15ème législature

Question N° 226
de Mme Agnès Firmin Le Bodo (UDI, Agir et Indépendants - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > professions de santé

Titre > Démographie médicale au Havre

Question publiée au JO le : 20/03/2018
Réponse publiée au JO le : 28/03/2018 page : 2107

Texte de la question

Mme Agnès Firmin Le Bodo attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la démographie médicale au Havre. Le constat est malheureusement sans appel : la désertification médicale s'aggrave. Si tous les territoires sont concernés, elle constate et surtout déplore que les Havrais vivent dans un vrai désert médical urbain du fait d'un problème aigu de démographie médicale ! Elle tient à lui citer quelques exemples. La pénurie d'ophtalmologistes en France est criante, mais elle prend une acuité toute particulière en Seine-Maritime, avec une densité de seulement 7,2 ophtalmologistes pour 100 000 habitants, ou encore 6,5 ophtalmologistes pour 100 000 habitants au sein de l'agglomération havraise contre 9 dans le reste de la France. Le délai d'attente de rendez-vous au Havre est de 153 jours en moyenne. La moyenne nationale, elle, s'élève à 100 jours. Ce délai pose évidemment problème face à l'augmentation de maladies oculaires, notamment liées à l'âge. La psychiatrie n'est guère mieux lotie. Le nombre de psychiatres pour 100 000 habitants sur le territoire de santé du Havre, est en effet deux fois moins élevé que la moyenne nationale. On compte ainsi 6,48 psychiatres salariés pour 100 000 habitats sur le territoire - moyenne nationale 12,9 - et 5,55 psychiatres libéraux pour 100 000 habitants contre 10,2 de moyenne nationale. Par ailleurs, l'effectif de ces services est calculé par rapport à une capacité d'accueil théorique. Or celle-ci est régulièrement dépassée entraînant une surcharge de travail, de la fatigue et donc des arrêts de travail, eux-mêmes non remplacés ou insuffisamment. Ce cercle vicieux épuise les personnels. Les hôpitaux privés, enfin, connaissent eux aussi des difficultés : ainsi l'HPE du Havre n'a plus de pneumologue et se trouve en difficulté du fait de problèmes de recrutement d'un gynécologue obstétricien menaçant même l'avenir de la maternité au Havre. Face à ce constat, la communauté médicale, l'ARS, et les collectivités territoriales ne sont pourtant pas restées inactives. Ainsi, le groupe hospitalier du Havre poursuit sa démarche d'universitarisation en partenariat avec le CHU de Rouen, la faculté de médecine et pharmacie de l'université de Rouen et la communauté d'agglomération havraise (CODAH). Mais les problèmes demeurent. En octobre 2017, la ministre des solidarités et de la santé a présenté avec le Premier ministre, les propositions du Gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux et renforcer l'accès aux soins pour tous les Français. Mais face à l'extrême urgence de désertification médicale sur le territoire, elle lui demande de lui indiquer quelles mesures immédiates elle compte prendre.

Texte de la réponse

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE AU HAVRE


M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour exposer sa question, n°  226, relative à la démographie médicale au Havre.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Madame la ministre des solidarités et de la santé, le constat est malheureusement sans appel : la désertification médicale s'aggrave. Si tous les territoires sont concernés, je constate que le territoire havrais, urbain et rural, est devenu un vrai désert médical, et je le déplore.

Je tiens à vous donner quelques exemples. Si la pénurie d'ophtalmologistes en France est criante, elle prend une acuité toute particulière au Havre avec un peu plus de six ophtalmologistes pour 100 000 habitants, contre neuf dans le reste de la France. Le délai d'attente pour obtenir un rendez-vous est au Havre de 153 jours en moyenne contre 100 jours au niveau national. Un tel délai pose évidemment des problèmes compte tenu de l'augmentation de maladies oculaires, notamment liées à l'âge – je pense évidemment à nos aînés, mais aussi aux plus jeunes, qui passent beaucoup de temps devant les écrans.

La psychiatrie n'est guère mieux lotie. Le nombre de psychiatres pour 100 000 habitants sur le territoire de santé du Havre est en effet deux fois moins élevé que la moyenne nationale. On y compte 6,48 psychiatres salariés pour 100 000 habitants, contre 13 sur le plan national, et 5,55 psychiatres libéraux pour 100 000 habitants, contre 10,2 sur le plan national.

De plus, les effectifs de ces services sont calculés par rapport à une capacité d'accueil théorique, qui est régulièrement dépassée au sein de l’hôpital du Havre, ce qui provoque une surcharge de travail, de la fatigue et donc des arrêts de travail, eux-mêmes insuffisamment remplacés – lorsqu'ils le sont. Ce cercle vicieux épuise les personnels.

