Utilisation des jachères
Question de :
M. Olivier Gaillard
Gard (5e circonscription) - La République en Marche
M. Olivier Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'utilisation des jachères. En cette année 2019, sa circonscription, et l'ensemble du département du Gard, à l'image d'autres territoires français, traversent une crise hydrologique doublée d'un risque incendie maximal. Un phénomène qui devient chronique. Le plan de mobilisation générale pour l'agriculture est une réponse pour faire face à l'urgence et aux conséquences potentiellement désastreuses de ces calamités climatiques. L'autorisation d'exploiter des jachères dans les départements les plus touchés permet d'atténuer la pénurie à venir de fourrage. Les effets de ce contexte se cumulent et rongent chaque année un peu plus les trésoreries des exploitants, les ressources de fourrage sont en tension croissante, et devraient faire l'objet d'une utilisation tournée prioritairement vers la satisfaction des besoins de l'élevage, et in fine de l'alimentation, dans le cadre d'une gestion durable des jachères. L'organisation en flux de solidarité pour répartir les ressources de foin ou paille excédentaires pourrait opportunément être complétée d'une mesure d'encadrement de l'utilisation sous forme de broyage aux fins de méthanisation. Compte tenu de la récurrence des pénuries de fourrage, il apprécierait qu'il lui fasse connaître son positionnement quant à la recherche d'une solution d'encadrement véritablement normative, opposable et efficace, afin d'éviter le détournement de l'usage alimentaire des terres, l'épuisement de la matière organique des sols et l'affaiblissement de l'élevage.
Réponse publiée le 26 novembre 2019
Le paiement vert, ou verdissement, est un paiement direct aux exploitants agricoles qui vise à rémunérer les actions spécifiques en faveur de l'environnement et contribue à soutenir leurs revenus. Il impose à ce titre le respect par un grand nombre d'exploitants de mesures, qui par leur effort de masse, contribuent à améliorer la performance environnementale de l'agriculture en termes de biodiversité, de protection de la ressource en eau et de la lutte contre le changement climatique. Dans ce cadre, pour obtenir le paiement vert, les exploitants agricoles doivent disposer de surfaces d'intérêt écologique (SIE) à hauteur d'au moins 5 % de la surface en terres arables. Les SIE peuvent être des éléments topographiques (arbres, haies, murs, bosquets, mares et fossés) ou des surfaces (bandes tampons ou le long des forêts, cultures dérobées, jachères, plantes fixant l'azote et taillis à courte rotation). Les jachères ne sont donc qu'une modalité possible. Pour être considérées en SIE et donner droit au paiement vert, les jachères ne doivent faire l'objet d'aucune utilisation ni valorisation pendant la période de couverture obligatoire de 6 mois minimum (article 45.2 du règlement délégué 2014/639), fixée nationalement du 1er mars au 31 août, ce qui permet de préserver la faune et la flore sur ces parcelles. Il n'est donc pas possible de donner une possibilité générale aux agriculteurs de faucher librement les jachères. Conscient de l'impact de la sécheresse du printemps et de l'été 2019 sur les exploitations d'élevage qui avaient abordé l'hiver avec un faible stock de fourrage suite à la sécheresse de 2018, le Gouvernement a toutefois sollicité la Commission européenne (CE) dès le début du mois de juin pour la mise en place de mesures exceptionnelles et la possibilité d'accorder des dérogations au titre du paiement vert. En parallèle, le Gouvernement a très rapidement mis en place des mesures en autorisant dans le cadre de la procédure « cas de force majeure » le pâturage et la récolte des jachères SIE pour les éleveurs de 24 départements. Compte tenu de l'extension de la sècheresse, le Gouvernement a étendu à plusieurs reprises la zone d'application de ces mesures à 33 départements le 24 juillet 2019, puis à 60 départements le 29 juillet 2019 et enfin à 69 départements le 22 août 2019. Le Gouvernement a également demandé à la CE d'étendre le dispositif aux exploitants qui ne sont pas éleveurs afin de permettre une solidarité entre exploitants. La CE l'a accepté le 25 juillet 2019, les autorités françaises ont appliqué sans attendre cette ouverture. La CE a adopté le 4 septembre 2019 une décision confirmant cette possibilité [décision C (2019) 6438]. La CE a accordé des dérogations supplémentaires à