

Question de : M. Régis Juanico
Loire (1re circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 2019


COMPÉTITIONS SPORTIVES AU QATAR

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. « On nous prend pour des cons. » Cette phrase, Yohann Diniz l'a prononcée juste avant l'épreuve du 50 kilomètres marche lors des mondiaux d'athlétisme qui se déroulent cette semaine à Doha. Ce grand champion français a été contraint d'abandonner, tout comme 40 % des concurrentes du marathon, pour cause de « surchauffe » et éviter de mettre en péril sa santé en raison d'une chaleur suffocante digne d'un sauna : 32 degrés et un taux d'humidité de 75 %, en pleine nuit. Comme tous les passionnés d'athlétisme, je suis triste du spectacle offert depuis le début de ces mondiaux, dont Fédération internationale, en 2014, a confié l'organisation au Qatar.

Comment peut-on prendre le risque de mettre en jeu, à l'occasion de grands championnats, l'intégrité physique des athlètes, pour des motifs financiers et commerciaux ? La cupidité a pris le dessus sur les valeurs du sport.

Seulement 50 000 billets ont été vendus, soit 10 % de la capacité du Khalifa International Stadium, la plupart du temps vide, comme ce fut le cas avant la finale du 100 mètres, qui s'est déroulée dans une ambiance glaciale et artificielle. Selon de nombreux témoins sur place, l'organisation est catastrophique.

Ces mondiaux sont une hérésie sportive mais aussi écologique. Le stade ouvert est climatisé à l'aide de 3 000 bouches d'aération, en contradiction totale avec l'agenda 2020 du Comité international olympique, qui met au cœur de l'organisation des grands événements sportifs la préservation de notre environnement, grâce à un cahier des charges scrupuleusement respecté, par exemple, par le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Je veux aussi dénoncer l'esclavage et les conditions de travail infernales qui ont déjà causé la mort de centaines d'ouvriers indiens et népalais sur les chantiers titanesques dans la perspective de la coupe du monde de football 2022, laquelle se tiendra pour la première fois en hiver, dans huit enceintes climatisées.

Alors que de fortes suspicions de corruption et de trafic d'influence pèsent sur l'attribution des mondiaux d'athlétisme et de football, ce qui a entraîné l'ouverture d'une enquête par le parquet national financier, ma question est simple : comment des instances sportives internationales ont-elles pu prendre la décision irresponsable de confier l'organisation de ces deux grands événements internationaux au Qatar ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. Monsieur Juanico, je ne peux que partager votre constat, d'autant qu'il fait écho aux manifestations de tous les athlètes, pas seulement des nôtres. Les sportifs, vous le savez, sont ma première boussole.

M. Thibault Bazin. Rien pour les territoires !

M. Fabien Di Filippo. Ni pour les associations !

Mme Roxana Maracineanu, ministre . Il est dangereux, pour la santé des sportifs de haut niveau, de consentir des efforts soutenus sous une chaleur excessive. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que cela se produit. Nous l'avons vu à Rio, à Paris cette année durant la coupe du monde de football. Ce sera encore le cas l'an prochain à Tokyo, où les températures seront excessives. Nos concitoyens souffrent également, dans leur pratique quotidienne, de ces températures.

Les conséquences du réchauffement climatique sont particulièrement visibles dans le milieu du sport. C'est pourquoi nous devons mobiliser tout notre écosystème sportif pour qu'il s'engage davantage à lutter contre ce phénomène, pas seulement en France.

Dans notre pays, près de 300 organisateurs d'événements et gestionnaires d'équipements sportifs ont signé avec le ministère des sports une charte relative à leur responsabilité écologique mais aussi sociale. Nous avons l'ambition de promouvoir ces actions, qui pourront être développées lors des grands événements sportifs, aux niveaux européen et international. C'est bien à ce niveau-là en effet que l'on peut trouver une réponse à votre question, monsieur le député.

Vous le savez, le cahier des charges des grands événements sportifs relève de la responsabilité des fédérations internationales. Comment pouvons-nous agir ?

M. Ian Boucard. En envoyant un tweet ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . En 2021, la France présidera l'Union européenne. J'ambitionne de faire figurer à notre agenda le sujet du sport sous l'angle des conditions d'attribution des GESI – grands événements sportifs internationaux – afin de nouer enfin le dialogue avec les fédérations internationales et les autres gouvernements européens, tout en respectant leur autonomie et leur neutralité.

Une autre solution serait de conférer, en parallèle, une plus grande responsabilité aux sportifs. Nous allons nous engager dans cette voie grâce à un futur projet de loi qui tendra à renforcer la place des sportifs dans la gouvernance des fédérations nationales et, je l'espère, internationales.

Néanmoins je me permets, monsieur le député, de vous rappeler l'universalité du sport. Elle doit devenir une réalité, mais pas à n'importe quel prix. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Régis Juanico

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sports

Ministère interrogé : Sports

Ministère répondant : Sports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2019

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