15ème législature

Question N° 22892
de M. Mansour Kamardine (Les Républicains - Mayotte )
Question écrite
Ministère interrogé > Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère attributaire > Enseignement supérieur, recherche et innovation

Rubrique > outre-mer

Titre > Intégration de spécialistes locaux aux missions scientifiques de l'État

Question publiée au JO le : 17/09/2019 page : 8146
Réponse publiée au JO le : 08/09/2020 page : 6076
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Mansour Kamardine interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur les missions scientifiques conduites par les services de l'État portant sur la géologie et plus spécifiquement la vulcanologie à Mayotte. Dans le cadre de la naissance d'un nouveau volcan à Mayotte, des séismes que subit le département et des évolutions géologiques du territoire, l'État déploie des missions scientifiques d'observation, d'évaluation et de prospective. Les phénomènes géologiques en cours suscitent une très forte inquiétude au sein de la population de Mayotte et, par conséquence, une très forte attente en matière d'explication publique et de vulgarisation. De plus, les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs prérogatives institutionnelles, se doivent d'élaborer des politiques d'aménagement du territoire et de gestion des risques qui nécessitent d'intégrer le phénomène géologique au fur et à mesure de sa compréhension et des projections d'évolution, notamment en matière de cartographie des risques. Pourtant, la nécessaire intégration institutionnelle et permanente au sein des missions scientifiques de l'État de spécialistes locaux permettant à la fois d'expliquer le phénomène auprès du plus grand nombre et de le traduire en matière de cartographie des risques auprès des collectivités territoriales n'a pas été effectuée lors missions du printemps et de l'été 2019. Ce manque d'intégration de spécialistes locaux est largement interprétée par la population mahoraise comme un manque de transparence de la part de l'État qui suscite incompréhension doute et inquiétude. C'est pourquoi il lui demande t'intégrer institutionnellement des spécialistes mahorais, notamment compétents en matière de science géographique et de cartographie des risques naturels aux missions scientifiques de l'État à Mayotte.