l'occasion de l'adoption de la décision du 4 septembre 2019. Ces dérogations permettent d'augmenter les disponibilités fourragères applicables dans les régions reconnues par les États membres comme affectées par une sécheresse sévère. Par ailleurs, le Gouvernement a également sollicité de la CE une augmentation des taux des avances sur les aides de la politique agricole commune versées à partir du 16 octobre 2019, la CE l'a acceptée et une décision a été adoptée [n° C (2019) 6536] pour porter les avances à 70 % des montants finaux pour les aides directes (au lieu de 50 %) et 85 % des montants finaux pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels (au lieu de 75 %). Cette possibilité a été mise en œuvre en France et permet d'apporter une avance de trésorerie à l'ensemble des exploitants concernés. Au niveau national, le dispositif des calamités agricoles sera quant à lui activé par les préfets de département concernés dès le bilan de la sécheresse 2019 connu. Sans attendre la reconnaissance en calamités agricoles, plusieurs mesures visent à améliorer à très court terme la trésorerie des exploitants touchés : l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les cultures destinées à l'élevage pour lesquelles des procédures de dégrèvement d'office seront activées, ainsi que les mesures de report de paiement ou de prise en charge partielle des cotisations sociales. Par ailleurs, il est nécessaire que les agriculteurs fassent preuve de solidarité entre eux et que des flux entre départements disposant de fourrages et ceux en pénurie ou guettés par la pénurie se mettent en place. Le réseau des chambres d'agriculture et les organisations professionnelles sont mobilisés pour identifier les ressources et organiser ces flux. Un travail a été engagé avec le ministère chargé des transports et les fédérations de transporteurs, afin d'identifier les actions éventuelles à mettre en place pour faciliter ces transports de fourrage. En outre, les cellules d'identification et d'accompagnement des exploitants en difficulté, mises en place de manière pérenne dans les départements depuis 2018, permettent de faciliter l'identification et l'appui des exploitations en difficulté. Face à la multiplication des sécheresses, et plus largement des événements climatiques exceptionnels, il est indispensable de repenser collectivement d'une part les mesures de protection et d'indemnisation, mais également plus largement les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d'adaptation. C'est dans cet objectif qu'une consultation élargie sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture vient d'être lancée avec pour objectif la généralisation de la couverture des agriculteurs face aux risques climatiques. Sur la base des contributions reçues des parties prenantes à la mi-septembre 2019, plusieurs réunions de travail se tiendront au second semestre 2019 en vue d'identifier des voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture. Enfin, dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la question de l'approvisionnement des installations de méthanisation a été identifiée comme fondamentale pour éviter la concurrence de la production d'énergie à partir de biomasse avec les usages alimentaires. Aussi, cette question a-t-elle été prise en compte dès l'élaboration de la loi qui prévoit, à son article 112 modifiant l'article L. 541-39 du code de l'environnement, que : « les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires, dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisés. ». Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Il prévoit, pour les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, un plafond maximal de 15 % en tonnage brut total des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation. Le plafonnement du recours aux cultures alimentaires pour la méthanisation vise à éviter une concurrence d'usages avec les productions alimentaires sur les surfaces agricoles. La politique européenne évolue vers des modèles d'approvisionnement des méthaniseurs en Europe plus durables. Les pays où le biogaz est produit avec une utilisation massive de cultures énergétiques dédiées s'orientent désormais vers la valorisation de davantage de sous-produits agricoles, notamment les effluents d'élevage, rejoignant ainsi le modèle français.
Auteur : M. Olivier Gaillard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 24 septembre 2019
Réponse publiée le 26 novembre 2019