Pénibilité et violences au sein de l'éducation nationale
Question de :
Mme Sabine Rubin
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 2019
PÉNIBILITÉ ET VIOLENCES AU SEIN DE L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. « Moi je n'adore pas le mot de pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Tout un chacun aura reconnu le style inimitable de notre Président de la République. Pourtant, dans notre pays, la semaine dernière, on pouvait dresser ce triste bilan des morts au travail : un chauffeur routier, deux agriculteurs, un ouvrier, deux enseignants, onze marins, quatre policiers.
Bien sûr, le travail peut être une source d'épanouissement individuel et d'émancipation collective. Mais, contraint dans des relations sociales toujours archaïques, il est également facteur d'angoisse, de souffrance, et de violence. La pénibilité frappe tous les secteurs, tous les corps de métiers. Elle ne fait pas de différence entre salariés du privé et de la fonction publique. Elle est protéiforme, physique ou psychique, rampante ou foudroyante (M. Jean Lassalle applaudit), toujours imposée par la pression d'un petit chef ou d'une structure.
Aujourd'hui, au sein de l'éducation nationale, la violence rend particulièrement pénible le travail quotidien. C'est ainsi que, vendredi dernier, dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis, un jeune du lycée des Lilas a été poignardé avant de mourir dans les bras de son professeur d'éducation physique et sportive. C'est ainsi que les enseignants d'un lycée d'Épinay se sont mis en grève, ce matin, après le tabassage d'un élève. Hier à Agde, c'était au tour d'une enseignante d'être agressée par des parents d'élèves.
Il y a la violence physique, mais aussi la pression bureaucratique. Il y a peu, Christine Renon et Frédéric Boulé se donnaient la mort. Ils n'étaient pas fragiles, comme certains ont voulu le laisser penser ; ils ont été brisés, brisés par la dégradation de leurs conditions de travail et la perte de sens produites par vos réformes kafkaïennes et iniques.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, à défaut d'éprouver ce qu'est la pénibilité au travail, quand allez-vous a minima respecter la douleur de ceux qui ne se plaignent qu'en silence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la députée, vous avez évoqué des sujets relatifs à la violence. Ils sont extrêmement sérieux et importants. Vous en avez aggloméré qui sont de différentes sortes.
Les violences contre les professeurs ou contre les personnels de l'éducation nationale sont évidemment des phénomènes qu'il faut condamner. Je pense que nous les condamnons unanimement. Pour ma part, je l'ai fait s'agissant des violences récentes, aussi bien de celles d'Agde que du Val-d'Oise.
Mme Danièle Obono. Nous vous parlons de pénibilité !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Nous avons réagi avec la plus grande fermeté : les responsables des événements d'Agde sont aujourd'hui incarcérés et, bien entendu, des suites pénales leur sont réservées. De même, ce qui s'est passé dans le Val-d'Oise est inacceptable. Les suites données seront extrêmement sévères.
Par ailleurs, je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises s'agissant de ce que vous évoquez pour la Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire le suicide d'une directrice d'école, Mme Christine Renon. C'est évidemment un tout autre sujet.
Mme Sabine Rubin. C'est un ensemble !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Vous dites qu'elle aurait été la victime de réformes kafkaïennes et iniques, ce sont évidemment des termes excessifs. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Mme Danièle Obono. Mais enfin, avez-vous lu la lettre de Christine Renon ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Je vous demande de me citer une réforme du premier degré qui serait kafkaïenne et unique ? Pensez-vous au dédoublement des classes de CP et de CE1, ou au renforcement des moyens ? Je ne le crois pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je pense qu'il ne faut pas se tromper de combat : lorsqu'il y a des circonstances dramatiques, il faut que nous gardions tous notre dignité. Bien entendu, il y a des suicides dans les différentes professions, et, dans le cas de Mme Renon, j'ai dit à quel point nous devions réfléchir sur la direction d'école.
Ce sujet n'est pas nouveau. Au sein de votre assemblée, Mme Cécile Rilhac et Mme Valérie Bazin-Malgras ont mené une mission flash sur les directeurs d'école, au nom de votre commission des affaires culturelles et de l'éducation, afin de nous faire des propositions.
M. Loïc Prud'homme. Ce qui manque ce sont les moyens humains !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Mme Rilhac travaille encore sur ce sujet, et j'ai invité les organisations syndicales à le faire également.
Oui, nous allons améliorer les conditions de travail des directeurs d'école, mais le problème ne se pose pas depuis deux ans, il remonte à plusieurs décennies ! Oui, nous sommes engagés pour trouver une solution collectivement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre, je suis heureuse de voir que vous reconnaissez, à demi-mot, la pénibilité au travail. Mais alors, pourquoi, sur un plan plus global, ne pas avoir accepté notre proposition de loi reconnaissant le burn out ? Pourquoi…
M. le président. Merci, madame Rubin.
Auteur : Mme Sabine Rubin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 2019