Texte de la réponse

Depuis mai 2018, l'activité sismo-volcanique de la région de Mayotte est suivie avec la plus grande attention et de manière permanente à l'aide d'opérations d'observation et de recherche, menées par des spécialistes de plusieurs établissements et laboratoires de recherche français : Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), Ifremer et Institut de Physique du Globe de Strasbourg (IPGS). Depuis l'automne 2018, ces actions de recherche ont été menées dans le cadre du programme Tellus-Mayotte piloté par le CNRS-INSU (Institut National des Sciences de l'Univers) financé par le ministère de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation (MESRI) et le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) avec une coordination générale assurée par la délégation interministérielle aux risques majeurs Outre-mer. Cinq campagnes océanographiques (MAYOBS 1 à 4 avec le Marion Dufresne et MAYOBS 5 avec le Beautemps-Beaupré), réalisées en 2019, ont permis la découverte d'une activité volcanique actuelle forte associée à la croissance rapide d'un nouveau volcan à 50 km à l'Est de Mayotte et d'une activité plus faible à proximité de Petite Terre (fumeroles, panaches, coulées récentes). Les résultats scientifiques actuels sur l'aléa sismo-volcanique sont complétés par des modélisations des risques telluriques associés à ce phénomène nouveau dans cette région (volcanisme, sismicité, tsunami, submersion marine) par les spécialistes de ces phénomènes naturels. Le Gouvernement a souhaité une complète transparence depuis les premiers effets de ce phénomène. De ce fait, il a également souhaité que la communauté mahoraise soit pleinement associée et intégrée à chaque niveau, depuis les activités liées à la recherche et l'observation jusqu'à la formation et la communication scientifique. Par exemple, au moment où les conditions logistiques s'y prêtaient, l'administrateur SIG du Conseil départemental de Mayotte a été invité à participer à la campagne océanographique MAYOBS 3 du 13 au 15 juillet 2019 à bord du Marion Dufresne. Il faut rappeler que l'accès à ces missions scientifiques en mer, qui font appel à des moyens lourds, est très contraint, et arbitré sur la base des compétences absolument indispensables au meilleur déroulé de la mission. Depuis le printemps dernier, les explorations et observations scientifiques sont focalisées dans l'urgence sur les géosciences, et plus spécifiquement dans les domaines de la géophysique (sismique, géodésie) et de la volcanologie pour lesquels aucun chercheur ou spécialiste mahorais n'a pour le moment été identifié. Dès que des connaissances consolidées permettront de définir et modéliser les aléas, des travaux sur la vulnérabilité, les risques et les impacts sociétaux dans l'océan indien pourront démarrer, ce qui permettra certainement à d'autres scientifiques, notamment mahorais, d'apporter leurs contributions. Le Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR) possède une équipe de géographes, qui a été renforcée récemment, avec des compétences importantes sur les risques, les sociétés et les informations géographiques. Cette équipe jeune, mais de haut niveau en recherche, est très investie dans la formation des étudiants mahorais. Cette formation actuellement aux niveaux de la Licence et du Master, et bientôt du Doctorat, permettra de développer les compétences locales et de former les experts de demain. Le CUFR est par ailleurs déjà pleinement associé par l'un de ses enseignants, professeur de géomorphologie, qui participe d'ores et déjà, aux côtés du BRGM et de la préfecture, aux conférences d'information scientifique organisées dans les communes, également traduites en shimaoré et kibushi. Outre ces deux intervenants, la ministre des Outre-mer, qui avait réuni les parlementaires du département au moment de l'annonce de la découverte du nouveau volcan au retour de la mission MAYOBS 2, a confirmé la volonté d'associer largement les mahorais, notamment par la constitution d'un comité des parties prenantes, composé d'élus, de responsables locaux (associatifs, culturels, éducatifs…) auquel seront présentés régulièrement les derniers éléments connus et découverts par la communauté scientifique. Ces mêmes personnalités mahoraises avaient déjà été conviées sur le Marion Dufresne immédiatement après son retour de la mission MAYOBS 4 pour se voir présenter les installations océanographiques du bord et bénéficier prioritairement des toutes dernières informations scientifiques. Il convient de préciser que les natifs de Mayotte sont majoritaires dans ce comité qui a été officiellement installé le 14 octobre 2019.  Premier maillon de la chaine de la connaissance, le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (REVOSIMA), dans sa forme pérenne qui sera opérationnelle dès janvier 2020, sera complété de nouvelles stations sismologiques implantées sur le territoire. Ce réseau sera opéré par l'IPGP avec l'appui du BRGM de Mayotte, et bénéficiera du soutien de l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF-IPGP) à La Réunion, de l'IFREMER et du CNRS-INSU. Il permettra d'assurer la surveillance de l'activité sismo-volcanique à partir des réseaux instrumentaux à terre renforcés par les données récurrentes d'origine marine, les résultats des campagnes océanographiques et d'autres programmes de recherche. De plus, un projet d'observatoire « Homme-Milieu » dédié à la problématique de la perception de l'aléa et des risques est en projet au niveau du CNRS. Tout comme dans les trois autres observatoires d'Outre-mer à la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, les personnels scientifiques du REVOSIMA sont fortement engagés dans divers efforts d'enseignement et de diffusion des connaissances scientifiques. Ils participent à des réunions scientifiques et aux enseignements universitaires. Ils s'engagent dans des programmes de sensibilisation comme « Sismo à l'école » (http://www.edusismo.org/), la Fête de la Science et les activités médiatiques (presse, radio, télévisions locales, nationales et internationales), des émissions de télévision et à des tournages (France ô, Arte, BBC, …). Dans cet esprit de lien entre les scientifiques et la population, des sismomètres ont été placés dans différentes structures publiques, mairies ou collèges par exemple. Parallèlement à cette sensibilisation destinée aux élèves, le REVOSIMA en lien avec le vice-rectorat travaille à la mise en place d'une formation et une mise à niveau des enseignants de SVT sur cette thématique. Par ailleurs, des relations ont été établies entre le directeur scientifique du REVOSIMA et le musée de Mayotte dans l'objectif de créer une exposition vivante sur le thème du phénomène sismo-volcanique mettant en œuvre les technologies du numériques, la présentation d'échantillons, de supports pédagogiques et ludiques pour expliquer le phénomène. Enfin, à destination de tous, un point sur l'activité sismo-volcanique et sur l'avancée des connaissances scientifiques est réalisé au minimum deux fois par mois avec le bulletin d'information du REVOSIMA, largement diffusé, librement accessible, et mis en ligne sur les sites institutionnels des organismes de recherches et de la préfecture. La sensibilisation aux risques à Mayotte est une priorité de l'Etat qui dès juin 2018 s'est efforcé de diffuser les éléments connus auprès de la population, via les médias traditionnels ou digitaux. Une nouvelle campagne de communication (en français, shimaoré, et kibushi) sera prochainement lancée afin de rappeler le phénomène sismo-volcanique, l'état de connaissance sur l'aléa et les conduites à tenir en cas de risque de tsunami ; des exercices seront proposés à la population en vraie dimension pour s'entrainer à bien réagir en cas d'aléa.