15ème législature

Question N° 22580
de M. Christophe Naegelen (UDI et Indépendants - Vosges )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > femmes

Titre > Violences conjugales - Dispositif électronique de protection anti-rapprochement

Question publiée au JO le : 03/09/2019 page : 7797
Réponse publiée au JO le : 21/01/2020 page : 446
Date de renouvellement: 10/12/2019

Texte de la question

M. Christophe Naegelen interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le dispositif électronique de protection anti-rapprochement. Les chiffres sont sans appel. Le nombre de femmes victimes de violences conjugales en France ne diminue pas. Le système actuel de protection et de prévention en matière de violences conjugales nécessite une profonde réforme. Des défaillances ont d'ores et déjà été identifiées. Parmi celles-ci, l'impossibilité pour la victime de violences conjugales de connaître la situation géographique de son agresseur. Pourtant, un dispositif existe ; celui du dispositif électronique de protection anti-rapprochement. Cette mesure de sûreté créée par la loi du 9 juillet 2010 et modifié par la loi du 28 février 2017, prévoit le port d'un bracelet électronique par les auteurs de violences graves ou de tentatives de meurtre sur leur conjointe, et qui ont été condamnés à au moins 5 ans de prison. Ainsi, porté par le conjoint qui est censé rester à distance, le bracelet électronique, contrôlé par GPS, avertit la victime si l'agresseur s'approche trop près de son domicile. Néanmoins, l'expérimentation de ce dispositif qui devait débuter dès 2012 en vue d'une éventuelle généralisation, n'a pas été conclusive en raison du très faible nombre de cas répondant aux critères alors fixés. En effet, le cadre procédural de l'attribution du dispositif électronique de protection anti-rapprochement semble très, voire trop, rigoureux : son attribution est subordonnée, outre l'existence d'une interdiction d'approcher la victime, au placement sous surveillance électronique mobile de la personne mise en examen ou condamnée. Pourtant, le placement sous surveillance électronique mobile nécessite le consentement de l'auteur (présumé) des violences, et son refus n'est à ce jour pas sanctionné. De plus, en amont d'une décision judicaire, la mise en place de ce dispositif est subordonnée à la mise en examen de l'auteur présumé d'un crime ou d'un délit commis contre son conjoint pour une infraction punissable d'au moins 5 ans d'emprisonnement s'il s'agit de violences ou menaces, et d'au moins 7 ans dans les autres cas. Ainsi, l'application du dispositif est exclue dans le cadre d'infractions punissables d'une peine d'emprisonnement inférieures à 5 ans comme les violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à 8 jours, les actes de harcèlement, ou encore les menaces de mort. Or il est démontré que le meurtre est la dernière étape d'un continuum de violences qui prennent en premier lieu, la forme d'harcèlement ou de menaces. À ce jour, ce niveau dispositif n'a pas été expérimenté. Quant au téléphone grand danger, il est à lui seul, insuffisant. Il ne constitue en rien une armure contre les violences puisqu'il est actionné et donne l'alerte uniquement lorsque la victime est d'ores et déjà en situation de danger. Un texte étant en préparation, il souhaiterait savoir si elle envisage d'assouplir le cadre procédural trop strict du dispositif électronique de protection anti-rapprochement. Il l'interroge sur le calendrier prévu pour l'expérimentation de ce dispositif ou pour sa modification législative au regard de l'urgence dans laquelle l'État laisse les victimes de violences conjugales.

Texte de la réponse

La lutte contre les violences conjugales est une priorité d'action majeure du ministère de la justice comme en atteste la circulaire relative à l'amélioration du traitement des violences conjugales et à la protection des victimes du 9 mai 2019. Celle-ci donne des directives de politique pénale aux procureurs de la République afin que la protection des victimes de violences conjugales soit mieux prise en compte. Ainsi, elle propose de favoriser le recours accru au dispositif civil de l'ordonnance de protection notamment en invitant les procureurs de la République à solliciter d'initiative la délivrance d'une telle ordonnance, spécialement lorsque la victime est en grande difficulté pour effectuer une telle démarche comme par exemple en cas d'hospitalisation ou encore en cas d'emprise forte de l'auteur des violences. D'autres outils actuellement en cours d'élaboration par les services du ministère de la justice viendront accompagner cette circulaire conformément aux annonces faites lors du Grenelle contre les violences faites aux femmes qui a débuté le 3 septembre. Parmi ces outils, figure un guide pratique de l'ordonnance de protection destiné non seulement aux magistrats mais aussi aux victimes et à tous les professionnels impliqués dans la lutte contre les violences conjugales. La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique avait en effet prévu l'expérimentation pour une durée de trois ans du « dispositif électronique de protection anti-rapprochement », visant à améliorer la protection des victimes de violences conjugales et à garantir le respect de l'interdiction faite à l'auteur de violences conjugales d'entrer en contact avec la victime. Pour autant, le cadre légal permettant de recourir à ce dispositif, qui a pour objet de créer une zone de protection autour de la victime, dans laquelle le conjoint violent à l'interdiction de pénétrer, est actuellement trop limité. Le placement d'une personne sous surveillance électronique mobile suppose en effet qu'elle soit déjà mise en examen ou qu'elle soit condamnée, cela dans des conditions très restrictives. Plutôt qu'une nouvelle expérimentation sur la base légale existante, une proposition de loi vient d'être adoptée par le Parlement (publication au J.O. le 29 décembre 2019) afin de pouvoir étendre le plus rapidement possible les conditions juridiques permettant le prononcé du bracelet anti-rapprochement (BAR). Cette réforme vise à mettre en œuvre ce dispositif de protection, même en l'absence de poursuites pénales, en permettant au juge aux affaires familiales de le prononcer dans le cadre d'une ordonnance de protection. Le BAR pourra également être ordonné dès l'instant où des poursuites seront engagées, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, mais aussi au stade de l'exécution de la peine, dans le cadre d'un sursis probatoire ou d'une mesure d'aménagement de peine. Par ailleurs, la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a supprimé l'exigence de l'accord préalable de la personne en matière de surveillance électronique ordonnée par le juge pénale, ce qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars. Le nouveau dispositif pourra donc être ordonné sans l'accord préalable de l'intéressé. S'il refuse ensuite la pose du bracelet électronique, il sera possible de révoquer son contrôle judiciaire ou son sursis probatoire et donc de l'incarcérer. Enfin, afin d'assurer l'effectivité du dispositif tout en respectant les exigences constitutionnelles de proportionnalité et de nécessité, il est prévu que le dispositif électronique anti rapprochement ne soit possible en matière pénale que pour les délits punis d'une peine égale à au moins trois ans d'emprisonnement. Ce seuil de trois ans correspond à l'ensemble des formes de violences pouvant être commises au sein du couple. Seules certaines menaces commises au sein du couple sont actuellement punies de deux ans d'emprisonnement par l'article 222-18-3 du code pénal, mais il sera proposé de porter cette peine à trois ans.