Les hôpitaux privés, enfin, connaissent eux aussi des difficultés : ainsi l'hôpital privé de l’Estuaire, situé au Havre, n'a plus de pneumologue, et donc de service de pneumologie. Il se trouve également en très grande difficulté du fait de problèmes de recrutement d'un gynécologue obstétricien, problèmes qui hypothèquent l'avenir de sa maternité et pourraient à terme déséquilibrer l’organisation du service de maternité dans notre territoire.

Face à ce constat, la communauté médicale, l’agence régionale de santé et les collectivités territoriales ne sont pourtant pas restées inactives. Ainsi, le groupe hospitalier du Havre poursuit sa démarche d'universitarisation en partenariat avec le centre hospitalier universitaire – CHU – de Rouen, l'université de Rouen et la communauté d'agglomération du Havre. Toutefois les problèmes demeurent.

En octobre dernier, le Premier ministre et vous-même avez présenté les propositions du Gouvernement pour lutter contre la désertification médicale et renforcer l'accès aux soins pour tous les Français. Toutefois, compte tenu de l'extrême urgence liée à la désertification médicale que subit notre territoire, pourriez-vous m'indiquer les mesures immédiates que vous comptez prendre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Firmin Le Bodo, vous m'interpellez sur la question de la démographie médicale, notamment dans la région du Havre. L'un des premiers leviers que nous souhaitons utiliser est celui de la formation des professionnels médicaux. L'agence régionale de santé et l'université de Rouen souhaitent promouvoir les spécialités en tension sur votre territoire, en proposant plus de postes d’internes après l'examen classant national.

Nous souhaitons également promouvoir l'offre de stages en dehors du centre hospitalier universitaire, pour que les futurs médecins découvrent au cours de leur formation les territoires, notamment dans les zones où l'offre de soins est insuffisante. L'agence régionale de santé contribue en outre fortement au financement de postes d'assistants spécialistes régionaux : soixante et onze postes ont été financés en Normandie l'an passé, dont quatorze au groupement hospitalier du Havre. Sur la région, trois assistants spécialistes régionaux ont été sélectionnés en psychiatrie et deux en ophtalmologie.

L'agence investit également dans la région pour développer la télémédecine, notamment pour les publics fragiles comme les résidents en établissements d'hébergements pour personnes âgées dépendantes : dix EHPAD ont ainsi bénéficié en 2017 d'un accompagnement financier qui leur a permis de s'équiper.

L'agence travaille par ailleurs à renforcer l'attractivité des postes de praticien hospitalier, via la prime d'engagement dans la carrière hospitalière, et à promouvoir des temps partagés entre établissements dans les spécialités les plus en tension, via la prime d'exercice territorial.

Développer l'accès aux soins implique également qu'on réfléchisse aux organisations innovantes permettant de libérer du temps médical. Je pense en particulier au renforcement de la place des orthoptistes par rapport aux ophtalmologistes pour favoriser et faciliter l’accès au renouvellement des prescriptions de lunettes.

Le récent zonage des médecins reconnaît le territoire du Havre comme zone d'action complémentaire, ce qui le rend éligible aux aides de l'ARS liées à un critère de sous-densité médicale. Dernièrement, l'ARS a proposé à la préfète de Seine-Maritime d'autoriser le président du conseil de l’ordre des médecins à recourir à un contrat de médecin adjoint sur l'agglomération, ce que la préfète a autorisé par arrêté du 2 mars 2018, pour une durée d'un an. Enfin, l'ARS s'est engagée avec la communauté d'agglomération dans un contrat local de santé permettant de soutenir des actions et financements conjoints en matière de prévention et de soins.

Comme vous pouvez le voir, madame la députée, nous actionnons tous les leviers afin d’être présents sur le territoire, aux côtés des élus et des Havrais, en vue de répondre à leurs attentes en matière de santé.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je vous remercie, madame la ministre, de toutes ces précisions : en effet tous les leviers sont activés, certains, toutefois, sur le moyen terme, voire le long terme.

À court terme, s'agissant de l'ophtalmologie, les négociations sur le plan national vont dans le bons sens et permettront d'alléger les problèmes. Il faut toutefois savoir qu'il y avait trente-cinq ophtalmologistes au Havre, et qu'il n'y en a plus que six. Vous pouvez aisément imaginer les difficultés que rencontrent les Havrais pour obtenir un rendez-vous et se faire prescrire des lunettes.

La psychiatrie et la maternité sont les deux urgences qui m'inquiètent le plus. Si la maternité de l'HPE devait par malheur fermer, nous nous trouverions face à 700 accouchements que ne pourrait pas assumer la maternité de l'hôpital du Havre. C'est un vrai problème d'organisation territoriale. Quant à l'hôpital psychiatrique Pierre Janet, il est vraiment en tension. La création assez rapide d'un poste d'universitarisation y serait bienvenue. Il en est de même à l'HPE au sein du service de gynécologie.